Des administratrices qui n’hésitent pas à démissionner

La loi Copé-Zimmermann a eu pour effet de faire évoluer la parité dans les conseils d’administration des entreprises cotées, mais va-t-elle faire aussi évoluer l’indépendance des administrateurs. Tous les espoirs sont permis.

La loi de 2011 qui impose 40 % d’administratrices (*) dans les conseils des entreprises cotées d’ici 2017 se traduit par une arrivée massive de femmes. Dans les grandes entreprises, elles représenteraient bien plus de deux tiers des nominations des prochaines assemblées générales de s’apprêtent à statuer sur les comptes de 2015, selon Olivia Flahault, analyste en gouvernance d’OFG Recherche. En avril 2015, environ un tiers  des sièges du CAC 40 s’étaient déjà féminisés selon le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et le chiffre de 40 % devrait être atteint, en moyenne, dès cette année.

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Au vu des nominations en cours, et si on exclut les administratrices salariées qui ne sont pas incluses dans le calcul de la parité, une très grande majorité de femmes recrutées n’ont pas de lien direct avec la société ou ses dirigeants. Elle pourront donc être considérées comme indépendantes. Par conséquent, on s’oriente vers un conseil type composé de 14 membres avec 6 femmes et 8 hommes, et probablement 4 administrateurs indépendants et 4 administratrices indépendantes.

Un autre signe peut-être interprêté positivement. Ces derniers mois, plusieurs femmes ont démissionné avant la fin de leur mandat et ces démissions ont été observées dans des conseils où la gouvernance et/ou la rémunération des dirigeants ne fait pas l’unanimité. Bien que le lien direct entre démission et désaveu n’ait pas toujours été affiché comme tel, c’est un signe qui ne trompe pas. Ainsi, l’été dernier, la démission surprise de Véronique Morali ( Fimalac) du conseil d’Alcatel-Lucent après le scandale des rémunérations de Patrick Combes, le patron sortant, n’est pas passée inaperçue. En janvier, l’annonce du départ de Dominique Reiniche ( ex-PDG France de Coca-Cola) suivie ces jours-ci de la démission de Patricia Barbizet du conseil de Peugeot, toutes deux bien avant la fin de leur mandat, ne sont peut-être pas étrangères aux problèmes notoire de gouvernance chez le constructeur ou encore à la rémunération jugée excessive du directeur général Carlos Tavares.

Des administratrices qui apportent un vent d’air frais sur la gouvernance

Chez Rexel, un sérieux malaise au sein du conseil aurait aussi incité les deux administratrices Isabelle Marey-Semper (L’Oréal) et Monica Ribar à quitter le conseil en cours de mandat. Monika Ribar, ex-administratrice de la société suisse Sika s’était d’ailleurs déjà illustrée en s’opposant à la prise de contrôle de Sika par Saint Gobain dans des conditions défavorables aux minoritaires. Colette Neuville ( Adam), a elle aussi claqué la porte du conseil de Numericable SFR, la filiale d’Altice qui s’est surendettée pour payer les investissements de sa maison mère. Quant à l’ex-animatrice Isabelle Giordano qui l’a remplacée chez Numericable SFR, elle est passée en coup de vent, ce que certains qualifient d' »erreur de casting ».

Un vent d’air frais souffle donc sur la gouvernance. Il ne faudrait pas pour autant en conclure que le grand remplacement des énarques et polytechniciens qui ont investi en masse les conseils est bien engagé. Les castes se reconstituent, d’autant que certaines femmes de pouvoir issues des « grandes écoles », sont très recherchées et finissent par devenir, elles aussi, des « cumulardes ». Espérons néanmoins que la culture « Old boys Club » des conseils fera bientôt partie du passé.

(*) L’objectif de 40% s’applique aux conseils de plus de 8 membres. Pour les plus petits, l’écart entre les femmes et les hommes doit être au maximum de deux. La loi de 2011 s’applique aux  sociétés cotées, celles qui depuis trois ans  emploient un nombre moyen d’au moins 500 salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions €.