Patience récompensée au Club Med !

Quel est le record de l’OPA la plus longue en France ? Avec un feuilleton à rebondissements, qui dure maintenant depuis 17 mois, l’offre publique d’achat (OPA) sur le Club Med est en passe de battre le record de durée établi  lors du rachat de la foncière Silic par sa concurrente Icade. Désorientés par des messages contradictoires, certains actionnaires individuels ont jeté l’éponge et vendu leurs titres en Bourse. Malgré des projets de surenchère, les déclarations des dirigeants brandissant la longueur et les aléas des recours ont pénalisé les épargnants qui auraient pu vendre leurs titres plus cher.

Une OPA extra-longue pour la bonne cause

En déclenchant un recours contre le feu vert de l’AMF à une OPA biaisée sur le Club Med, les activistes ont amélioré l’ordinaire des Gentils Actionnaires (G.A.)
La France n’est pas le pays des batailles boursières éclair. Les entreprises qui en font l’objet les critiquent. Il est vrai que ces combats sont harassants pour les cibles, inconfortables pour le management et surtout coûteux. L’OPA sur le Club Med aura, pour l’heure, fait les choux gras de six banques (Société Générale, Natixis et Crédit Agricole CIB, Rothschild, Lazard et Unicrédit) au moins, trois auditeurs experts indépendants (Accuracy, Associés en Finance et BMA) et un consultant en stratégie (Roland Berger), sans compter les agences de communication intervenues sur le dossier (dont DGM, Image 7, Havas Media…) et les avocats parmi lesquels Jean-Pierre Martel ou le cabinet Cleary Gottlieb. Une facture très lourde  dont une bonne part sera prise en charge par le Club Med, donc payé par les vainqueurs de l’OPA.

Mais cette fois, c’est pour la bonne cause, car ces contretemps ont une contrepartie positive : un prix d’offre qui décolle. Ce lundi 6 octobre 2014, le conseil d’administration et le comité d’entreprise du Club Med se sont prononcés sur la dernière surenchère du chinois Fosun sur le capital. Le prix d’OPA a été relevé trois fois. Il est passé de 17 euros par action en mai 2013 à 22 euros, pour la dernière offre connue le 5 octobre 2014. La kyrielle d’investisseurs institutionnels détenant chacun environ 5 % du capital, s’ils sont là depuis le début, gagneront 8 millions d’euros supplémentaires chacun grâce à ces surenchères. Un particulier détenant 200 actions du Club Med depuis le début de l’OPA empochera 1000 euros de plus (+29 %) par rapport à la première offre.

Selon le PDG, le recours devait être « très préjudiciable » aux actionnaires !

Dès le mois de juin 2013, l’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam), par la voix de Colette Neuville, et le fonds Charity Investment Asset Management (CIAM), ont déposé un recours contre le feu vert donné par l’AMF à l’OPA sur le Club Med qu’ils considéraient « au rabais ». Alors qu’elle essuyait de violentes critiques, l’intervention de ces activistes s’est pourtant révélée très salutaire pour les actionnaires du moins. L’allongement de la procédure n’est pas allée à l’encontre de l’intérêt des minoritaires, au contraire. Henri Giscard d’Estaing, le PDG de Club Med, qui était le premier, en juillet 2013, à affirmer qu’un recours entrainant un report de la clôture de l’offre, serait « très préjudiciable » aux actionnaires et à la société, leur doit sans doute des excuses.

Pendant le délai des recours (9 mois, de juillet 2013 à avril 2014), la Bourse profitait d’une tendance générale haussière. Selon les mauvaises langues, ce climat porteur serait la vraie cause du relèvement du prix, plus que les recours intentés par les activistes. Un argument particulièrement fallacieux, car l’initiateur d’une offre d’achat essaye généralement de la lancer dans un creux de marché, en espérant bien profiter lui-même de la remontée des cours attendue. C’est ce qui s’est effectivement produit dans le cas du Club Med. Un an après l’annonce du premier projet d’OPA de mai 2013 par Gaillion Invest (holding détenu par Axa Private Equity devenu Ardian, la Chinois Fosun et le management) le CAC 40 avait gagné 14 %. Quant au secteur des loisirs, qui inclut des valeurs comme Air France, Accor ou encore Pierre et Vacances, il avait repris 29 % entre temps. Le prix de 22 euros proposé mi septembre, n’a donc rien d’extraordinaire.

Conclusion : les petits actionnaires ont presque toujours intérêt à refuser les termes d’une première offre d’achat et à faire monter les enchères, surtout si l’OPA est soutenue par la direction,

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