Novartis et ses litiges avec la justice américaine

Novartis qui présentait ses comptes semestriels 2015, ce mardi 21 juillet, n’a pas commenté les accusations liées au versement de pots-de-vin aux Etats-Unis à des professionnels de santé. Les communiqués du groupe suisse publiés à cette occasion ne donnent aucune précision sur les risques d’amendes que Reuters estimait pourtant à 3,5 milliards $, le 1er juillet dernier. Le groupe n’a pour l’heure provisionné que 521 millions $ pour ce type de litiges au 31 décembre 2014. Début juillet, Novartis avait contesté les faits indiquant qu’il se défendrait contre les accusations, selon un porte-parole. Mais il faut s’attendre maintenant à ce que cette affaire se règle, comme c’est très souvent le cas aux Etats-Unis pour ce type de litige, par le paiement d’une importante amende. Le chiffre de 3,5 millards $ d’amende potentielle, même s’il ne figure pas dans les provisions pour litiges n’est probablement pas cité par hasard. A défaut de transaction, le procès devrait débuter le 2 novembre prochain.

Un lanceur d’alerte dénonce des malversations

C’est un lanceur d’alerte qui a fournit à la justice américaine de nouveaux éléments permettant de mettre en lumière les pratiques de la filiale américaine Novartis Pharmaceuticals Compagny (NPC). En effet, le qui tam, disposition du False Claims act, utilisée dans l’affaire UPS, qui permet à une personne d’engager une action contre une entreprise au nom de l’Etat et de toucher jusqu’à 30% du montant de l’amende. Cette loi vise essentiellement à encourager les lanceurs d’alerte à dénoncer les pratiques frauduleuses des entreprises qui spolient le gouvernement américain.

En janvier 2011, cette disposition a permis à Oswald Bilotta, un ancien chef des ventes de Novartis, de porter devant la justice de nombreuses malversations présumées de son ancien employeur. Ses révélations auraient ainsi permis de découvrir un système de rétrocommissions mis en place entre le groupe suisse et nombre de pharmacies américaines afin de doper les ventes de deux de ses médicaments : le Myfortic et l’Exjade. Des informations détaillées figurent sur le site du Department of Justice (DoJ) américain.

Il est fait état de violations de la loi Anti-Kickback. Cette loi anti-corruption interdit d’inciter une personne à recommander ou acheter un produit ou un soin de santé, couvert par les programmes fédéraux Medicare et Medicaid. L’objectif de cette loi est de s’assurer que le choix de produits ou services de santé ne soit pas influencé par la remise en échange d’avantages financiers ou de biens de valeur.

Des ristournes pour les pharmaciens complaisants

Le 8 janvier 2014 une plainte du gouvernement américain a été déposée sur cette base, devant la cour fédérale du Sud de New York contre Novartis et Bioscrip, une entreprise pharmaceutique américaine implantée dans près de 50 états aux USA. Elle fait état de pots-de-vin versés par le géant suisse à la société pharmaceutique Bioscrip en échange de prescriptions, de ses médicaments Myfortic et Exjade, à de nombreux patients.

C’est ainsi que pour s’assurer de belles ventes de son produit, le Myfortic indiqué pour prévenir les risques de rejet d’organe transplanté, Norvatis aurait offert à une vingtaine de pharmacies voire plus, des ristournes et rabais afin que celles-ci prescrivent son médicament en lieu et place d’autres génériques moins chers, et parfois jugés plus efficaces. Novartis est notamment poursuivi pour avoir versé à compter de 2005, de telles ristournes, sortes de marges arrière, à la pharmacie Bryant dans le Mississippi afin qu’elle prescrive à ses patients le Myfortic. Selon les éléments avancés dans la plainte, au cours des quatre premières années de l’accord, les ventes annuelles de Myfortic de la pharmacie seraient de ce fait passées de 100 000$ à 1 million$. Cette pharmacie se voyant ensuite rembourser des millions $ par l’Etat fédéral à travers le Medicare et le Medicaid pour des prescriptions de Myfortic biaisées.

Dans la même plainte, le gouvernement américain affirme, qu’un système similaire de ristournes assimilées à des pots-de-vin aurait également été mis en place pour promouvoir l’Exjade qui traite les surcharges en fer liées à des transfusions fréquentes. Novartis aurait versé plusieurs millions $ à Bioscrip. Cette société valorisait auprès de ses clients les bienfaits de l’Exjade en occultant les effets secondaires potentiellement mortels du produit. Cette opération était cependant très rentable pour les deux parties puisque pour 1 $ de ristourne versé à Bioscrip, Norvatis obtenait un retour sur « investissement » de 7,8 $. De son côté, Bioscrip dopait ses ventes d’Exjade, touchait les ristournes de Novartis et obtenait d’importants remboursement de la part de Medicare et Medicaid.

Des avantages en nature sous couvert de programmes de conférences

Le groupe suisse fait également l’objet d’une autre plainte qui date du 26 avril 2013 pour son « speaker programs » c’est à dire son « programme de conférence ». Au cours de ces nombreux séminaires où un médecin, rémunéré par Novartis, est censé exposer à d’autres docteurs et professionnels de santé les médicaments fabriqués par la société en présentant objectivement leurs bienfaits. C’est ainsi que près de 38 000 séminaires de ce genre liés aux médicaments Lotrel, Valturna et Starlix ont été organisés par Novartis à travers le pays. Selon les détails fournis par le DoJ, ce programme aurait coûté près de 65 millions $ entre janvier 2002 et novembre 2011. Or, en réalité, pratiquement aucune présentation officielle de médicaments n’était faite sinon des diners organisés dans de somptueux restaurants et hôtels durant lesquels les docteurs et professionnels de santé étaient invités gracieusement par l’entreprise en galante compagnie… On parle par exemple d’un dîner où, outre un repas à 672 $ par tête, le médecin invité avait reçu un honoraire de 1.000 $.

Malgré les importants montants investis, les analyses internes du groupe ont démontré que ces séminaires s’avéraient très rentables et avaient permis un important « retour sur investissement » avec une nette augmentation des prescriptions de produits Novartis effectuées par ces mêmes docteurs et professionnels de santé censés avoir assistés à ces fameuses conférences.

Ces accusations sont d’autant plus graves qu’elles ont perduré jusqu’en 2011, alors que Novartis avait passé, en septembre 2010, un accord amiable de 422,5 millions $ avec le gouvernement américain pour mettre fin à des accusations de marketing et d’incitations illicites à prescrire certains médicament. Cet accord qui prévoyait également la mise en place d’un programme de compliance, destiné à prévenir la pratique de tels actes au sein de l’entreprise n’a visiblement pas correctement été appliqué. 

Selon un rapport de l’association Regards citoyens Novartis serait le laboratoire le plus généreux avec les professionnels de la santé. Le rapport estime ainsi à 18 millions $ le montant des avantages en hospitalités, transport, repas et autres dons fait par l’entreprise à des médecins, associations de santé, infirmiers et fondations entre janvier 2012 et juin 2014.