Belle envolée du cours de Pernod Ricard ! En 20 ans, le cours du géant des vins et spiritueux a été multipliée par 10. Depuis l’arrivée du neveu « héritier » Alexandre Ricard à la tête du groupe, en février 2015, le titre a progressé de 40 % là où le CAC40 a gagné à peine 8 %. Est-ce cette course folle qui est à l’origine d’un dérapage incontrôlé des rémunérations du PDG soumise au vote de l’AG Pernod Ricard, le 21 novembre prochain ? Nommé à 43 ans, pour diriger un groupe qui pesait 27 milliards €, le plus jeune patron du CAC40 a appuyé un peu fort sur la pédale d’accélérateur. Si les actionnaires votent les éléments de sa politique de rémunération pour l’exercice 2018/2019, il pourra se targuer d’avoir doubler sa paie en l’espace de quatre ans.
Si les actionnaires votent la hausse de +16 % du Say on Pay, ils en partageront la responsabilité avec les administrateurs
La société de conseil en votes, Proxinvest a entrepris de contester l’augmentation de cette rémunération patronale. Il est vrai que la paie du PDG a des tendances très inflationnistes. Elle franchit chaque année, un nouveau cap. En 2015/16 à son arrivée, Alexandre Ricard touchait 2,75 millions €, puis en 2016/2017 le chiffre est monté à 3,62 millions €. A l’AG du 21 novembre prochain, les actionnaires auront à approuver la rémunération de l’exercice passé 2017/2018 ( résolution numéro 11) de 4,13 millions €, à laquelle s’est ajoutée une prime de 2,7 millions € en guise de pécule pour sa retraite… Et pour 2018/2019, le conseil demande aux actionnaires (résolution numéro 10) de voter une nouvelle augmentation de 16 % du fixe d’Alexandre Ricard qui va servir de base à toutes ses autres rémunérations( variable court terme, stocks-options, actions gratuites, cotisations pour sa retraite etc…).
Le bouchon est poussé un peu loin. La hausse de la rémunération fixe du patron qui passe de 950 000 € à 1,1 million € « aura un effet inflationniste élevé sur le bonus annuel calculé en pourcentage du fixe (180% maximum, soit 1 980 000€, +16%) tout comme sur la rémunération actionnariale (en options ou en actions gratuites) qui est plafonnée à 150% du fixe, (soit 1 650 000€, +16%) » fait remarquer le proxy qui estime que « Les actionnaires partagent désormais avec les administrateurs une grande responsabilité dans la hausse de la rémunération des dirigeants en France depuis la Loi Sapin 2 » et que « les actionnaires minoritaires responsables doivent donc s’engager sur le sujet grâce à un exercice diligent, professionnel et ferme de leur droit de vote, quitte à s’opposer sur le sujet à la famille fondatrice. » En clair, Proxinvest conseille à ses clients de voter « contre » la résolution numéro 10.
La comparaison avec la hausse des rémunérations de 1,5 % des salariés est sans appel
Sans attendre la mise en place du ratio d’équité prévu par la loi pacte, qui doit permettre de mesurer l’évolution de la rémunération du patron avec celle de ses salariés, les +16 % sur un an ne supportent pas la comparaison avec la hausse de la rémunération moyenne des salariés de Pernod Ricard (charges incluses) que Proxinvest chiffre autour de 1,5 % l’an depuis 2014/15. Elle n’a rien à voir, non plus, avec l’inflation, de 2,4 % par an sur la période. Mais Alexandre Ricard préfère comparer ses émoluments à ceux des autres patrons du CAC40 ou à ce qui se passe chez les concurrents. Le conseil de Pernod Ricard a donc fait travailler deux cabinets externes de conseil en rémunération, pour justifier le réhaussement de la paie du PDG, qui ne serait finalement qu’une simple « mise à niveau ».
Que vaut cet argument de « benchmarking » ? Rien selon Proxinvest : comparer le niveau du Say on Pay à celui des autres dirigeants, est sans fondement pour un dirigeant familial. Alors qu’il est capitalistiquement intéressé à la bonne marche des affaires, on peut en effet imaginer, qu’il n’a pas besoin d’une carotte supplémentaire pour avancer.
Proxinvest estime qu’il existe un biais court-termiste chez Pernod Ricard
Ce n’est pas la seule critique qu’émet le conseil en vote aux investisseurs. Proxinvest qui voit passer chaque année des centaines de rémunérations et les analyse, trouve la structure de rémunération du PDG, trop court-termiste. La part de la rémunération variable annuelle est trop importante, comparée à l’attribution d’actions gratuites et de stocks-options qui représente la rémunération à long terme. Par ailleurs, pour mériter cette rémunération actionnariale, les conditions de performance ne seraient pas assez exigeantes selon le proxy et le seraient davantage chez le concurrent Diageo.
L’assemblée générale de Pernod Ricard, réunie le 21 novembre 2018, est très suivie. L’an dernier, environ 800 actionnaires individuels y ont participé et le quorum a officiellement dépassé 72% ( Lire aussi notre article sur les votes erronés des AG 2018). La famille Paul Ricard à laquelle appartient Alexandre, neveu de l’ancien PDG Patrick, se présentera avec 21 % des votes (14,5 % du capital) en compagnie des dirigeants et des salariés. L’autre grand actionnaire, c’est le Groupe Bruxelles Lambert avec 11 % des droits de vote et 7 % du capital. Ils ne sont pas liés par un pacte d’actionnaire. Les scores en AG font généralement apparaître un très large consensus mais l’an dernier un ou plusieurs actionnaires réunissant 18 % des votes en AG (13 % des droits de vote totaux) se sont opposés à la nomination d’une administratrice proche de la famille Paul Ricard.
A la question de l’envolée des rémunérations sur laquelle il faudra voter le 21 novembre, s’est ajoutée cette année, celle de l’équilibre du conseil d’administration. L’actionnaire familial contrôle la moitié des sièges au conseil alors qu’il n’a que 15 % du capital. Les actionnaires devront voter le 21 novembre, le renouvellement de Ian GALLIENNE et de Gilles Samyn. Bien qu’ils représentent l’actionnaire belge GBL avec 10,5 % des droits de vote (résolutions 6 et 7), ils sont considérés comme indépendants. La nomination de Patricia Barbizet est aussi à l’ordre du jour, ce qui ne changera pas drastiquement l’équilibre du conseil.
PS : L’exercice des droits de vote à l’AG de Pernod Ricard, sera possible via votaccess, 24 h/24 du lundi 5 novembre 2018 à 9h00 (heure de Paris), jusqu’au mardi 20 novembre 2018 à 15h00 (heure de Paris). Il sera également facile de donner procuration à un tiers actionnaire ou à un conjoint, ou encore d’obtenir une carte d’admission permettant de participer à l’AG convoquée le mercredi 21 novembre 2018, à 14 heures, à la Salle Pleyel, 252, rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris. Ici les documents de l’AG du 21 novembre 2018
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