Les actionnaires de Sequana et les représentants de l’associaton Asamis réunis en assemblée générale sur deuxième convocation le 21 juin 2018, au moment même où la France jouait son deuxième match de coupe du monde contre le Pérou, n’ont pas perdu leur temps. Grâce à leurs votes et aux procurations des membres de l’association, la réunion s’est soldée par le rejet des trois résolutions contestées. Le groupe des contestataires autour d’Asamis avait réuni environ 7 % de voix dont 4,06 % de pouvoirs confiés à Asamis acceptés et 0,7 % rejetés car hors délais. Compte tenu d’un quorum de 25,96 %, ce groupe d’actionnaires regroupés a pu afficher environ 24 % des droits de vote en AG.
Une floppée de questions écrites que Sequana refuse de mettre sur le site internet de la société
Les membres de l’association présidée par Daniel Pichot, avait posé 11 questions écrites qui figureront avec la réponse dans le procès verbal de l’AG mais que la Direction de Sequana a refusé de mettre en ligne sur son site internet. Les actionnaires ont appris peu de chose. Sinon que l’issue du procès BAT dont l’audience s’est déroulée début juin, ( et pour lequel la Direction s’est déclarée confiante) sera connue entre la fin juillet et la fin octobre 2018. Et aussi qu’en cas de cession du contrôle d’Antalis, Sequana qui en possède 75 % pourrait rester au capital de sa filiale.
De son côté Montségur Finance qui possède moins de 1 % du capital a posé trois questions écrites en s’interrogeant sur l’opportunité d’avoir versé au PDG Pascal Lebard sa rémunération variable compte tenu de ses contre-performances. Alain Crouzat, le gérant de Montségur Finance a reproché à Pascal Lebard sa gestion qui ne date pas d’hier » Vous n’avez pas pris vos responsabilités. Vous êtes toujours là, grâce à un conseil d’administration qui aura sans doute des comptes à rendre, à des commissaires aux comptes, des responsables de comités qui avalisent ce qui se passe dans le groupe…l’histoire dira quelle sera la suite » a-t-il lancé, spécifiant que le PDG de Sequana Pascal Lebard était déjà présent chez Worms au moment de la distribution de dividendes (contestée par BAT et objet du procès) par son ex-filiale Arjo Wiggins Appleton, devenue Windward Prospects, cédée depuis et fautive d’une atteinte à l’environnement.
L’espoir d’une hypothétique OPA obligatoire sur Antalis se dissipe car BPIFrance a pris ses précautions
Assez vite, la Direction a mis fin aux espoirs d’OPA sur Antalis que pouvait nourrir Asamis, en précisant que BPIFrance avait bien spécifié dans ses contrats que sa garantie se limiterait pour la partie exerçable en actions Antalis à 29 % du capital d’Antalis et n’irait pas au delà. Exit donc tout espoir d’OPA obligatoire, même si rien n’empêcherait BPIFrance de lancer une OPA volontaire si la banque publique décidait d’offrir une porte de sortie aux actionnaires minoritaires d’Antalis. Il n’en a pas été question.
L’enjeu principal de cette assemblée était le vote de la quatrième résolution de l’AG ordinaire qui n’avait pu être votée le 24 mai dernier, en raison d’un quorum insuffisant. Il s’agissait de faire approuver par les actionnaires, une convention réglementée, au profit du principal actionnaire BPIFRance (15,4 % du capital et plus de 17 % des votes). Bien qu’elle soit au centre de tout, la banque publique représentée au conseil par Eric Lefèbvre avait donné son pouvoir au PDG Pascal Lebard et n’était pas présente dans la salle. On ne sait pas si l’administrateur de la BPI a craint de se retrouver face aux petits porteurs furieux ou s’il a préféré suivre le match France-Pérou, en tout cas, signe de mépris pour les actionnaires individuels, personne de BPIFrance Participations n’a fait le déplacement pour s’expliquer sur les conditions contestées des crédits fait à Sequana.
L’association Asamis recommandait de voter contre cette résolutions sur des prêts de 47 millions € accordés en 2017 et 2018 et remboursables fin janvier 2019 mais assortis d’un taux exorbitant de 12 % et de garanties ruineuses portant sur la quasi-totalité des actifs tangibles que Sequana risque de devoir brader pour rembourser les crédits.
Asamis a proposé deux amendements en AG, rejetés au motif que les actionnaires n’ont pas la main sur les contrats avec des tiers
Comme le permettent les textes régissant les AG, Asamis a proposé avant de passer au vote de la résolution 4, deux amendements à cette résolution, l’un demandant un plafonnement des intérêts du prêt de BPIFrance, l’autre réclamant un exercice des garanties des prêts sur la base d’une valeur de l’action Antalis équivalente à 3 € par action ( cours d’introduction) au lieu du cours de 1,40 € actuellement. Ces deux amendements ont occasionné une suspension de séance, avant d’être refusés. On aurait pu penser qu’il revenait au conseil d’administration de décider s’il acceptait ou non ces amendements. Ça n’a pas été le cas, d’ailleurs les administrateurs étant absents, c’était impossible. Le bureau de l’assemblée présidé par le directeur juridique Antoine Courteault et constitué par deux grands actionnaires ( Asamis et Eric Peters) ont été appelés à décider si les amendements étaient ou non recevables.
Après avoir pris un « avis juridique », il a été annoncé par la Direction que les deux amendements n’étaient pas recevables au motif suivant : « L’assemblée n’est pas compétente pour régler les sujets concernant des contrats avec des tiers. Elle peut simplement exprimer qu’elle est d’accord ou qu’elle est contre ». Le PDG Pascal Lebard, un peu gêné, a promis que les deux amendements demandés par Asamis figureraient au PV de l’AG et qu’il en parlerait de son côté au conseil, estimant les demandes très claires. Le contraire aurait été choquant.
Sequana refuse de faire voter la résolution externe figurant pourtant à l’ordre du jour
Exit donc les deux amendements présentés par Asamis qui ont manifestement pris de court la direction, et ceci sur le simple avis d’un juriste ! Mais ce n’est pas la seule surprise de cette AG. Pour celle du 24 mai 2018, Asamis avait soit-disant omis de renouveler l’envoi deux jours avant la tenue de l’AG, de nouvelles attestations de détention des titres. A cette date, les résolutions externes déposées par Asamis dans les formes et numérotées de A à G n’avaient donc pas été soumises au vote, en tout cas, pas celles de A à F qui relevaient de l’AG ordinaire pour laquelle le quorum était réuni et qui avait pu se tenir.
Restait donc en théorie à voter le 21 juin la dernière résolution externe présentée par Asamis ( la résolution F qui relevait de l’AG extraordinaire sur seconde convocation). Mais une fois de plus, ce fut la douche froide pour l’association. Cette résolution figurait bien à l’ordre du jour de l’AGE du 21 juin sur lequel les actionnaires avaient voté à distance, ceux qui l’avaient présentée, étaient présents ou représentés à l’AG, il n’empêche que le secrétaire général et la direction ont refusé de faire voter la résolution F, prenant sur eux de modifier l’ordre du jour. Raison invoquée : comme la première fois, Asamis n’avait pas cru utile de renvoyer une nouvelle attestation de détention des actions justifiant le dépôt de la résolution externe, au 2ème jour précédant l’AG.
Les juristes qui voudront se pencher sur la question trouveront probablement que le secrétaire général de Sequana a été un peu loin dans les arguties juridiques pour s’éviter une résolution qui avait peut-être obtenu des suffrages trop importants par correspondance. Pourquoi faut-il, comme l’a fait le secrétaire général demander à des actionnaires présents ou représentés à l’AG ( qui ont donc attesté de leur détention d’actions 2 jours avant) de fournir une nouvelle attestation spécifique pour que leur résolution externe inscrite à l’ordre du jour, puisse être prise en compte et votée ? On frise l’absurde.
Le conseil d’administration fait un pied de nez aux petits porteurs d’Asamis
Quoiqu’il en soit, c’est ainsi que la Direction de Sequana s’est débarassé d’une résolution G particulièrement gênante car les associations d’actionnaires individuels sont dépourvues d’avocat pour les assister en AG et ont donc du mal à s’y retrouver. Il est donc assez facile de leur imposer une interprétation des textes juridiques. La résolution G était assez consensuelle et elle aurait probablement été votée compte tenu des voix détenues par les administrateurs qui auraient pu s’y opposer (notamment la BPI).
De quoi s’agissait-il ? De modifier les statuts et d’obliger chaque administrateur de Sequana à détenir au moins 40 000 actions Sequana ( d’une valeur d’environ 20 000 € sous 24 mois) contre 100 actions aujourd’hui. Une sorte de « caution » qui pouvait les faire réfléchir à deux fois, si jamais ils se laissaient aller à prendre des décisions contraires à l’intérêt des actionnaires. Le montant de 20 000 € restait très convenable sachant que chez Sequana, la brochette des 8 administrateurs concernés se partagent 700 000 € par an de jetons de présence ! C’est énorme pour une société qui vaut 35 millions d’euros en Bourse et connait des difficultés.
Mais au lieu d’obtempérer, le conseil de Sequana qui compte des personnalités comme Jean-Yves Durance ( ex-président de Marsh et de la chambre de commerce de Paris) et Jean-Pascal Beauffret ( ancien du Trésor puis Directeur Financier d’Alcatel), a décidé de faire voter sa propre résolution « obligeant » les administrateurs à détenir non pas 40 000 actions mais 1000 actions (soit une contre valeur de 500 €) ! Adoptée bien entendu.
La convention réglementée portant sur les prêts à court terme à 12 % de BPIFrance, largement rejetée
Après qu’Asamis ait encaissé deux déceptions de suite, le moment était venu d’avoir quelques satisfactions avec la séance des votes. Le vote de la résolution numéro 4 s’est conclu par un rejet à une très large majorité des votes exprimés ( 80 % des voix contre ou abstentions). Ceci, après que l’actionnaire Montségur Finance représenté par Alain Crouzat, ait bien vérifié que BPIFrance ne participerait pas au vote avec ses 10 millions d’actions ( étant partie prenante). Pour autant, si la convention n’a pas été votée, cela ne veut pas dire qu’elle ne sera pas appliquée car le vote des actionnaires n’est que consultatif à ce sujet. C’est le conseil d’administration qui décidera et il devra prendre ses responsabilités avec tous les risques que cela comporte en cas de nouvelles difficultés de Sequana.
Les résolutions autorisant à augmenter le capital sans DPS, rejetées également
S’agissant des résolutions de l’AG extraordinaire, les numéros 18 et 19 concernant une autorisation d’augmentation de capital sans droits préférentiel de souscription, elles ont également été rejetées comme le souhaitait Asamis qui estimait qu’une dilution supplémentaire des actionnaires n’était pas nécessaire. C’est grâce aux procurations rassemblées par l’association que les résolutions ont été contrées, ne rassemblant que 65,69 % de votes positifs, là où il en fallait 66,66 %. Pour autant, il faut se souvenir que les résolutions votées en 2017 ( augmentation de capital avec DPS) restent actives et qu’elles permettent le cas échéant à Sequana de lever jusqu’à 100 millions € (en nominal) de capital jusqu’au 5 août 2019, ce qui correspond à ce jour à un nombre d’actions multiplié par 4 si le nominal devait être fixé au niveau du cours actuel.
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