Le résultat de l’OPA simplifiée sur April sont tombés le 31 juillet 2019. Après avoir acquis 75,5 % du capital et 75,11 % des droits de vote du courtier en assurances en juin, le fonds de Private Equity CVC Capital Partners, à l’initiative de l’OPAS à 21,60 € par action, n’a réuni à la clôture que 88,83% du capital et 88,41% des droits de vote.
April est la première société cotée à expérimenter, les changements de la loi PACTE en matière d’expropriation des actionnaires minoritaires. Si CVC Capital Partners avait réuni au moins 90 % du capital et des droits de vote d’April Group ( et non plus 95 % sur les deux critères comme c’était le cas avant PACTE), le fonds de Private Equity CVC aurait pu retirer l’action April de la cote d’office, le 12 août.
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La loi PACTE a discrètement ouvert les vannes de la radiation des actions cotées. « Les fonds de private equity regorgent de liquidité et ils sont prêts à payer des multiples élevés pour retirer des midcaps de la Bourse, la nouvelle procédure va leur faciliter la tâche. » explique un gérant midcaps qui s’attend à une multiplication des opérations à l’automne.
L’essai de CVC Capital Partners via la SAS Andromeda Investissements, n’a donc pas été transformé et il lui reste un peu moins de 3 mois pour tenter sa chance de nouveau, à condition d’atteindre la barre de 90 % d’April.
Pour l’instant, un grain de sable s’est glissé dans les rouages de cette offre qui semblait pliée depuis décembre 2018. En fin d’année dernière, Bruno Rousset, propriétaire d’Evolem, le holding d’April dont il était fondateur, avait cédé un bloc de contrôle. CVC le complétait en juin en rachetant deux participations minoritaires. Le tout était logé dans un holding fortement endetté pour un montage de type LBO. La suite on la connait : le holding aura besoin de remonter de gros dividendes d’April pour rembourser sa dette. Il lui faudra récupérer 100% du cash pour ne pas avoir à partager le gâteau avec les minoritaires.
Un courtier en assurance a acquis 9 % d’April
Mais, contre toutes attentes, la résistance est venue d’un autre courtier en assurance, Christian Burrus, le patron de Diot. Il nous a été confirmé que celui-ci était rentré en contact avec CVC Capital Partners probablement avant le lancement de l’OPAS qui a débuté le 11 juillet dernier. Il aurait alors signé un contrat avec une entité de CVC par lequel il se serait engagé à ne pas acheter d’actions April pendant l’OPA.
La suite est beaucoup plus mystérieuse et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette petite tambouille entre les deux interlocuteurs, est restée discrète. Peut-être même trop discrète dans une période d’offre où les avantages particuliers connexes qui auraient pu être négociés en parallèle de l’offre ne sont pas admis, au nom de l’égalité de traitement des actionnaires ( voir le cas Buffalo Grill).
Si Christian Burrus n’avait pas acheté de titres, il est probable que personne n’aurait jamais entendu parler de ce contrat. Mais cette affaire est apparue au grand jour, le 26 juillet, à quelques heures de la clôture de l’offre. Par un article sybillin du quotidien Les Echos, on apprenait : primo que Christian Burrus détenait 9 % d’April après les avoir acheté sans doute pendant l’OPAS; secundo que CVC Capital Partners avait déposé un référé au Tribunal de commerce à son encontre; Terzio qu’une ordonnance de référé datant du 23 juillet, lui avait interdit d’acheter des titres April, à compter du 23 juillet, sous peine de devoir payer 10.000 euros par action April nouvellement acquise. Une injonction qui le concernait lui, mais pas ses sociétés. Or, il nous a été confirmé que les titres April avaient été acquis, non pas en direct mais via deux de ses sociétés AFI-ESCA (6,7%, 2,74 millions d’actions April) et DÔM Finance, sur le marché à un prix légèrement supérieur au prix d’OPA soit 21,70 €.
Un accord mystère entre CVC Capital Partners et Christian Burrus
Ce drôle de mic mac n’éclaire pas les actionnaires sur l’accord signé entre Burrus et CVC ! Le 30 juillet, les titres April continuaient à s’échanger sur le marché au-dessus du prix d’OPA et le 31 juillet 2019, les résultats de l’OPAS étaient publiés. Les derniers minoritaires d’April se demandaient s’ils devaient vendre leurs actions. Et pour ceux qui avaient apporté à l’offre, le 4 août, débuteront les opérations de réglement-livraison.
L’affaire n’est donc pas terminée. Le délibéré de l’ordonnance de référé du Tribunal de commerce prononcée par le juge consulaire qui n’est autre que Patrick Sayer, un fin connaisseur du Private Equity qui a fait sa carrière dans le giron de Lazard Frères, sera-t-il confirmé lors du jugement au fond qui devra intervenir dans les mois à venir ?
Le petit monde la Finance autour du dossier April
En attendant, les actionnaires d’April sont en droit d’attendre des explications sur le contrat qui lie Christian Burrus et l’initiateur de l’offre. Le dossier April n’est pas un dossier insignifiant si l’on en juge par l’identité des « fées » qui se sont penchées sur le berceau. Outre Patrick Sayer, ancien patron d’Eurazeo, qui s’est prononcé sur cette affaire, on trouve sur le dossier, la banque Lazard Frères, en compagnie de Deutsche Bank et de Natixis. Elles se sont mises à trois pour présenter l’OPAS sur April Group présidé depuis juin dernier par l’ex-numéro deux de la Société Générale Didier Valet. Il conseille CVC Capital Partners et a probablement gardé des contact avec Patrick Suet, ex-Secrétaire Général de la banque, qui siège maintenant au Collège de l’AMF et est l’un des deux membres qui a mis en musique le nouveau retrait obligatoire. Espérons que ce petit monde la Finance qui se connaît bien assurera le meilleur traitement aux actionnaires minoritaires.