Le trader incrimé par son ex-employeur BPCE, renonce à laver son honneur. En se déclarant victimes irresponsables des pertes de leurs traders, les banques restent maîtresses du jeu et le fisc français doit leur accorder les exonérations qu’elles revendiquent. Aux Etats-Unis, les autorités infligent des amendes à la hauteur des fraudes qui renflouent les finances publiques, en France les contribuables paieront les exonérations et impunités, parfois contestables, dont profitent nos champions bancaires.
Un accord secret selon Mediapart
Boris Picano-Nacci s’est désisté. L’ex-trader des Caisses d’Epargne a renoncé à sa défense, il reste donc coupable d’abus de confiance condamné en correctionnel à 2 mois de prison avec sursis et au civil à 315 millions d’euros de dommages et intérêts. Mais le plaignant (Banques Populaires Caisses d’Epargne), l’a finalement exempté. Un accord secret a été signé, affirme Mediapart. Boris Picano-Nacci aurait renoncé à faire appel, tandis que la banque aurait renoncé à lui réclamer la somme exorbitante de 315 millions d’euros, selon le site d’information.
Au Tribunal, l’affaire a été vite pliée. Boris Picano-Nacci étant dispensé d’audience ce mercredi 25 juin 2014, c’est son avocat Martin Reynaud qui a annoncé le désistement, l’avocat général Dominique Gaillardot acceptant cette rétractation qui arrangeait tout le monde. Ainsi, la cour d’appel de Paris présidée pour l’occasion par Catherine Dalloz, n’a pas eu à contredire le jugement de la cour de cassation sur l’affaire Kerviel ( lire « Qui veut perdre des milliards ? L’Ecureuil et son trader en procès revisitent l’affaire Kerviel »). BPCE ne voit pas sa responsabilité liée à la perte de 752 millions d’euros du trader, remise en cause par le Tribunal. Et Société Générale évite un précédent sur le partage des responsabilités entre banque et « rogue trader ». Le grand gagnant étant Jean Reinhart, à la fois avocat de BPCE dans cette affaire et de la Générale face à Kerviel. Il remporte la première manche.
On est d’autant plus curieux de connaître le contenu exact du compromis entre BPCE et Picano-Nacci, que le 13 février 2013 dans la foulée du jugement en correctionnelle, ce dernier voulait, au contraire, en découdre. « Pourquoi je fais appel » c’était le titre de la publication sur son blog chez Mediapart, d’une longue liste d’éléments à décharge.
Il écrivait que le procès verbal de la Brigade financière du 3 février 2011 faisant suite à 27 mois d’enquête et d’investigations, ne révèlait « aucun élément frauduleux … pas la moindre manoeuvre malveillante de sa part » . Au cours du procès, la banque, comme son avocat, la présidente du tribunal, ou encore le procureur, avaient même déclaré que le trader était honnête et qu’il n’y avait jamais eu de dissimulation de sa part. « En outre, mon avocat a fait valoir des arguments juridiques sérieux sur l’absence de tout abus de confiance » ajoutait Boris Picano-Nacci. S’en suivait une liste d’arguments pour prouver sa bonne foi, pourtant, laissés de côté par le juge, selon lui. Meurtri, il se faisait fort de prouver en appel que ce qu’il avait fait n’était pas interdit et voulait laver son honneur.
Le risque fiscal disparaît comme par magie !
Mais tout a un prix. On ne saura sans doute jamais exactement lequel. L’avocat Martin Reynaud explique que son trader était fatigué du procès. Interrogé suite au désistement sur le compromis signé avec son trader, BPCE s’est refusé tout commentaire. Ce que la banque s’empresse de dire en revanche, c’est qu’elle ne se considère plus en risque fiscalement, depuis juin 2013. Nous avions écrit qu’un procès en appel qui déciderait d’un partage de responsabilité entre BPCE et Picano-Nacci pouvait remettre en cause la déductibilité fiscale des 750 millions d’euros de pertes imputées initialement à Boris Picano-Nacci. BPCE assure que l’administration fiscale a examinée son dossier dès juin 2013, pour conclure que la perte constituait bien une charge fiscalement déductible, et cela, avant même l’issue du procès en appel.
De deux choses l’une, soit l’Ecureuil bluffe, soit les inspecteurs des impôts, qui se devaient d’attendre la fin de l’action en justice pour validé ou non la déductibilité des pertes, auraient outrepassé leurs droits pour des raisons mystérieuses.