
Ethique et Finance : « Le problème c’est la rente, pas le marché »
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Il est rare qu’un dirigeant de grande entreprise s’exprime publiquement sur les dérives la Finance et les rémunérations des patrons. Lors d’une conférence sur le thème « Ethique et Finance », organisée le 8 octobre 2015 par le Club des Ternes, Augustin de Romanet, PDG d’Aéroport de Paris a partagé ses réflexions. Ce centriste se verrait bien en 2017 reprendre du service au sein d’un gouvernement qui ferait une place à la société civile.
Sur les rémunérations extravagantes de certains dirigeants
Depuis les années 70 et la fin de la convertibilité du dollar en or, la Finance a pris une importance déraisonnable par rapport à son utilité sociale. Je ne suis pas sûr cependant qu’il faille relier la question des sur-rémunérations à la problématique des dérives de la Finance .
Dans le monde des affaires, certaines rémunérations sont excessives et ne correspondent pas à la réalité, mais c’est aussi le cas dans le monde du sport ou dans les milieux artistiques etc…
Que se passe-t-il ? On assiste à de la prédation. Lorsque dans un comité des rémunérations de grande entreprise, un certain nombre de chefs d’entreprises qui sont en général liés les uns aux autres par des relations particulières, s’entendent pour accorder des rémunérations qui sont sans lien avec la valeur de marché de la personne à qui elles sont destinées, ça s’appelle la « captation d’une rente » et ça n’a rien à voir avec l’activité financière.
Sur l’indemnité de non concurrence de Michel Combes chez Alcatel-Lucent
Dans le cas du dirigeant d’Alcatel-Lucent, je crois savoir qu’il y avait de vraies craintes qu’il aille chez un concurrent et à certains égards, la clause de non concurrence était voulue par les actionnaires eux-mêmes.
Sur la nomination de François Villeroy de Galhau à la Banque de France
Je pense que quelqu’un qui a été pendant douze ans chez BNP Paribas, qui connaît très bien les braconniers, n’est pas totalement dépourvu de qualité pour être garde-chasse.
Sur les inégalités et la captation du pouvoir
Le système de rente par lequel un petit groupe de femmes ou d’hommes décident de garder pour eux l’information et la richesse, crée des inégalités qui sont très nuisibles à l’ensemble de la société.
Sur la création de nouvelles bulles et les risques d’effondrement des marchés
La création monétaire a été initiée par les Etats-Unis, suivie par la Chine et est désormais pratiquée par l’Europe puisque Mario Draghi, a introduit dès 2011, la « création monétaire à robinet ouvert ». La place prise par la Finance depuis 30 ans, est due à cette perte de contrôle de la liquidité. Elle va nous conduire à une aggravation de la situation à côté de laquelle la banqueroute de Law sera une aimable plaisanterie.
Sur la diabolisation des marchés
Souvent on diabolise le marché et la Finance, mais les effets pervers de la rente me semblent bien supérieurs. Il faut combattre les effets pervers de la captation de la rente mais il ne faut pas « tuer la Finance avec l’eau du bain ».
Et l’éthique dans tout ça ?
Ce dégoulinage, ce ruissellement d’argent qui est intervenu au moment de la bulle internet, au moment de la bulle des subprimes, a mis énormément à l’épreuve notre éthique collective. Il faut être très attentif au fait que la perte de contrôle de la Finance met à l’épreuve nos réflexes à tous. Nous sommes dans un moment de l’histoire du monde où il y a, dans certains endroits, à la fois beaucoup d’argent dans les institutions financières et dans les patrimoines individuels. Certains individus disposent de patrimoines sans rapport avec quoi que ce soit de raisonnable.
Son cursus
Enarque qui a multiplié les expériences dans la sphère publique au sein des cabinets ministériels puis à La Caisse des Dépôts, Augustin de Romanet a également une connaissance de la sphère privée et du fonctionnement des grandes entreprises cotées. Ce catholique pratiquant fut banquier d’affaires chez Oddo-Pinatton, directeur financier adjoint du Crédit Agricole et dirige à présent Aéroport de Paris. Il a écrit « Non aux 30 douloureuses, L’État n’a pas de temps à perdre » où il prône le retour d’un État stratège, capable de reprendre le contrôle de la Finance, dans un contexte mondialisé et une optique de long terme. Un article de l’Express-Expansion le dit proche de Michel Pébereau ( ex-BNP Paribas), Henri de Castries ( Axa) et Bruno Lafont (ex-Lafarge) et Jean-Pierre Raffarin. En tant que PDG d’Aéroport de Paris, il perçoit une rémunération fixe de 350 000 € au titre de 2015 assortie d’une rémunération variable plafonnée à 100 000 €. Il n’a droit à aucune indemnité en cas de départ, aucune indemnité de non-concurrence et ne bénéficie pas de régime de retraite supplémentaire. Il est administrateur de Scor et de la RATP.
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