On savait que Vincent Bolloré avait une propension à pratiquer la prise de contrôle rampante. Celui qui a inventé en Bourse la technique du pied dans la porte et qui l’applique méthodiquement chez Telecom Italia, est décidément un rebelle de la gouvernance. Mais cette fois-ci, c’est moins son côté « raider fauché » qui agace l’Autorité des marchés financiers à Paris, que son refus de suivre l’évolution des règles de gouvernement d’entreprise édictées dans le rapport Afep-Medef.
Vincent Bolloré possède directement ou indirectement 91 % de son holding coté Financière de l’Odet et 65 % de son sous holding Bolloré, qui lui même contrôle Havas (60 %) et a la main mise sur Vivendi (15 %). Et dans ses holdings, il a toujours eu tendance à rendre des comptes a minima aux minoritaires.
Le problème est qu’avec le code de « bonne conduite » patronal, les mœurs évoluent. Les investisseurs sont de plus attentifs et les grandes entreprises font de plus en plus d’efforts pour respecter ses recommandations. On attend donc du président du conseil de surveillance de Vivendi, partie intégrante du CAC40 qu’il ne joue plus les mauvais garçons. Car si la Bourse devait tarifer ce risque de « non conformité », l’action ferait apparaître à terme une décote sur la vrai valeur du groupe.
Dans son rapport publié en novembre 2015, sur la gouvernance et les rémunérations des patrons, l’AMF épingle à plusieurs reprises le patron Breton. Le code gouvernance repose sur le principe du « comply or explain ». On se conforme aux recommandations, sinon on explique pourquoi. Or, visiblement Vincent Bolloré a du mal à se suivre les instructions à la lettre.
Huit mandats d’administrateur dans des sociétés cotées
Que lui reproche-t-on ? Tout d’abord, de cumuler les mandats d’administrateurs. Il est au conseil d’administration de 8 sociétés cotées alors qu’il est recommandé pour un mandataire social de ne pas dépasser deux. A ce titre, les sociétés Financière de l’Odet, Bolloré et Vivendi sont donc épinglées par l’AMF. Avec les explications suivantes :
En tant que président du conseil de surveillance de Vivendi, Vincent Bolloré cumule 8 mandats d’administrateur dans des sociétés cotées, dont 7 hors de son groupe. Deux mandats dans des sociétés françaises et 5 dans des sociétés étrangères. La société n’écarte pas explicitement la recommandation sur le cumul des mandats mais n’apporte aucune explication à cet égard, contrairement au principe du « comply or explain » .
En tant que président de la Financière de l’Odet, Vincent Bolloré cumule toujours 7 mandats d’administrateur dans des sociétés cotées, dont 6 hors groupe : un dans une société française (Vivendi) et 5 dans des sociétés étrangères. Le directeur général de cette même société, Cedric de Baillencourt cumule lui aussi 7 mandats d’administrateurs, dont 6 hors groupe et une dans une société française ( il est représentant permanent de Bolloré au Conseil de surveillance de Vallourec) et 5 dans des sociétés étrangères.
En tant que président-directeur général de Bolloré, le même Vincent Bolloré détient également 8 mandats d’administrateur dans des sociétés cotées (contre 9 en 2012), dont 7 hors-groupe : une dans une société française (Vivendi), 5 dans des sociétés étrangères et une au sein de la société mère Financière de l’Odet.
Pour sa défense, Vincent Bolloré conteste tout simplement l’interprétation faite du code Afep-Medef.
Une conception particulière de l’actionnaire indépendant
Dans le groupe Bolloré, les administrateurs sont censés être indépendants même s’ils siègent dans plusieurs conseils d’administration à l’intérieur du groupe. Ce n’est pas la conception de l’administrateur indépendant édictée par le code de gouvernance et Bolloré ne donne pas d’explications précises pour se justifier.
En retenant les critères Afep-Medef, il est clair que les conseils d’administrations des sociétés du groupe sont en très grande majorité composés d’administrateurs non indépendants, ce qui pose un problème de fond.
Peu d’explications pour justifier la rémunération des dirigeants
Enfin dans ses sociétés, le patron breton donne l’impression de faire ce qu’il veut en matière de rémunération des dirigeants, sans vouloir rendre de compte aux actionnaires. Et vu leurs liens avec la sphère Bolloré, ce n’est certainement pas ses administrateurs qui sont en mesure de le lui reprocher.
Les décisions d’augmenter les rémunérations fixes des mandataires sociaux doivent être justifiées selon le code. Chez Bolloré et Financière de l’Odet, les explications sont insuffisantes, estime l’AMF.
D’une façon générale, dans sa société Eponyme, le PDG entretient un flou sur sa rémunération variable ainsi que celle de son fils, Cyrille Bolloré, DG délégué, sous prétexte de confidentialité. Manquent, les précisions sur le plafonnement de la rémunération variable recommandée par le code ainsi que les détails sur les critères quantitatifs et qualitatifs qui conditionnent l’obtention des bonus. Sans ces explications, impossible de se faire une idée de l’adéquation du variable avec la performance réelle de l’entreprise, selon l’AMF. On peut imaginer cependant que Vincent Bolloré ayant 65 % du capital, ses intérêts et ceux de son fils, sont bien en ligne avec ceux de sa société. Reste que les règles sont les règles et qu’elles sont faites pour tout le monde.
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