Les actionnaires individuels qui s’adressent à l’Autorité des marchés financiers pour lui demander de l’aide, sont souvent déçus ! Il faut se rendre à l’évidence : si le rôle de l’AMF est bien de veiller à la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers ¹, il ne doit pas y avoir de confusion. Il n’est pas du ressort de ses 470 collaborateurs de s’immiscer dans la gouvernance des sociétés émettrices, même celles cotées sur un marché réglementé. Quant à son médiateur, il évite de traiter les litiges entre les actionnaires et les émetteurs.
L’AMF ne serait donc ni plus ni moins qu’un gendarme chargé de régler la circulation au carrefour, éventuellement de patrouiller mais qui serait incapable d’arrêter de sa propre initiative les chauffards, même s’il s’agit d’éviter un accident.
Une autorité de surveillance mais pas de gendarme
Le cas SoLocal qui fera décidément date, a bien mis en lumière les limites de l’intervention de l’AMF et les carences en matière de défense des actionnaires.
Ce que peut faire l’AMF pour la protection des actionnaires et ce qu’elle ne peut pas faire, est bien expliqué par le président de l’AMF Gérard Rameix , dans une lettre adressée à Christophe Deshayes et datée de mars 2017.
Christophe Deshayes est consultant en digital et actionnaire de longue date de SoLocal et s’était à ce titre adressé à l’autorité des marchés en janvier 2017 pour dénoncer les dysfonctionnement lors de l’ assemblée générale de SoLocal du 15 décembre 2016, s’insurger contre les modalités de l’opération de restructuration imposée aux petits porteurs. Il a d’abord fait partie de l’Association RegroupementPPLocal, en tant que contestataire de la première heure, puis il est devenu l’un des membres du bureau de l’autre association SoLocalEnsemble qui a pris la suite de la rébellion.
La réponse de l’AMF au courrier de Christophe Deshayes montre que dans le cadre des opérations financières, qui représentent des étapes souvent délicates dans la vie des entreprises, l’AMF n’intervient pas sur le fond des dossiers. Voici ce qu’elle fait, ce qu’on peut lui demander et ce qu’elle ne fait pas.
L’AMF s’assure de l’existence d’informations complètes et détaillées. Elle peut demander une expertise indépendante. Elle n’a pas à se prononcer sur la pertinence de l’expertise. Elle ne donne pas un avis sur la qualité du plan proposé.
Ce que fait l’AMF :
- effectuer des diligences approfondies afin de s’assurer du respect par l’émetteur de l’ensemble de ses obligations au titre de la réglementation boursière et de l’information.
- faire une revue de détail de l’ensemble de la réglementation ( légale)
- exiger que des précisions sur les termes et modalités d’une opération envisagée soient portées à la connaissance du public par l’émetteur dans le cadre des prospectus visés
- demander la nomination d’un expert indépendant
- pour contribuer à éclairer les actionnaires sur les termes et les conditions d’une opération financière.
- s’assurer que le rapport de l’expert indépendant est suffisamment détaillé et complet
Ce que l’AMF ne fait pas :
- donner son avis sur le fond, c’est à dire sur le caractère équitable des termes ou des modalités financières d’une restructuration soumise au vote des actionnaires.
L’AMF peut écouter tout ceux qui ont quelque chose à dire sur un dossier, recevoir des courriers, assister aux audiences du Tribunal ou aux assemblées générales, mais elle ne peut pas juger de la régularité de la tenue d’une AG.
Ce que fait l’AMF :
- Recevoir les dirigeants de la société
- recevoir les conseils de la société ( avocats, banquiers etc…)
- recevoir les représentants des créanciers
- recevoir l’administrateur judiciaire
- recevoir les associations d’actionnaires
- recevoir des courriers émanant des actionnaires individuels opposés aux modalités de la restructuration
- assister à l’audience d’un Tribunal de commerce appelé à statuer sur sur le report d’une AG
- apporter au tribunal des précisions sur l’intervention et le rôle de l’AMF dans le dossier
- assister aux assemblées générales s’assurer de la bonne information du marché
Ce que l’AMF ne fait pas :
- contrôler la régularité des assemblées générales des sociétés cotées.
Quand l’AMF accorde une dérogation à une OPA, c’est le collège qui tranche. Sur seize membres du collège, aucun ne représente les actionnaires individuels.
- L’AMF peut accorder sa dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique si les demandeurs justifient que l’opération s’inscrit dans le cadre d’une souscription à une augmentation de capital d’une société en situation avérée de difficulté financière soumise à l’AGE des actionnaires. (articles 234-8 et 234-9 2ème du règlement général de l’AMF).
- Le collège de l’AMF décide qu’il y a lieu ou pas d’accorder la dérogation. Aucune expertise n’est requise.
¹ L’Autorité des marchés financiers (AMF) a pour missions de veiller à la protection de l’épargne investie dans les produits financiers, à l’information des investisseurs, au bon fonctionnement des marchés financiers.
La liste des affaires examinées par l'AMF en cours ou classées :
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