Que nous dit le rapport de l’AMF sur les rémunérations des patrons publié le 9 juillet dernier ? Pas grand chose. En fait, l’autorité des marchés financiers consacre une bonne partie à la méthodologie et nous embrouille. Le rapport reste trop détaillé, relativement descriptif et visiblement destiné à calmer les esprits.
La rémunération mediane des patrons des 60 premières entreprises cotées serait proche de 1,5 M€ . Ce chiffre omet une chose importante : la distribution généreuse de stock options ou d’actions gratuites qui permet en général de doubler le salaire. L’autorité laisse entendre néanmoins que les recommandations AFEP MEDEF sont plus ou moins respectées. Ce n’est pas compliqué en effet : il suffit pour celà, non pas de suivre les règles recommandées à la lettre, mais simplement d’expliquer le cas échéant pourquoi, on ne les suit pas.
Mais peut importe, grâce à ce code de bonne conduite, on va certainement éviter les gros scandales : mettre un terme aux retraites chapeau exhorbitantes qui ont permis à Daniel Bernard chez Carrefour de partir avec un encas de 29 M€ et de restreindre les parachutes dorés comme celui de Jean Marie Messier qui a touché 23 M€ ( remboursés depuis) lors de son départ de Vivendi.
En revanche, les excès quotidiens ne vont pas disparaître seuls. Et il faudra bien fixer une limite fut-elle législative, à la voracité d’une poignée de grands patrons.
Jugez par vous même. Voici la liste des abus les plus patents obtenue en épluchant les documents de référence.
Il y a d’abord, les PDG qui se sucrent sans complexe. Deux d’entre eux distancent de loin leurs collègues. Chez LVMH, en ajoutant à ses rémunérations fixes et variables, les stocks options et/ou actions gratuites, Bernard Arnault a perçu l’équivalent de 16,4 M€ en 2008 tandis que son second Antonio Belloni avait droit à 8,2 M€. Chez Danone, Franck Riboud a bénéficié de l’équivalent de 7,4 M€ en 2008.
Il y a ensuite les Présidents non opérationnels qui se versent des rémunérations variables ou des stock-options basées sur la réalisation de performance qui ne sont pas les leurs. Ils touchent ainsi jusqu’à 10 fois plus que leurs collègues. Cela s’appelle une rente.
Lindsay Owen Jones a ainsi eu droit à 3,1 M€ en tant que président de L’Oréal l’an dernier . A noter que le chiffre était de 3,5 M€ pour le directeur général qui a tout de même accepté de renoncer à ses stock-options en 2009 ( mais pas en 2008). Thierry Desmarest chez Total, s’est vu attribué par son Comité des rémunérations présidé par Michel Pébereau, la somme de 2,1 M€. Son directeur général a obtenu 3,8 M€.
Il y a enfin, la grande orgie des émoluments qu’on se partage à 4 ou 5 dans les directoires. Le pompon revient à Vivendi. On connaissait les excès légendaires des anciens patrons Jean-Marie Messier puis de Jean-René Fourtou lorsqu’il était PDG. Eh bien, sans parvenir à les égaler, leurs successeurs tiennent tout de même leur rang. Et Jean-Bernard Levy, le président du directoire de Vivendi n’est que la partie cachée de l’iceberg. Il a eu droit à 4,5 M€ l’an passé ( rémunérations et valeur des options et/ou des actions gratuites attribuées). Avec ses quatre autres collègues du directoire, l’addition atteint 29,2 M€, soit 5,8 M€ par personne en moyenne !
Axa est juste derrière. Henri de Castries, le président du directoire a certainement sentit le vent du boulet et il a renoncé à ses stocks options pour ne toucher « que » 3,3 M€ de rémunération tout de même. Ses 4 collègues du directoire ne l’ont pas fait. Si bien qu’à eux 5, ils ont eu 26,4 M€ en 2008 soit 5,3 M€ par personne.
Evidemment dans les derniers deux cas, ce sont les mandataires sociaux américains qui font exploser les compteurs. Le représentant d’Universal Music au directoire de Vivendi touche 11,9 M€ et chez Axa , celui d’Axa Financial a eu droit à 8,1 M€.
Paru le 25 juillet 2009 sur http://mariejeannepasquette.blog.lemonde.fr/