Depuis le 20 novembre 2013, les actionnaires suisses voient leur rôle élargi par l’ordonnance 221.331 contre les rémunérations abusives dans les sociétés cotées (ORAb). Ce texte qui a pour origine « l’initiative Minder » du nom du Conseiller d’Etat helvétique, est bien plus contraignant que les recommandations françaises du code Afep/Medef, dont l’application relève du bon vouloir des dirigeants. Ce qu’on appelle encore la « softlaw ».
Au départ, l’ordonnance s’appuie sur l’ initiative suisse, approuvée le 3 mars 2013 par référendum populaire. Celle-ci prévoit d’intégrer dans la Constitution, un vote obligatoire et contraignant des actionnaires sur la rémunération des dirigeants de sociétés cotées. Le texte dispose que le président doit être désigné en assemblée générale, par les actionnaires présents ou représentés. En plus des administrateurs, ils doivent nommer chaque membre du comité des rémunérations et des nominations. Et les statuts de la société définissent l’étendue des compétences de ce comité.
Adieu parachutes dorés, golden hello !
Si en France, les mandats des administrateurs, les seuls à être nommés en AG, sont pluriannuels. En Suisse, la durée du mandat est passée de trois à un an. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance, les mandats des administrateurs, des membres du comité des rémunérations et des nominations ainsi que le mandat du président peuvent être remis en jeu chaque année.
Avec l’instauration du say on pay en 2013, les actionnaires des sociétés françaises cotées doivent voter les rémunérations des mandataires sociaux mais ce vote est uniquement consultatif et a posteriori. Nos voisins suisses sont beaucoup plus stricts : le vote est devenu contraignant et porte sur les rémunérations annuelles à venir. Sont passées en revue, toutes les rémunérations perçues directement ou indirectement par la direction générale, les membres du conseil d’administration et éventuellement le conseil consultatif lorsqu’il existe.
L’ORAb va très loin dans l’encadrement des rémunérations. Ainsi, sont interdits : les « parachutes dorés » (indemnités de départ), les « golden hello » (primes d’arrivée) et toutes les indemnités versées en cas de rachat de l’entreprise. De plus, ses statuts doivent désormais contenir l’ensemble des règles concernant les rentes ( retraites) et crédits octroyés ainsi que les rémunérations liées aux résultats.
Les textes hélvétiques prévoient également un contrôle et des sanctions. A l’issue de chaque exercice, le conseil d’administration est tenu d’établir un « rapport de rémunérations » qui soit exhaustif. Il comprend l’ensemble des indemnités versées aux dirigeants de la société. Ce rapport doit ensuite être soumis à un organe de révision qui vérifie sa conformité avec les dispositions légales.
La nouvelle règle suisse a provoqué des remous au sein de nombreuses sociétés suisses qui ont été contraintes d’adapter leurs statuts à la réglementation. Le texte prévoit que toute infraction à ces nouvelles dispositions pourra être sanctionnée d’une peine privative de liberté de 3 ans et d’une amende.
Souvent dénoncée pour sa politique fiscale laxiste, la Suisse montre ici l’importance qu’elle accorde à la démocratie même pour les actionnaires…
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