Imaginez un monsieur lambda, lunettes discrètes, poignée de main ferme, discours affûté sur la transition énergétique et les vertus du fumier de vache. Rien d’inhabituel, surtout dans les terres agricoles de Californie. Sauf que derrière cette façade, se cachait l’arnaqueur de la décennie : Ray Brewer, 57 ans, roi du baratin, empereur des fausses promesses et maître incontesté du bluff industriel.
Une entreprise bien fumée
Tout commence en 2014, dans la verte et lucrative vallée centrale de Californie. Ray se présente comme le gourou des digesteurs anaérobies, ces machines supposées transformer les déjections bovines en précieux biogaz. Avec un jargon bien rôdé et une maîtrise remarquable du monde agricole, il envoûte investisseurs et laiteries. Promesse à la clé : des retours mirobolants, en moins de deux ans, grâce à la vente de méthane, aux crédits carbone et à quelques allégements fiscaux bien sentis. Tout cela paraît béton. Trop béton.
CH4 Power : la coquille vide
CH4 Power, sa société, se veut une pépite verte avant l’heure. Elle emploie une dizaine de personnes, toutes aussi peu expérimentées qu’ignorantes du monde agricole. Un choix loin d’être anodin. Moins elles en savent, moins elles poseront de questions. Et ça marche. Ray Brewer enchaîne les conférences, salons professionnels et présentations, exposant fièrement ses douze (fausses) unités de digestion. En réalité ? Rien. Pas un seul digesteur. Juste de l’air… et du fumier d’intention.
Mais attention, pas question de laisser planer le doute. Quand les investisseurs veulent visiter les installations, il improvise : un tour sur une exploitation qui ne lui appartient pas, un “chantier” imaginaire, un système en fonctionnement dont il n’est pas le propriétaire. L’illusion est totale.
Un puzzle de mensonges
Pour parfaire sa mascarade, Brewer monte une pyramide financière presque parfaite. Chaque nouvel investisseur finance le décor destiné à appâter le suivant. Une vraie stratégie de Ponzi parfumée à l’engrais. Il falsifie des contrats de location, crée des rapports énergétiques aussi techniques qu’inexistants, et ouvre des comptes bancaires aux noms plus ou moins farfelus. L’argent ainsi récolté ? Camions, camping-cars, Harley, armes, immobilier… Tout sauf des digesteurs.
Le début de la fin
Mais les promesses non tenues finissent toujours par rattraper les plus astucieux des manipulateurs. Les premiers investisseurs s’impatientent, les procédures judiciaires s’accumulent, et Ray sent le vent tourner. Ni une ni deux, il disparait dans la nature. Nouveau nom, faux permis, identité volée à un défunt de l’Arkansas… et cap sur le Montana. Même là, il prend soin de transférer ses biens au nom de sa femme – apparemment totalement ignorante du scénario hollywoodien dans lequel elle cohabite.
Morale de l’histoire ?
Le biogaz, c’est peut-être l’avenir. Mais quand on mise sur du vent et du fumier sans la moindre machine à l’horizon, ça sent un peu… l’embrouille. Ce que Ray Brewer nous rappelle, c’est qu’un discours bien ficelé et un vocabulaire pointu peuvent faire avaler n’importe quoi – même qu’on peut devenir millionnaire en vendant du caca.
Moralité : si quelqu’un vous promet de l’or à partir de fumier, demandez-lui d’abord s’il possède ne serait-ce qu’un seul tracteur.

