La Cour d’appel a débouté l’Association de défense des actionnaires minoritaires de sa demande de sursis à exécution de l’OPA de Cap Gemini sur Altran, ce 18 décembre 2019. La juridiction a décidé de laisser l’OPA suivre son cours au lieu de suspendre le calendrier jusqu’en mars prochain. Les engagements pris par Capgemini devant la Cour d’appel restent toutefois valables. Ils permettent de conclure que les actionnaires d’Altran qui ne sont pas déterminés pour l’instant à apporter leurs titres à 14 €, auront la possibilité d’attendre le mois d’Avril 2020² pour se décider.
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Pour mémoire, la cour a été saisi par l’Adam le 24 octobre dernier, et priée de dire, primo si la décision de conformité de l’OPA contestée, rendue le 14 octobre dernier par l’AMF, est bien confirmée ou bien au contraire si des irrégularités ont été commises, auquel cas, elles doivent être corrigées. Secundo, il était demandé la suspension du déroulement de l’OPA , en attendant la décision de la Cour.
Ce 18 décembre la Cour d’appel a tranché et n’a pas accordé le sursis demandé par l’Adam, la décision sur la conformité est attendue quant à elle au plus tard le 24 mars 2020.
L’AMF a donc publié un nouveau communiqué indiquant que l’OPA sera clôturée le 22 janvier. Le calendrier paru sur Euronext le 19 décembre mentionne que les résultats de l’offre seront communiqués le 28 janvier par l’AMF et que le règlement livraison est prévu le 4 février 2020. Si c’est un succès¹, l’offre sera réouverte pendant 10 jours de Bourse et les actionnaires qui le souhaiteront pourront encore apporter leurs titres au même prix (14 €/action).
Le communiqué de l’AMF indique :
« Par ordonnance rendue ce jour, le délégataire du Premier président de la cour d’appel de Paris a rejeté la demande de sursis à exécution de la décision de conformité de l’offre publique d’achat de la société Capgemini visant les actions de la société ALTRAN TECHNOLOGIES, ainsi que la demande tendant à ce qu’il soit dit que l’Autorité des marchés financiers ne pourra fixer la date de clôture de l’offre publique qu’à une date postérieure à l’arrêt au fond à intervenir. En conséquence de quoi, la clôture de l’offre publique, ouverte depuis le 16 octobre 2019, interviendra le 22 janvier 2020. Euronext Paris fera connaître, par un avis, les conditions de réalisation de l’offre et son calendrier détaillé. »
Capgemini s’engage à ne pas exercer le contrôle sur Altran avant la décision sur la conformité
Dans tous les cas, l’acquéreur sollicitant les actionnaires d’Altran, sans savoir s’il est dans son droit, a du prendre des engagements devant la Cour d’appel. Il s’est engagé à mettre les titres Altran apportés par les actionnaires pendant l’OPA, sous séquestre. Capgemini a également promis de ne pas prendre le contrôle d’Altran, de ne pas faire acquérir ou céder des actifs excédant 10 % du patrimoine d’Altran, de ne pas user de ses droits de votes en AG sauf en ce qui concerne des résolutions qui auraient un impact négatif sur la valeur des titres Altran qu’il détient ou qui conduiraient à une modification de la composition du conseil d’administration. Enfin, quelque soit le résultat de l’offre non suspendue, Capgemini s’engage à ne pas mettre en oeuvre de retrait obligatoire.
« C’est notre demande de sursis à exécution qui a permis d’obtenir cet engagement » fait remarquer Colette Neuville commanditée par Elliott qui réclame un relèvement du prix d’offre à 18 €.
Des engagements qui prendront fin quand la régularité de l’offre sera établie
Si la Cour d’appel décide en mars qu’il n’y a pas eu d’irrégularités, Capgemini sera dégagé aussitôt de ses engagements ( le 24 mars au plus tard). Sinon, un nouveau délai lui permettra de redéposer une offre purgée des irrégularités constatées par la Cour en espérant obtenir un nouvel avis de conformité de l’AMF. Une fois l’OPA redéposée et reclôturée, si elle réussit, Capgemini pourra faire valoir ses droits d’actionnaire majoritaire et être libéré de ses engagements.
Capgemini promet devant la Cour de réouvrir l’offre 10 jours après la décision sur la conformité
Enfin, si Capgemini a gain de cause, face à l’Adam devant la cour d’appel, les actionnaires d’Altran qui n’auraient pas encore apporté leurs actions à l’OPA à 14 €, auraient un nouvelle occasion de le faire après la décision de la Cour « En cas d’arrêt de la cour d’appel confirmant la décision de conformité de l’AMF, Capgemini s’engage à rouvrir l’Offre aux mêmes conditions financières pour une période complémentaire de 10 jours de bourse à l’issue de laquelle il pourra le cas échéant mettre en œuvre le retrait obligatoire » ont expliqué les avocats de Capgemini.
On peut donc conclure que le calendrier de l’OPA est susceptible de se prolonger jusqu’en avril, voire au delà.
En attendant, l’AMF a donc décidé de fixer une première date de clôture de l’offre au 22 janvier 2020.
En Bourse, la réaction aux nouvelles du jour a été de courte durée, le cours d’Altran a d’abord chuté en séance autour de 14 €, puis il s’est redressé au dessus de 14,20 € en fin de séance.
Apporter ou ne pas apporter ? Là est la question.
A moins que la Cour d’appel ne balaie d’un revers de main, les principes que l’Adam estime bafoués, l’offre sera beaucoup plus complexe et les actionnaires seront plongés dans l’incertitude pendant encore un bon moment. A quoi doivent-ils s’attendre :
1er cas de figure : Si Capgemini obtient moins de 50 % du capital et des droits de vote d’Altran le 22 janvier 2020 à la clôture de l’offre à 14 €, l’OPA de Capgemini sera un échec¹. L’offre devra être relancée le cas échéant, dans d’autres conditions et probablement à un prix susceptible de persuader les actionnaires d’apporter leurs titres. S’il n’y a plus d’OPA, la décision de la Cour d’appel deviendra sans objet.
2ème cas de figure : Capgemini obtient plus de 50,1% du capital et des droits de vote d’Altran, à la clôture de l’offre à 14 € le 22 janvier. Elle sera donc réouverte selon le calendrier à venir puis clôturée de nouveau.
Cas numéro 1 – La décision de la Cour d’appel attendue au plus tard le 24 mars est favorable à Capgemini.
Si le juge considère qu’il n’y a pas eu d’irrégularités commises et que le recours de l’Adam contre la décision de conformité n’est pas justifié, Capgemini rouvrira l’OPA aux mêmes conditions financières pour une nouvelle période de 10 jours. Les actionnaires arbitreront selon le prix de l’action en Bourse. Ceux qui ont encore des titres pourront décider d’apporter ou non, ce qui amène probablement au mois d’avril 2020. A l’issue de cette nouvelle phase, Capgemini sera ou ne sera pas en mesure d’opérer un retrait obligatoire ( capital et droits de vote > 90 %).
Si le prix était relevé par Capgemini avant le 16 octobre 2020, comme le souhaite Elliott, tous les actionnaires pourront demander à en bénéficier, même ceux qui ont déjà apporté leurs actions.
Cas numéro 2 – La seconde décision de la cour d’Appel rendue au plus tard le 24 mars, n’est pas à l’avantage de Capgemini, la Cour d’appel suit la requête de l’Adam et annule la décision de conformité de l’AMF, elle estime que les conditions de la conformité de l’offre n’ont pas été respectées.
Une vraie usine à gaz
Capgemini devra alors redéposer son offre publique ( offre bis) corrigée des défauts identifiés par la cour d’Appel. L’AMF devra rendre à nouveau son avis de conformité sur cette offre bis. Qui sait un nouvel expert peut devoir se prononcer, la nature de l’offre peut changer ( offre obligatoire et non plus volontaire), le conseil peut devoir décider de l’offre bis dans une nouvelle formation ( composée seulement d’administrateurs indépendants), et qui sait rien n’empêche que le prix d’OPA soit revu par Capgemini s’il veut convaincre les actionnaires d’apporter.
Pour l’actionnaire, ce cas de figure, s’avère très compliqué, c’est une vraie usine à gaz qui se va se mettre en branle. A supposer que l’offre bis redéposée soit déclarée conforme par l’AMF, les actionnaires ou investisseurs qui auront déjà apporté leurs actions Altran à l’OPA de Capgemini à 14 € en janvier ou février, disposeront de 5 jours de Bourse après le jugement de la Cour d’appel, pour demander la restitution de leurs actions Altran auprès de Capgemini. C’est une option qui leur est offerte s’ils le souhaitent, sous réserve de rendre à Capgemini l’argent qu’on leur aura versé évidemment ! Si le cours tombe alors en dessous de 14 €, il est probable qu’ils en soient dissuadés mais si le cours d’Altran flotte au dessus de 14 € certains se poseront probablement des questions. Pendant cette période transitoire, Capgemini peut se retrouver avec moins de 30 % des actions sans possibilité de faire marche arrière. Une situation bien inconfortable qui l’incitera peut-être à relever son offre.
Mais ce n’est pas tout. Si le prix d’OPA devait être revu à la hausse avant le 16 octobre 2020 ( un an après le lancement de l’OPA) ou si certains actionnaires obtenaient un rachat de leurs actions par Capgemini au dessus de 14 € d’ici là, le groupe acquéreur devrait payer un complément de prix, aux actionnaires qui n’auraient pas demandé la restitution de leurs actions et qui ne pourraient donc pas profiter d’une offre à un prix supérieur !
Mais attention ! Une fois la date du 16 octobre 2020 passée, c’est à dire un an après le lancement de l’OPA, rien n’empêchera Capgemini de racheter des actions Altran à un prix supérieur à 14 euros. Et dans ce cas, la société ne sera pas obligée d’indemniser les autres actionnaires. Le prix servirait toutefois probablement de référence en cas d’offre publique de retrait.
¹ Capgemini indique que le seuil de 50 % étant dépassé et celui de 50,1% non atteint (du capital social et des droits de vote d’Altran, sur une base totalement diluée en tenant compte de la perte des droits de vote double pour les actions apportées à l’offre), il se réserve la faculté, jusqu’à la publication par l’AMF du résultat définitif de l’offre et avant réouverture, de renoncer à l’offre.
² Soit au plus tôt dix jours après la décision de la Cour d’appel sur la conformité de l’offre, qui doit être rendue au plus tard le 24 mars 2020
Questions/réponses de Capgemini sur le déroulement de l'OPA