Depuis l’automne dernier, les géants de l’automobile européenne accumulent les déconvenues financières pour 2024. Cette spirale négative se prolonge avec BMW, dont l’annonce surprise d’une révision drastique de ses objectifs 2025 a fait trembler la Bourse.
L’automobile européenne sous pression : une cascade d’avertissements
L’année 2024 restera marquée par une série noire d’avertissements sur résultats. Pratiquement tous les constructeurs européens majeurs ont dû réviser leurs ambitions à la baisse – seuls Renault et Ferrari ont échappé à cette tendance. Aston Martin, Porsche, Volkswagen, BMW, Mercedes-Benz, Stellantis et Volvo ont tous capitulé face aux réalités du marché.
Fin septembre, Porsche et Volkswagen ont une nouvelle fois réduit leurs perspectives annuelles, contraints de réajuster leurs stratégies produit. Aston Martin a suivi le mouvement, invoquant les droits de douane américains et les retards de livraison de son hypercar Valhalla. Début juillet, Stellantis avait reconnu publiquement des résultats semestriels décevants avant de suspendre purement et simplement ses objectifs. Même Renault, pourtant épargné jusqu’alors, a émis son premier avertissement financier sous l’ère Luca de Meo, plombé par un marché des véhicules utilitaires atone.
La Chine, talon d’Achille persistant de BMW
Mardi soir, après la fermeture des marchés, BMW a lâché une bombe. Le constructeur bavarois a revu drastiquement ses prévisions 2025 : la marge opérationnelle de sa division automobile tombe désormais à 5-6%, contre 5-7% initialement. Pour l’ensemble du groupe, la rentabilité des capitaux employés (ROCE) chute à 8-10%, très loin des 9-13% espérés. Pire encore, le résultat opérationnel, initialement stable par rapport à 2024, devrait légèrement se tasser.
Le groupe allemand pointe du doigt deux coupables majeurs. Premier écueil : des ventes chinoises bien en deçà des espérances. Sur ce marché crucial, BMW subit de plein fouet la montée en puissance des marques locales. La firme a dû revoir ses volumes à la baisse pour le quatrième trimestre dans l’Empire du Milieu, conséquence directe des difficultés persistantes de l’immobilier chinois et de la compression des commissions bancaires locales, comme le souligne la Royal Bank of Canada.
Les taxes douanières bouleversent la trésorerie
Second facteur de déstabilisation : les droits de douane. BMW reconnaît que certaines hypothèses sur l’allègement de ces taxes ne se sont jamais concrétisées. Le groupe maintient que l’Union européenne appliquera rétroactivement une exemption douanière négociée avec les États-Unis (effective depuis le 1er août) pour les importations d’automobiles et de pièces détachées. Mais les remboursements de surtaxes attendus – « plusieurs centaines de millions d’euros » – glissent de 2025 à 2026. Cette péripétie comptable oblige BMW à diviser par deux ses prévisions de flux de trésorerie pour 2025, ramenées à 2,5 milliards d’euros.
Séisme boursier et analyses contrastées
La réaction des marchés a été immédiate et brutale. L’action BMW s’effondrait de 7% à Francfort, entraînant dans sa chute Volkswagen (-2%) et Mercedes-Benz (-2,6%). À Paris, Renault perdait 1,8% tandis que Stellantis tirait son épingle du jeu avec un modeste gain de 0,45%.
Oddo BHF observe que cet énième avertissement, bien qu’annoncé en filigrane lors du salon automobile de Munich (IAA), surprend par l’ampleur de la dégradation des flux de trésorerie. Cette détérioration intègre une dégradation opérationnelle majeure, dépassant même la baisse du résultat opérationnel de la division automobile. Pour le courtier, cette évolution négative, particulièrement marquée sur le marché chinois, appelle à la vigilance, même si BMW semble mieux armé que Mercedes-Benz ou Porsche face à ces turbulences.
La « Neue Klasse », bouée de sauvetage technologique
Malgré ce tableau morose, UBS rappelle que la Chine reste le véritable nœud gordien. Les difficultés y sont davantage structurelles que conjoncturelles. BMW prévoit d’achever le redimensionnement de son réseau de concessionnaires locaux d’ici mi-2026, une stratégie censée stabiliser les prix et réduire les marges distributeurs. Mais les volumes de ventes risquent de demeurer fragiles.
Bernstein tempère ces inquiétudes : certes, la chute des ventes chinoises (-11,2% sur neuf mois en 2025) déçoit, mais les complications douanières échappent largement au contrôle de BMW.
Les analystes misent désormais sur la « Neue Klasse », cette architecture révolutionnaire dont les premières livraisons sont programmées au premier trimestre 2026. BMW place tous ses espoirs dans cette plateforme nouvelle génération, centrée sur les logiciels et l’électrification, pour redéfinir ses standards et relancer sa dynamique de croissance. UBS estime que ce produit d’avenir demeure sous-évalué par les marchés, mais pourrait bien constituer l’arme fatale pour inverser la tendance négative qui plombe actuellement les équipementiers traditionnels.

