Un parfum d’Enron pour les BSA-administrateurs

« Si la loi n’est pas respectée, pourquoi ne pas la changer ? ». C’est en substance ce que suggère l’Autorité des marchés financiers (AMF) à propos des bons de souscription d’actions (BSA) attribués aux membres du conseil d’administration ou de surveillance de plusieurs biotechs, medtechs mais aussi greentechs.

La loi qui traite de la rémunération des administrateurs et des membres du conseil de surveillance n’est pas forcément très claire et certaines sociétés s’engouffrent dans la brèche. Le Code de commerce indique que tout administrateur (ou membre du conseil de surveillance) qui n’est pas mandataire social, ne peut être rémunéré que via des jetons de présence, ou le cas échéant, bénéficier d’une rémunération exceptionnelle, liée à une mission bien particulière ( dans ce cas c’est une convention réglementée). Un point c’est tout. Or, il n’est pas toujours facile de déterminer si la distribution de BSA aux membres du conseil, qui reste peu pratiquée dans les grandes entreprises mais très courante  dans le secteur des technologiques, est une véritable rémunération ou simplement un droit de participer à une augmentation de capital réservée qui s’effectue dans des conditions normales avalisées par un expert indépendant. Genfit, Innate Pharma et Carbios depuis 2011 (voir document de référence 2017 page 99-118-119-120-121) figurent parmis les sociétés qui distribuent, en plus des jetons de présence ( +/- 200 K€/an) des BSA aux membres de leur conseil d’administration ou de surveillance ainsi qu’à divers consultants. Carmat a demandé et obtenu dernièrement en AGE  l’autorisation d’émettre ces BSA à titre gratuit ( résolution 21), ce qui serait bien prohibé.

Quand il reçoit un BSA, l’administrateur reçoit un droit de souscrire à une action à un certain prix, moyennant le paiement d’une certaine somme (NB : le BSA peut également être attribué à titre gratuit). Ce qui est contestable, c’est que les conditions d’attribution ou d’exercice, fasse apparaitre un privilège qui serait équivalent à une rémunération destinée à l’administrateur, que la loi n’autorise pas. En toute logique, on pourrait s’attendre à ce que le commissaire aux comptes s’assure dans son rapport que les textes sont respectés . Or, il ne s’en charge pas ( exemple : BSA attribués au conseil en 2017 chez Innate Pharma). Quand l’attribution est faite correctement, la société doit payer un expert pour faire ce travail d’analyse et de certification du bon prix.

Pour les jeunes Biotechs et Medtechs soutenues à bout de bras par les subventions publiques et BPIFrance, habituées à payer en actions qu’elles fabriquent elles-même un peu comme les banques centrales font marcher la planche à billet, l’AMF est pleine de sollicitude.  Elle a saisi le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) afin d’engager une réflexion sur le sujet des BSA destinés au conseil. Objectif affiché : éviter de pénaliser les entreprises françaises comparativement à ce qui se passe à l’étranger, avec le soucis que la place financière de Paris reste compétitive.

On se demande s’il est bien raisonnable d’imaginer ces sociétés quittant la France compte tenu des gigantesques déficits reportables qu’elles ont emmagasiné. Reste toutefois une question que le HCGE aurait tort d’ignorer, attribuer des BSA aux administrateurs  fait-il vraiment partie des bonnes pratiques en matière de gouvernance ? Ce serait oublier bien vite le scandale Enron de décembre 2001 et la « faillite » du contrôle des administrateurs sevrés aux stock-options.

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