La première assemblée générale du nouvel EssilorLuxottica né du rapprochement du français Essilor International et de l’italien Luxottica se tiendra le 29 novembre 2018. La société offre à ses actionnaires la possibilité de voter via Votaccess¹ et les porteurs d’actions dont l’intermédiaire financier teneur de compte adhère à ce service, auraient tort de s’en priver. Pour l’heure, il s’agit principalement de voter les principes de rémunération des mandataires sociaux, les jetons de présence, les actions gratuites et les stock-options des salariés et des dirigeants
Les actionnaires auront à se prononcer sur la rémunération du PDG Leonardo Del Vecchio à la tête de 38 % du capital et sur celle de l’ancien PDG d’Essilor, Hubert Sagnières qui doit se contenter du poste de vice-président directeur général délégué. Cette rémunération sera valable pour l’année 2018. Elle s’appliquera à tout nouveau mandataire social nommé d’ici la fin de l’année. Et si en 2019, les actionnaires décident de refuser le Say on Pay ex-ante, elle pourra continuer à servir de base aux rémunérations des mandataires sociaux selon la Loi Sapin II.
Résolution numéro 1 : les actionnaires appelés à voter une augmentation de 43 % de la rémunération patronale
L’étude de Proxinvest sur les rémunérations de dirigeants du SBF120 a montré qu’en 2017, celles-ci ont progressé de 14 % en moyenne. La proposition d’EssilorLuxoticca ne va pas renverser la tendance, puisque c’est une très forte augmentation qui est proposée aux actionnaires. Chez Essilor International, la rémunération patronale s’était envolée depuis le départ de l’ancien patron Xavier Fontanet en 2011, bien que les performances boursières aient été sans brio ces dernières années. Le Say on Pay 2017 du PDG Hubert Sagnières avait donc été accueilli avec beaucoup de scepticisme au printemps dernier. Le 24 avril, il n’avait recueilli que 58,58 % des voix « pour » en AG.
Malgré cette contestation, le conseil d’EssilorLuxottica propose aux actionnaires de voter une hausse de 43 % de la rémunération d’Hubert Sagnières. Si le Say on pay est enterriné, la rémunération fixe, qui sert aussi de base à la rémunération variable à court terme, passera de 800 000 €/an à 1,15 million €/an. Le bonus à court terme, qui sera octroyé sous conditions de performance, pourra atteindre jusqu’à deux fois la rémunération fixe soit jusqu’à 2,3 millions €. Pour mémoire, en 2017, la rémunération variable d’Hubert Sagnières représentait 152 % du fixe soit 1,21 million €. Elle avait pourtant fait grincer des dents.
Difficile de justifier une telle hausse. Hubert Sagnières n’est plus PDG du nouvel EssilorLuxottica. Il est installé à Singapour, et logiquement, il ne sera pas très souvent à Paris pour suivre les travaux de rapprochement des deux groupes au siège, il va pourtant être associé aux performances. En 2017, il s’était vu attribuer 50 000 actions gratuites, pour 2018, il est proposé d’augmenter l’enveloppe de 20% pour la porter à 60 000 actions gratuites/an valorisées pour environ 6 millions € au cours actuel d’EssilorLuxottica. Il les percevra si tout se passe bien, ce qui lui enlèvera probablement toute velléité de « faire des vagues ».
EssilorLuxottica veut pouvoir attribuer 75 millions € d’actions gratuites à chacun de ses dirigeants
On notera que l’attribution d’actions gratuites au personnel et aux dirigeants font l’objet d’un seule résolution (numéro 7) et que par conséquent, les actionnaires salariés et dirigeants, ainsi solidaires dans leur vote, sont quasi-certains que cette autorisation leur sera attribuée, compte tenu de leurs voix en AG. Le conseil propose de leur distribuer des actions à hauteur de 2,5 % du capital, un taux inhabituel. L’autorisation sera valable pour 38 mois. L’attribution pourra atteindre 1,1 milliard d’euros qui transiteront de la poche des actionnaires, à celle de certaines catégories de salariés et des dirigeants. Ceci s’ajoutera au plan de souscription d’actions destiné au personnel (résolution numéro 6) qui porte sur 0,5 % du capital.
Si comme c’est prévu ( avec le recrutement d’un DG annoncé), le groupe compte trois mandataires sociaux, 21 % des 2,5 % du capital soit 7 % d’actions gratuites par mandataire, pourront leur être attribuées soit 225 millions €. Tous les excès seront permis puisque la politique de rémunération, telle que la décrit EssilorLuxottica dans sa résolution numéro 1, prévoit la possibilité de verser à un nouvel arrivant un « golden hello » ( prime à l’arrivée) si le DG vient de l’extérieur. Elle prévoit également la possibilité de verser des bonus exceptionnels.
Et puisqu’Hubert Sagnières siège au conseil, l’ex PDG d’Essilor va aussi sans doute, profiter de l’augmentation de l’enveloppe des jetons de présence. Si les actionnaires votent la résolution numéro 2, l’enveloppe de jetons de présence va être portée à 2 millions € pour 16 membres. Il faut se souvenir que chez Essilor International, une hausse avait déjà été votée en mai 2017 à 880 000 €, contre 750 000 € en 2016 pour 14 membres.
Pour peu que le bras droit de Leonardo Del Vecchio soit nommé DG, l’ex-patron d’Essilor se retrouvera sur un strapontin
Au lendemain du rapprochement d’Essilor et de Luxottica ( chacune restant filiale d’EssilorLuxottica), la gouvernance est encore en construction. Les actionnaires sont appelés à se prononcer sur la rémunération d’organes de directions encore provisoires. Actuellement deux dirigeants qui théoriquement ont les mêmes prérogatives, tiennent les rênes. A ce titre, les critères de rémunération d’Hubert Sagnères et de Leonardo Del Vecchio devenu le 4 novembre le PDG d’EssilorLuxottica, sont les mêmes et le vote de la résolution numéro 1, les concerne tous les deux. Les investisseurs devront donc accepter ou rejeter les deux rémunérations.
Avec 38 % du capital et 32 % des droits de vote de Luxottica, obtenus grâce à la dérogation accordée par l’AMF, sans avoir eu à lancer une OPA, le holding Delfin des Del Vecchio est bien placé pour faire voter toutes les résolutions qu’il souhaite et s’approprier la direction de l’ensemble. Exit, le « mariage entre égaux » une fois de plus. En effet, à peine les résolutions de cette AG publiées, le PDG Leonardo Del Vecchio âgé de 83 ans, a annoncé qu’il comptait céder son poste de DG de préférence à son ancien second chez Luxottica .
Le fonds activiste Phitrust avait déposé une résolution externe pour demander que l’âge limite des fonctions de DG soient ramenées de 95 ans à 75 ans (pour en désaisir Del Vecchio), ce qui a donné à celui-ci une bonne raison d’abandonner rapidement la Direction Générale qu’il compte confier à Francesco Milleri. Les directeurs financiers de chacun des deux groupes rapprochés, sont appelés à co-gérer la direction financière du nouvel ensemble. Ce n’est jamais facile à mettre en œuvre. Une partie de poker se joue probablement pour savoir qui des français ou des italiens, auront les postes clés.
Si la décision de nommer Francesco Milleri du clan Luxottica comme directeur général prospère, l’ex-PDG d’Essilor International, Hubert Sagnières se trouvera en arrière-plan. Il ne préside aucun des comités du conseil d’administration. Il ne fait partie que du comité stratégique du conseil présidé par Francesco Milleri. Il n’est que Président ( et non DG) de la filiale qui regroupe les anciennes activités d’Essilor International dont il a abandonné la direction générale. Le strapontin en or qu’il se voit offrir servira probablement de compensation à condition que la résolution numéro 1 soit votée en AG le 29 novembre. Le cas échéant, l’augmentation de sa rémunération contribuera à réhausser d’éventuelles indemnités de départ (2 années) ainsi que sa retraite chapeau sous condition de performance, qui fin 2017 atteignait déjà 500 000 €/an.
L’accès au vote à l’AG d’Essilor sera accessible par Votaccess du 9 novembre 2018, 9 heures, et jusqu’au 28 novembre 2018, 15 heures; il sera possible de voter à distance, de donner procuration à un tiers actionnaire ou un conjoint ou encore d’obtenir une carte d’admission permettant de participer à l’AG convoquée le Jeudi 29 novembre 2018 à 10 H 30, à Espace Grande Arche, Parvis de La Défense, à la Défense. Consultez l’ordre du jour ici.
L’auteure de cet article est actionnaire d’EssilorLuxottica
Merci de vos remarques, je corrige autant que possible.
Le PDG de Luxottica s’appele Leonardo et pas Antonio Del Vecchio ! Je fais grâce des fautes d’ orthographe et on dit « tenir les rênes » et non « les rennes ».