AG Crédit Agricole : une question écrite sur la retraite chapeau de l’ex-DG

Une question écrite a été posée à l’occasion de l’assemblée générale 2017 de Crédit Agricole SA (CASA)  qui s’est déroulée ce mercredi 24 mai à Tours. A présent sur le banc des actionnaires individuels,  Alain Diéval, ancien Directeur Général de la Caisse Régionale Nord de France, a interrogé le conseil de Crédit Agricole SA (CASA)  sur les conditions de départ en retraite de l’ancien Directeur Général, Jean-Paul Chifflet ( à droite sur la photo) qui méritaient effectivement quelques éclaircissements. La réponse à la question aurait pu lever un coin du voile sur le généreux système de retraites dont profitent les dirigeants des Caisses Régionales du Crédit Agricole qui viennent « pantoufler » au siège de CASA, mais ce ne fut pas le cas.
( Voir ci dessous l’article publié le 22 mai 2017, puis en fin d’article la réponse de Crédit Agricole SA le 24 mai 2017 en AG) 

Une retraite en or de 875 000 €/an pour Jean-Paul Chifflet 

Nommé en 2010 Directeur général, mandataire social de Crédit Agricole SA (CASA) après 37 ans de carrière dans le groupe Crédit Agricole, Jean-Paul Chifflet a eu droit lors de son départ en mai 2015, à une retraite globale de 874 920 €, dont 747 239 € de retraite chapeau, le tout plafonné à 23 fois le plafond de la Sécurité sociale. Cette retraite devait s’appliquer conformément  au contrat de retraite supplémentaire  ( à cotisations définies + prestations définies) réservée aux cadres de direction de Crédit Agricole SA, comme il avait été répondu lors de l’AG 2016 à un actionnaire.

Or, selon Alain Diéval, il fallait pour en bénéficier avoir été titulaire d’un contrat de travail de cadre de direction chez CASA ou chez l’une de ses filiales, et être resté au moins 5 ans en poste que ce soit comme mandataire social ou comme salarié.

Si pour Jean-Paul Chifflet, la seconde condition est remplie, il n’y a pas de trace de la première, pas de trace d’un contrat de travail chez CASA. L’information est même clairement spécifiée dans le document de référence 2015. Il n’est mentionné nulle part qu’il en aurait eu un qui aurait été suspendu comme l’aurait exigé le code de gouvernance Afep-Medef et comme, c’est indiqué dans le document de référence 2016 pour Philippe Brassac, qui pris la suite à la Direction Générale en 2015.

A supposer que Jean-Paul Chifflet ait eu un contrat au titre de la Caisse Régionale Centre-Est dont il était issu, cela n’aurait rien changé puisque le régime de retraite en vigueur dans les caisses régionales est, selon Alain Dieval qui le connait bien,  totalement distinct de celui en vigueur chez CASA, sans passerelle entre les deux car il n’y a pas d’Union Economique et Sociale entre les Caisses Régionales de Crédit Agricole coopératives et le véhicule coté CASA.

Un contrat de travail « fantôme » ?

La question écrite posée à l’occasion de l’AG,  par Alain Diéval se résume donc ainsi : « Comment Jean Paul Chifflet a-t-il fait pour quitter la société en mai 2015 avec le bénéfice d’une retraite de 874 920 €/an soit 23 fois le plafond actuel de la Sécurité sociale, s’il n’était pas détenteur d’un contrat de travail de CASA. Et ceci, alors qu’aucune convention réglementée n’avait été votée par les actionnaires pour le faire bénéficier en tant que mandataire social d’un autre système de retraite ? ». 

Si le conseil d’administration de CASA n’apporte pas de réponse à cette « curiosité », il devra expliquer à ses actionnaires dont plus de 40 % n’appartiennent pas au groupe, sur quoi s’appuie CASA pour payer à son ancien DG une retraite chapeau qui peut lui coûter une vingtaine de millions € (estimation sur l’espérance de vie).

Nous publions ci-dessous in extenso la question d’Alain Diéval qui a trait à la régularité et à la conformité de l’octroi d’une retraite supplémentaire à Jean-Paul Chifflet :

…, le document de référence 2015 de la société a précisé qu ‘en fonction d’un engagement autorisé par le Conseil d’Administration du 24 février 2010 , approuvé par l’Assemblée Générale du 19 mars 2010, et en application des termes du règlement du régime de retraite supplémentaire des cadres dirigeants du Groupe Crédit Agricole SA , il avait été octroyé au Directeur Général , une retraite supplémentaire à prestations définies de 740 720 € bruts annuels et une retraite supplémentaire à cotisations définies de 6 519 € bruts annuels , hors retraite de base (MSA) et AARCO et AGIRC (127 682 euros), l’ensemble étant plafonné à 23 fois le plafond annuel de la Sécurité Sociale soit 874 920 €.

Cet avantage de retraite a été alors présenté comme conforme aux accords de retraite des cadres dirigeants de Crédit Agricole SA du 22 février 2010. Or l’accord de cette date relatif au régime de retraite à prestations définies (non déposé à la DIRRECTE et non publié par ailleurs, prévoit notamment dans son article 3.2.3. (Salaire brut de référence) que « la pension est déterminée en tenant compte de l’ancienneté acquise sous l’empire d’un contrat de travail entre le Participant et l’une des entités du Groupe Crédit Agricole adhérentes au présent règlement … ». Le Directeur Général concerné étant mandataire social et ne bénéficiant explicitement d’aucun contrat de travail ,comme le confirme clairement le tableau figurant à la page 157 du document de référence de 2014, c’est manifestement à tort que le Comité de Rémunération de Crédit Agricole SA a proposé au Conseil d’Administration l’octroi de cette retraite supplémentaire. qui, par ailleurs, n’a pas été soumis à la procédure des conventions réglementées.

Cette analyse a été implicitement mais sans ambiguïté  validée par le rapport spécial des Commissaires aux Comptes au titre de l’exercice 2015 qui indique que le Conseil d’Administration a notamment autorisé l’établissement d’un contrat de travail (ensuite suspendu) en faveur du nouveau Directeur Général nommé en mai 2015 pour éviter de le priver de droits notamment en matière de participation à des régimes collectifs, confirmant ainsi l’exigence d’un contrat de travail, même suspendu, pour prétendre au régime de retraite prévu par l’accord collectif de 2010.

Face à la gravité de ces faits , aux risques encourus par les décideurs et le bénéficiaire de cet avantage indu et au risque de réputation pour le Groupe Crédit Agricole , je demande qu’il soit mis fin à cette grave irrégularité indigne d’une banque mutualiste.

Des avantages post-mandat évalués à 160 000 €

On notera au passage que Jean-Paul Chifflet bénéficie toujours, en plus de sa retraite en or, et ceci  « pendant une durée de cinq ans, soit jusqu’au 31 mai 2020, d’un bureau et d’un secrétariat ainsi que d’un véhicule avec chauffeur ». Un avantage post mandat estimé à 160 000 €/an tout à fait classique chez Crédit Agricole SA.

A suivre…

Nous publions la réponse que Crédit Agricole SA a donnée le 24 mai 2017 à cette question écrite. Il existe bel et bien une convention réglementée votée en AG le 19 mai 2010 en faveur de la retraite chapeau de Jean-Paul Chifflet. A la question de savoir si l’ex-DG a bien un contrat de travail, la réponse est du style « circulez, il n’y a rien à voir ». Il faut donc croire la banque sur parole…jusqu’à nouvel ordre. 

La retraite de M. Chifflet lui a été octroyée en pleine conformité avec la réglementation, et selon une procédure parfaitement régulière.
Par ailleurs, les engagements pris en faveur de M. Chifflet ont été autorisés par le Conseil d’administration du 24 février 2010 et approuvés par l’Assemblée générale du 19 mai 2010 (11ème résolution).

On rappellera que, s’agissant des mandataires sociaux, c’est la décision du Conseil d’administration qui fonde le droit à retraite, sous réserve de son approbation par l’Assemblée générale. En l’espèce, c’est bien le Conseil qui a décidé d’appliquer l’accord collectif relatif au régime de retraite à prestations définies des cadres dirigeants du Groupe au dirigeant mandataire social de Crédit Agricole SA. Au surplus, l’Assemblée générale du 19 mai 2016 a été informée du montant en euros de la retraite attribuée à M. Chifflet par application de la délibération de l’Assemblée générale du 19 mai 2010.

 

Extrait de l’ordre du jour de l’Assemblée générale de Crédit Agricole S.A. du 19 mai 2010

( Page 458 du document de référence 2010 se référant à l’exercice 2009)

Onzième résolution

(Approbation des engagements réglementés visés à l’article L. 225-42-1 du Code de commerce, pris au bénéfice de M. Jean-Paul CHIFFLET)

L’Assemblée générale, statuant aux conditions de quorum et de majorité requises pour les Assemblées générales ordinaires, après avoir pris connaissance du rapport spécial des Commissaires aux comptes, prend acte des conclusions de ce rapport et approuve les engagements réglementés visés à l’article L. 225-42-1 du Code de commerce, pris au bénéfice de M. Jean-Paul CHIFFLET.

Extrait du Rapport spécial des Commissaires aux comptes sur les conventions et engagements réglementés

(Page 449-450 du document de référence 2010 se référant à l’exercice 2009)

3. Engagement pris en faveur de M. Jean-Paul Chifflet, Directeur général

NATURE ET OBJET

Le Conseil d’administration, dans sa séance du 10 novembre 2009, a désigné M. Jean-Paul Chifflet en qualité de Directeur général de votre société à compter du 1er mars 2010. Dans sa séance du 24 février 2010, le Conseil d’administration a autorisé des engagements en sa faveur portant sur son indemnité de rupture, son engagement de non-concurrence et sa retraite.

MODALITÉS

Indemnité de rupture
En cas de cessation du mandat à l’initiative de votre société et du fait d’un changement de contrôle ou de stratégie, une indemnité de rupture,

soumise à des conditions de performance, sera versée par votre société à M. Jean-Paul Chifflet.

Cette indemnité sera déterminée sur la base d’une assiette correspondant à deux fois la somme de la rémunération brute totale annuelle perçue au titre de l’année civile précédant l’année de la cessation de son mandat. Cette assiette sera dégressive de façon linéaire, par cinquième, par année pleine à compter du 1er janvier 2010.

Les critères liés à la performance seront des critères budgétaires liés à la performance des métiers du groupe Crédit Agricole S.A. et prenant en compte la croissance interne des activités ainsi que le coût du risque, soit :

le PNB des métiers opérationnels (hors Compte propre et divers) ;

le résultat d’exploitation des métiers opérationnels (hors Compte propre et divers).

En cas de versement effectif d’une indemnité de rupture, M. Chifflet ne pourra faire valoir ses droits à la retraite avant douze mois.

Il est précisé que cette indemnité de rupture inclut toute autre indemnité et, notamment, l’indemnité relative à l’éventuelle application de l’engagement de non-concurrence.

Engagement de non-concurrence

Votre société peut demander, à la cessation du mandat de M. Chifflet et quelle qu’en soit la cause, qu’il s’engage, à compter de cette date, à ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité au service d’une entreprise concurrente de votre société, que ce soit en qualité de bénévole, de salarié, de mandataire ou d’indépendant. Cet engagement, limité au secteur bancaire, sera d’une durée d’un an à compter de la cessation du mandat.

Retraite

M. Chifflet cotisera aux régimes de retraite, de prévoyance et de mutuelle en vigueur dans votre société. Les régimes de retraite supplémentaires sont constitués d’une combinaison d’un régime à cotisations définies et d’un régime à prestations définies de type additif. Les droits du régime additif sont déterminés sous déduction de la rente constituée dans le cadre du régime à cotisations définies. Les cotisations du régime à cotisations définies sont égales à 8 % du salaire brut plafonné à concurrence de huit fois le plafond de la Sécurité sociale (dont 3 % à la charge du bénéficiaire). Les droits additifs du régime à prestations définies sont égaux, sous condition de présence au terme, pour chaque année d’ancienneté, à 1,20 % de la rémunération fixe plus la rémunération variable (plafonnée à 60 % de la rémunération fixe). À la liquidation, la rente totale de retraite issue de ces régimes et des régimes de retraites obligatoires sera plafonnée à vingt-trois fois le plafond annuel de la Sécurité sociale à cette date.