Lorsque leur entreprise augmente son capital pour redresser la situation financière, les actionnaires salariés ne sont pas à la fête. D’un coté, ils redoutent des plans de réduction d’effectifs, de l’autre leur épargne salariale investie en action est généralement laminée. Alors que les actionnaires individuels vendent leurs titres quand ils veulent, les actionnaires salariés doivent laisser leur épargne en actions bloquée pendant cinq ans et les cas de retrait autorisés sont limités. Si des projets d’augmentation de capital entraînent le cours de l’action dans une spirale baissière, le salarié subit généralement la baisse de plein fouet. Mais est-ce vraiment une fatalité ? ( Cet article fait l’objet d’une mise à jour le 16 mars 2016)
Un abondement généreux incite les salariés à investir en actions ArcelorMittal
A l’instar de ceux de CGG Veritas (7 % du capital), les salariés d’ArcelorMittal qui possèderaient environ 2 % du capital, selon des sources syndicales mais 12 millions d’actions à travers le Fond Commun de Placement de l’actionnariat salarié, ont perdu 60 % de la valeur de leurs actions, en l’espace d’un an. L’augmentation de capital de 3 milliards $ (2,77 milliards €) y est pour beaucoup. A la veille du vote de l’opération par les actionnaires, le titre a reperdu 10 % en deux jours. Ce qui reflète le comportement assez classique d’un titre confronté à l’émission d’actions nouvelles.
Incités par un abondement généreux, à placer leur intéressement et leur participation dans le fonds commun de placement en actions baptisé FCP5, les salariés du sidérurgiste y sont allés de bon coeur. Un salarié qui plaçait 4500 € sur le FCP5 du Plan Epargne Groupe d’ArcelorMittal pouvait obtenir jusqu’à 4140 € de plus de la part de l’employeur. En apparence, il pouvait donc quasiment doubler sa mise. Mais que restera-t-il de cette épargne après l’augmentation de capital ? Chez ArcelorMittal, c’est la question que se posent aujourd’hui le personnel, peu habitué à ce type d’opération.
Les membres du comité de surveillance du FCP5 se sont réunis pour en décider. Le FCP5 doit-il ( ou non) souscrire à l’émission des nouvelles actions qui va être proposée prochainement ? La question n’a pas été tranchée pour l’instant. La décision sera prise après l’assemblée générale du jeudi 10 mars 2016. Mais, si le président de FCP5 se décide à souscrire aux actions nouvelles, les conditions ne seront pas optimum. Il devra vendre une partie des actions ArcelorMittal qu’il détient, pour réinvestir dans les nouveaux titres créés. Et comme les responsables d’ArcelorMittal cherchent à avoir le maximum de souscripteurs, ils font passer un message positif à l’intérieur du groupe, indiquant que « l’augmentation de capital est bien acceptée par le marché ». (NDLR du 16 avril 2016 : la décision de souscrire à l’augmentation de capital n’a pas été prise. Selon nos sources, d’autres solutions ont été proposées ultérieurement par le gestionnaire du FCP, BNP Paribas Asset Management)
Le FCP5 devra vendre des actions au plus bas s’il veut souscrire à l’augmentation de capital
Pas facile, évidemment mais un bon gestionnaire de FCP d’actionnariat salarié devrait pouvoir se comporter en investisseur averti, vendre ses titres avant que le cours ne s’effondre pour se doter de liquidités nécessaires à sa participation à l’augmentation de capital, si c’est le choix des salariés. Chez ArcelorMittal, l’augmentation de capital à souscrire par le FCP5 serait de 0,65 % de 2,7 milliards € soit 17 millions € en théorie, s’il disposait déjà des liquidités nécessaires. Ce qui n’est pas le cas. Alors comment dégager des liquidités en vendant des actions ArcelorMittal, et combien en souscrire ? Sachant que plus on se rapproche de la date de lancement d’une opération et plus le cours baisse d’ordinaire et plus on vend d’actions moins on peut souscrire à l’augmentation de capital ! Un véritable casse tête !
Actionnariat salarié et opérations sur le capital ne font pas bon ménage
Le mécanisme des fonds d’actionnariat salarié se prête mal au cas de figure de l’augmentation de capital. De la même façon, qu’il est mal adapté à toute sorte d’opération financières ( OPA, OPE, OPR etc…). Ni le législateur, ni la réglementation, ni même les banques qui gère cette épargne ne semblent d’ailleurs s’en soucier. Et le gestionnaire a du mal à apporter un conseil pertinent.
Le gestionnaires des FCP d’actionnariat salarié se contentent généralement d’offrir une gestion passive à leurs bénéficiaires. Alors qu’un fond classique en actions, peut réagir vite, vendre et éviter une partie de l’effondrement du titre entrainé dans une spirale baissière, le gestionnaire d’un FCP destiné aux actionnaires salariés, est quasiment obligé d’attendre tranquillement de connaître les conditions de l’opération pour décider de l’attitude à adopter. Il doit jongler pour que la liquidité du FCP soit garantie aux salariés qui sont en mesure de sortir. A défaut, s’il veut vendre par exemple les droits de souscription attachés aux actions qui sont attribués pour souscrire, il doit bloquer l’accès au fonds commun pendant toute la période de l’opération. Ce qui signifie que les salariés ne peuvent ni reverser de l’argent, ni en retirer. Une situation inconfortable s’il arrive que le cours s’effondre par exemple. Le gestionnaire doit donc jongler avec ces contraintes : essayer d’assurer la liquidité du fond, tout en tirant partie, au maximum, de la valeur des droits de souscription avec la problématique de savoir quand et comment réinvestir ces droits. Et il n’existe pas de solution miracle !
S’il est trop tard pour ArcelorMittal, dans d’autres groupes comme Vallourec ( 7 % d’actionnariat salarié ) il est encore temps de poser les bonnes questions.
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