L’aventure continue avec EssilorLuxottica. Les actionnaires du groupe réunis le 16 mai prochain à Paris à la Maison de la Mutualité à Paris, pour l’assemblée générale annuelle, n’ont pas été habitués à autant de péripéties de la part du fabricant de verres (et maintenant de montures). (Mise à jour le 13 mai 2019 en fin d’article)
La gouvernance de la société bicéphale née du rapprochement d’Essilor et de Luxottica ( ex-Ray-Ban) est toujours au point mort après une fusion ratée « entre égaux ». Les deux camps n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la nomination d’un directeur général et l’organisation qui en découlera.
Trois administrateurs proposés au vote
Sollicitée par Essilor et Delfin, le holding de Leonardo Del Vecchio, ex-propriétaire de Luxottica, la justice est au chevet de l’entreprise. Le tribunal de commerce de Paris a désigné le 26 avril 2019, son ancien président, Frank Gentin, comme mandataire. Habitué des contentieux épineux de grandes entreprises, il avait démêlé en 2014 le conflit qui opposait LVMH et Hermès.
Selon Les Echos qui ont pu consulter l’ordonnance du tribunal, Franck Gentin doit, d’ici le 2 mai, « procéder à la désignation d’un arbitre pour le compte de la société EssilorLuxottica » et avant le 10 mai, « arrêter la politique de défense à mettre en oeuvre ». Les administrateurs, ensemble ou séparément, seront consultés et si une décision non contestée du conseil d’administration n’est pas trouvée pour remettre la gouvernance sur les rails, le juge pourra utiliser ses pouvoirs pour l’imposer, selon Les Echos. Le tribunal a jugé également que les quatre administrateurs de Luxottica n’avaient pas commis d’abus de droit de vote au conseil, contrairement à ce qu’avançait le clan Essilor.
Parallèlement, plusieurs investisseurs sont sur les rangs pour essayer d’apaiser le conseil. Ils proposent de nommer des « administrateurs-arbitres ». Baillie Gifford, Comgest, Edmond de Rothschild, Fidelity, Guardcap, Phitrust et Sycomore gestion, ont uni leurs forces et déposé deux résolutions externes, susceptibles de désamorcer la crise.
Valoptec, déjà au conseil propose un nouveau candidat
De son côté, Valoptec -l’association d’actionnaires salariés et anciens salariés d’EssilorLuxottica-, actionnaire de Luxottica, a elle aussi mis en avant son propre candidat au conseil (résolution C). Peter James Montagnon, 68 ans, est un ancien journaliste britannique, membre de l’Institute of Business Ethics de Londres chargé de sensibiliser les Conseils d’administration sur la gouvernance et la culture d’entreprise (depuis 2013). Il est aussi membre du Conseil de l’Institut Hawkamah de Dubaï. Jusqu’en juin 2018, Peter James Montagnon faisait partie du groupe d’experts nommés par les actionnaires de Sika AG en Suisse pour surveiller les transactions et les conflits d’intérêts liés à la prise de contrôle hostile, de Sika par Saint-Gobain. Il a également siéger au Conseil consultatif sur le Gouvernement d’Entreprise du fonds souverain norvégien piloté par Norges Bank.
Le Conseil d’administration d’EssilorLuxottica n’a agréé aucun des deux administrateurs présentés par les sept investisseurs regroupés, pas plus que celui présenté par Valoptec. Le 27 avril, leur nomination est tout de même inscrite à l’ordre du jour de l’AG du 16 mai. La résolution C propose Peter James Montagnon pour Valoptec, un candidat proche par conséquent du clan Essilor. Sa nomination ferait probablement pencher la balance du côté de l’ex-PDG d’Essilor, Hubert Sagnières qui s’oppose au conseil au PDG Leonardo del Vecchio.
Les résolutions A et B proposent les nominations respectives de Wendy Evrard Lane et Jesper Brandgaard pour le compte des sept investisseurs. La première est une américaine de 68 ans. Ancienne de Goldman Sachs, elle a passé 11 ans comme directrice générale de Donaldson, Lufkin et Jenrette Securities, une société d’analyse financière réputée, pour ensuite, en 1992, devenir Présidente de sa société d’investissement Lane Holdings Inc. Elle siègeait également au conseil de MSCI Inc jusqu’au 25 avril dernier et elle est encore administratrice de la société privée saoudienne Al Dabbagh Group Holding ( comité d’audit). Depuis janvier 2016, elle fait partie du conseil de Willis Towers Watson, société cotée en bourse créée lors de la fusion « entre égaux » des sociétés Willis et Towers Watson ( dont fait partie Gras Savoye en France).
Quant à Jesper Brandgaard ( résolution B), 56 ans, norvégien, il a été de 2000 à 2018, vice-président exécutif et directeur financier du groupe pharmaceutique Novo Nordisk, leader dans le traitement du diabète. Il siège actuellement comme vice-président du Conseil d’administration de Chr. Hansen Holding A/S, Danemark, société cotée, où il est membre du comité d’audit et du comité des nominations.
Additif
Le 13 mai 2019, les deux groupes ont communiqué sur un accord trouvé entre le camps Essilor et le camps Luxottica pour mettre fin au conflit. Les procédures judiciaires sont abandonnées. Les actionnaires salariés de Valoptec ont retiré, de ce fait, leur candidat au conseil d’administration ( résolution C). Quant aux deux camps, ils sont maintenant d’accord pour voter contre la nomination des deux autres administrateurs Wendy Evrard Lane ( résolution A) et Jesper Brandgaard ( résolution B) présentés par les fonds d’investissement dont Phitrust.
La probabilité que le conseil reste avec huit administrateurs côté Essilor et huit côté Luxottica est forte. Il n’est pas certain que ce type de gouvernance puisse fonctionner à l’avenir. Plus de détails seront donnés en AG, ce jeudi 16 mai 2019
La correction a été faite. Donc pour résumer les trois administrateurs proposés aux résolutions A,B,C peuvent, le cas échéant, être élus tous les trois par l’AG, à condition de réunir 50 % des voix.
Merci de votre vigilance.
Bonjour
Il y a une inexactitude importante dans votre article. Les statuts de la société EssilorLuxottica prévoient en effet 18 sièges d’administrateurs MAIS ce chiffre ne prend pas en compte les administrateurs représentant les salariés (administrateurs non élus par l’AG). Ainsi il y a bien 20 sièges au Conseil, ce qui rend la nomination de trois administrateurs supplémentaires, si élus, tout à fait possible.