Nokia/Alcatel-Lucent : une parité de fusion biaisée

L’assemblée générale mixte d’Alcatel-Lucent qui se tient le 26 mai 2015, sera l’occasion pour les actionnaires de contester la parité de l’offre de Nokia. Louis Bulidon, actionnaire individuel actif, dénonce cette opération. Nous publions sa tribune.

Alcatel-Lucent  a généré 3,4 milliards de pertes en trois ans avec, toutefois, de forts signaux de redressement en 2014. Le résultat d’exploitation ajusté a plus que doublé en 2014 comparé à 2013 et le 1er trimestre 2015 confirme cette performance. De même, la génération importante de trésorerie opérationnelle permet d’envisager le retour à une trésorerie libre positive.
Alors que la fusion avec Nokia est maintenant bien engagée et au vu des résultats médiocres du Finlandais, les actionnaires d’Alcatel-Lucent sont en droit de se demander  s’il ne fallait-il pas attendre plutôt que de négocier un rachat via un protocole d’accord qui ne leur est pas favorable. Il y a plusieurs raisons à cela.

L’opération n’inclut plus de prime de contrôle

Contrairement à la présentation qui en a été faite, la parité de l’offre publique d’échange qui va avoir lieu, soit 0,55 action Nokia pour 1 action Alcatel-Lucent, n’est pas équitable.
Compte tenu de la chute du cours de Nokia, de 7,77 euros le 13 avril, date de calcul de la parité d’échange, à 6,60 euros le 22 mai dernier, l’OPE de Nokia n’inclut plus de prime de contrôle.
En outre, le calcul de cette soit-disant prime de 27-28 % était de toute façon biaisé. Pourquoi ? Parce que les cours retenus pour calculer la parité d’échange ne s’appuient pas sur la même période de référence. Comme par hasard, le cours de Nokia qui a servi au calcul ne reflète pas la vraie valeur du groupe finlandais qui s’est effondrée depuis fin avril.
Revenons sur le calcul de Nokia. En proposant un ratio de parité de 0,55 (soit 550 actions Nokia pour 1000 actions Alcatel-Lucent), le Finlandais s’est targué d’offrir aux actionnaires du groupe franco-américain une prime de 28 %. Or, ce calcul est tendancieux. En effet, alors qu’il s’appuie sur le cours moyen  des trois derniers mois pour le cours de référence d’Alcatel-Lucent (3,35 €), il retient celui du 13 avril 2015 pour Nokia, soit un plus haut absolu de 7,77 euros.

La différence n’est pas mince. En reprenant le même calcul compte tenu d’une prime de 28%, mais cette fois-ci avec un cours moyen de Nokia calculé sur les trois derniers mois, on obtient un cours  nettement moins avantageux pour le Finlandais, soit 7,04 € . Le ratio de parité de 0,61 serait alors plus généreux pour les actionnaires d’Alcatel-Lucent.

Il n’est peut-être pas trop tard pour réviser la parité

Autrement dit, sur cette base, l’offre permettrait à un détenteur de 1000 actions Alcatel-Lucent de se voir attribuer non pas 550 actions Nokia, mais 610 actions soit environ 10 % de plus.

La négociation du DG Michel Combes sur la base d’un cours de Nokia à 7,77 euros a donc été une erreur. Comment a-t-il pu ignoré que ce cours était le plus haut atteint depuis janvier 2015 et même janvier 2011, et qu’il ne pouvait donc pas servir de référence ? Comment a-t-il pu, ensuite, fermer les yeux sur la performance bien décevante de Nokia à l’occasion de ses résultats trimestriels ?
Alors que le titre Alcatel-Lucent est dans une dynamique positive, celui du finlandais s’est écroulé de près de 20 % entre le 13 et le 30 avril à la Bourse d’Amsterdam.

Cette simple constatation discrédite l’offre de Nokia dans sa forme actuelle. Elle ne défend pas les intérêts des actionnaires d’Alcatel-Lucent et le conseil du groupe n’aurait pas du l’accepter. Il n’est peut-être pas trop tard pour revenir à la table de négociation. Le cimentier suisse Holcim a bien réussi, à imposer à Lafarge la révision de sa parité !

Enfin, le protocole d’accord soulève une autre question. Pourquoi Nokia est-il indiqué dans votre communiqué que Nokia Technologies est exclu du périmètre de la fusion  ? Cette manoeuvre priverait les actionnaires d’Alcatel-Lucent qui rejoindront Nokia, du bénéfice d’une source majeure d’innovation dans le domaine des objets connectés notamment. Ils devraient tirer un trait sur une unité dotée d’une grande expertise et d’un important portefeuille de propriétés intellectuelles. Si Nokia persistait dans ce sens, il faudrait exiger en contrepartie la sortie du périmètre du futur Nokia de Bell Labs, le laboratoire de recherche d’Alcatel-Lucent.

Louis Bulidon
louisbulidon@gmail.com