Vivendi : encore de la fantaisie dans les dividendes

Pourquoi Vivendi a-t-il accéléré la distribution de dividendes exceptionnels annoncée en avril 2015 ? Pourquoi a-t-il changé ces dividendes exceptionnels en simples acomptes sur dividendes ? Si ces changements ne semblent pas préjudiciables aux actionnaires, à première vue, ils illustrent les hésitations comptables du groupe de médias et la légèreté des engagements de son nouveau maître, Vincent Bolloré. Explications.

Vincent Bolloré qui préside le Conseil de surveillance de Vivendi et de sa filiale Canal +, a renoncé en mai dernier à la convocation d’une nouvelle assemblée générale des actionnaires pour faire voter la distribution de dividendes exceptionnels. Après le versement de 1 euros au titre de l’exercice 2014, il s’était  engagé le 18 avril 2015 en AG à  reverser 5,4 milliards € supplémentaires de dividendes d’ici 2017. La pression de l’activiste PSAM qui réclamait la suppression des droits de vote double chez Vivendi, avait forcé le patron breton à casser la tirelire. Le directeur financier Hervé Philippe, avait annoncé à la tribune, que Vivendi ne tarderait pas à convoquer de nouveau ses actionnaires pour les appeler à voter le versement de ces dividendes exceptionnels.

Or le mois suivant, plus précisément le 29 mai 2015, Vivendi change son fusil d’épaule et publie un communiqué annonçant que deux des quatre distributions de dividendes restantes ( de 1 € chacune) prendront la forme d’acomptes sur le dividende ordinaire à venir au titre de 2015. La première distribution est alors prévue dès le 29 juin 2015, alors qu’elle avait été annoncé en AG au quatrième trimestre 2015 seulement. Puisqu’il s’agit d’acomptes et non de dividendes exceptionnels, inutile donc de convoquer une nouvelle AG.

En apparence, la différence entre ces deux formes de distribution est minime. Dans le premier cas, lorsqu’il s’agit de dividendes exceptionnels prélevés sur les réserves comme Vivendi l’avait imaginé, le législateur exige  un vote de la majorité des actionnaires en AG. Il s’agit d’éviter que les fonds propres soient dilapidés contre l’avis des minoritaires.

Dans le second cas, lorsque la distribution correspond à un acompte sur le bénéfice futur, il n’est pas nécessaire d’obtenir le vote des actionnaires. Il suffit que les commissaires aux comptes attestent que l’entreprise a bien engrangé un bénéfice suffisant dans ses comptes sociaux pour le distribuer. A défaut, selon l’article L232-12 du code du commerce, la distribution d’acomptes sur dividende sera qualifiée de fictive. Les membres du conseil et les dirigeants risquent alors 375 000 € d’amende et cinq ans de prison.

Nous avons donc interrogé Vivendi sur l’existence de ce fameux rapport des commissaires aux comptes lié au versement des acomptes ? Voici la réponse qui nous a été faite :

« Le Directoire de Vivendi a pris la décision de procéder au versement de deux acomptes  (NDLR : sur le dividende de l’exercice 2015 à venir) sur la base des comptes individuels (comptes sociaux) arrêtés au 31 mai 2015 faisant apparaitre un bénéfice distribuable de 3,2 milliards €.

Nos commissaires aux comptes KPMG Audit et Ernst & Young et autres, ont examiné le bilan intermédiaire de Vivendi SA arrêté au 31 mai 2015 et ont établi leur rapport attestant que la société a réalisé, depuis le 31 décembre 2014, date de clôture du dernier exercice social, un bénéfice distribuable au moins égal au montant des acomptes dont la distribution était envisagée. »

Pour résumer, Vivendi a annoncé le 29 mai 2015, la distribution d’acomptes sur le dividende de 2015 basée sur un rapport des commissaires aux comptes sur les bénéfices de la société mère du groupe au 31 mai 2015, gonflés par les plus values sur les cessions d’actifs. Voilà qui va mieux en le disant !

Lire également

Le calendrier des dividendes projeté en AG le 18 avril 2015 ( il inclut le dividende sur 2014 et un versement exceptionnel au Q4 2015 )

L’extrait de la lettre aux actionnaires de Vivendi de septembre qui explique le nouveau calendrier