Vote en AG : le parcours du combattant des actionnaires de SoLocal

Les actionnaires individuels les plus actifs en font régulièrement l’expérience : voter en assemblée générale, en direct ou par procuration est parfois un vrai parcours du combattant. Plus de 620 détenteurs d’actions SoLocal faisant partie des 1600 membres de regroupementPPLOCAL , se sont mobilisés pour envoyer leur pouvoir au regroupement de petits porteurs de l’ex-PagesJaunes à l’occasion du vote en Assemblée Générale du 19 octobre 2016. Les autres ont largement voté en direct.

On peut estimer qu’environ 10-15 % d’entre eux ont connu des difficultés pratiques pour voter avec leur intermédiaire et que 10-15 % ont  envoyé des procurations qui n’ont pas été jugées conformes et n’ont pas été retenues par le centralisateur.  Le cabinet d’avocats Cornet Vincent Segurel  dont l’une des tâches était d’aider l’association à rassembler puis de transmettre les pouvoirs donnés au Président de l’association, s’est évertué à chercher des solutions. Et la veille de l’assemblée, les procurations transmises au centralisateur représentaient  4 108 934 d’actions soit  10,56 % du capital de SoLocal, soit une contrevaleur d’environ 13 millions €. Ces pouvoirs ont d’ailleurs fait l’objet de déclarations de seuil.

Le rôle du centralisateur BNP Paribas Securities

Malgré le travail fastidieux et minutieux, toutes les procurations n’ont pas pu être exercées et des votes en AG se sont sans doute perdus. Le système de vote en France est, soit pas assez rigoureux, soit trop rigoureux, en tout cas il mériterait d’être sérieusement simplifié, ce que le vote en ligne devrait au moins permettre. Et on peut espérer qu’à l’avenir, BNP Paribas Securities se mette en contact bien en amont des votes avec les associations d’actionnaires,  pour les guider et éviter les doubles procurations qui s’annulent ou les allers-retours de paperasse. Un « Guide de la collecte de procurations » serait a minima nécessaire afin de garantir qu’il n’y aura plus de loupés ».

En effet, le mercredi 19 octobre au matin, jour J de l’AG de SoLocal, le centralisateur BNPP Securities Services faisait le décompte des dossiers qu’il ne pouvait pas traiter pour des raisons diverses : ils représentaient environ 1,5 % des droits de vote.

 » Des dossiers incomplets, des procurations faites mais renouvelées ensuite sur Votaccess, des procurations insuffisamment claires et surtout pas renouvelées à J – 2 etc… il a finalement reconnu en faveur de l’Association des procurations portant sur un total de 3 526 630 actions, soit 9,07 % du capital à l’AG historique du 19 octobre 2016″

explique le cabinet CVS chargé de transmettre les documents. Car c’est bien  cette tâche minutieuse de collecte ( effectuée par le Président de l’association et une bénévole) puis de traitement des procurations, concentrée sur une vingtaine de jours, qui a donné le coup de pouce final pour faire basculer la majorité de l’AG  sur un certain nombre de résolutions. C’était une première en droit boursier français. Du jamais vu !! ( voire notre article : Défense des actionnaires : les coulisses de l’AG historique de SoLocal).

Mais l’association a sans doute perdu beaucoup de voix en route, y compris celles d’actionnaires qui n’ont pu voter en se rendant à l’AG car ils se sont vu refoulés par BNP Paribas Securities Services, assurant aussi la logistique des votes sur place. En effet, Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest fait partager son expérience qui n’est pas un cas isolé.

« A l’entrée de l’AG, de jeunes employés de BNP Paribas Securities Services avaient reçu des instructions strictes pour refuser les actionnaires au porteur qui se présentaient avec une attestation de participation qui n’était pas datée au 17 octobre ( soit deux jours avant l’AG). Il nous a fallu, sur place, appeler notre intermédiaire pour qu’il prenne contact et fasse remarquer que, dans notre attestation, il était bien spécifié qu’il s’était engagé à signaler au centralisateur toute modification du nombre de titres en cas de cession partielle ou totale, comme doivent le faire les intermédiaires, ce qui revient au même. Un responsable de BNP Paribas service a du s’absenter 5 à 10 minutes pour s’en assurer auprès Oddo, pour finalement revenir et valider mon droit à participer. Si nous n’avions pas protesté,  en  faisant valoir nos droits, nous n’aurions pu voter. »

Le même épisode est arrivé à un membre de l’association RegroupementPPLOCAL. « Il est très probable que certains petits porteurs, victime de ce mécanisme, ont accédé à la salle sans boîtier de vote » remarque Proxinvest. A chaque AG, des actionnaires rencontrent exactement les mêmes problèmes. Ne serait-il pas temps de se pencher sur la question, chez BNP Paribas Securities Services ?

Des problèmes récurrents qui durent depuis 25 ans 

Minoritaires.com a donc analysé pour comprendre, les problèmes rencontrés en amont de la centralisation, par les actionnaires de SoLocal avec la banque ou le courtier qui gérait leur compte titre ou leur PEA. Objectif : faire avancer la démocratie actionnariale et faire en sorte qu’elle puisse s’exprimer sans embûches. Car, celui qui ne s’est jamais confronté à ces démarches que ce soit à l’occasion d’une AG ou d’une opération financière, ne peut pas comprendre pourquoi les actionnaires individuels sont enclins à déserter la Bourse.

Colette Neuville qui,  il y a 25 ans se battait déjà pour récupérer les procurations des actionnaires du Crédit Foncier, témoigne que ce n’est pas une découverte. Elle déplore que, depuis cette date, le problème soit resté entier.

L’autorité des marchés financiers (AMF) ne s’est pas vraiment attaqué à cette question. Et Proxinvest de son côté, constate que même les fonds d’investissement qui souhaitent ( et doivent) exercer leurs votes rencontrent eux aussi des difficultés.

Des discussions que nous avons eu occasionnellement avec des interlocuteurs de l’AMF, il ressort que l’autorité ne semble ni intéressée, ni équipée pour traiter ce genre de problèmes et que les services ont tendance à se renvoyer la balle.

L’AG de SOLOCAL, un test grandeur nature, dont il faut tirer les leçons

Le cas des petits porteurs de SoLocal réunis en association au sein de RegroupementPPLOCAL pour s’opposer au plan de restructuration financière de la direction ( lire notre article Comment s’orchestre la résistance des actionnaires de Solocal ) a été particulièrement instructif.  Les intermédiaires financiers qui gèrent les PEA et les comptes titres, ne se sont pas toujours revélés à la hauteur. Les banques ou les courtiers en ligne, sont au mieux, eux-mêmes, confrontés à des procédures internes rigides et parfois inadaptées, au pire, ils ne comprennent pas la problématique des clients. Face à eux, les actionnaires ont du batailler pour donner leur pouvoir.

Alors que les regroupements de porteurs d’actions semblent se multiplier pour faire valoir leurs droits, ce qui laisse espérer un renouveau de l’actionnariat individuel, il est plus que temps de s’atteler à faciliter les démarches. RegroupementPPLOCAL a pu constater à quel point Internet était un outil formidable pour regrouper, échanger, communiquer, mobiliser etc… mais encore faut-il que le vote en ligne fonctionne. Or, première surprise et non des moindres : chez de nombreux courtiers en ligne le vote par Internet à l’AG de SoLocal n’était pas possible !

Le vote par internet via VOTACCESS souvent impossible

Pour voter en ligne, il existe bien une plate-forme électronique VOTACCESS, pour laquelle les émetteurs paient ( certains disent fort cher) et il faut reconnaître que sa mise en place est une véritable avancée qui permet de nourrir beaucoup d’espoirs. On constate toutefois, que Votaccess fonctionne sporadiquement pour le vote en AG mais aussi pour les opérations financières. Le système présente encore quelques anomalies, mais surtout si certains intermédiaires le mettent en place, d’autres pas. Si bien que l’actionnaire n’est jamais certain de pouvoir compter dessus pour toutes les opérations.

La Direction financière de SoLocal à qui nous avons posé en substance la question :  » Pourquoi payez-vous pour un service Votaccess qui ne marche pour tous « , a bien voulu enquêter et voici les réponses qui nous ont été apportées :

« Boursorama Banque: nous informe être dans l’incapacité technique d’accéder à VOTACCESS depuis la dernière AG d’ALCATEL: le problème n’est toujours pas solutionné de leur côté; Bourse Direct : notre expérience des votes collectés par cet établissement (dans le cadre de différentes AG) est celle de la transmission de votes et d’instructions qui ne sont  jamais dématérialisés, ce teneur de compte ne se raccorde habituellement pas à la plateforme VOTACCESS. Binck.fr: pour la collecte des instructions de votes aux AG des actionnaires de sociétés, cet établissement passe par CACEIS; lequel établissement ne se raccorde jamais à VOTACCESS ( réponse étonnante car le Crédit Agricole, maison mère utilise Votaccess) . Le réseau Caisse d’Epargne dépend de NATIXIS pour les collectes de votes d’actionnaires. NATIXIS, que nous venons d’interroger, répond ceci:« Nous n’avons pas pu ouvrir cette assemblée sur VOTACCESS en raison du trop grand nombre de résolutions non agréées (24) ».
En effet, notre système n’accepte pour le moment qu’un nombre de 10 résolutions maximum.« De nombreux établissements passent par le système de NATIXIS (Caisse d’Epargne, Banque Populaire, HSBC, Barclays) et cela signifie que leurs actionnaires SoLocal Group ne pourront bénéficier du vote en ligne pour cette Assemblée Générale.

Avec l’espoir de faire avancer la cause des actionnaires individuels, nous avons épluché les forums boursiers mais surtout le courrier des membres de l’association des actionnaires de SoLocal pour essayer d’aller plus loin et de comprendre où se situaient les problèmes de vote à l’AG du 19 octobre 2016 . Minoritaires.com a même signalé à Boursorama les problèmes rencontrés par leurs clients, alors que les signalement de clients se multipliaient.

Le résultat de notre enquête sur le vote des actionnaires de SoLocal en AG 

Commençons par l’aspect positif : très peu de difficulté sinon aucune, ont été signalées par les clients d’au moins deux banques :

Crédit Agricole proposait le système Votaccess de vote par internet à ses clients comme BNP Paribas. A noter que les  Caisses Régionales du Crédit Agricole ont, d’après les retours, fait le maximum pour aider les clients qui ne votaient par internet dans leurs démarches. Un seul cas problématique a été signalé avec la Caisse du Crédit Agricole du Nord-Est. Enfin, les clients de la Banque Postale n’ont pas fait remonter de difficultés particulières mais ils étaient peut-être moins nombreux.

Au registre des embûches, lorsqu’ils relevaient des intermédiaires, les problèmes signalés ont été de plusieurs ordres : des problèmes pour se faire délivrer des attestations de détention, des problèmes pour gérer la confirmation de la détention des titres à J-2, des problèmes pour obtenir les formulaires de procuration signées et enfin l’absence d’accès à Votaccess.

Le Prix Citron à Boursorama malgré ses efforts en fin de course

On constate aussi que l’absence de guichet chez les courtiers en ligne, n’aide pas. Ils sont souvent mal équipés pour le courrier quand les démarches en ligne ne sont pas proposées ! Voici un résumé de ce que minoritaires.com a observé :

  1. Certains intermédiaire ont refusé le formulaire de procuration type de l’association des actionnaires de SoLocal, pourtant juridiquement conforme. Certains courtiers en ligne comme Fortuneo et Boursorama, ING Direct… ne savaient traiter que des formulaires types. Devant l’insistance des actionnaires, certains d’entre eux ont fini par faire un effort pour les intégrer dans leur système et les délivrer tout de même, preuve que c’était possible. Encore fallait-il savoir que les courtiers en ligne avaient des difficultés à intégrer les formulaires type.
  2. Un intermédiaire, Boursorama,  a indiqué qu’il n’était pas en mesure de délivrer des attestations de détention de titres pour les procurations avant la date du 17/10/2016 donc trop tard pour un envoi par courrier des pouvoirs à l’association, compte tenu de la fermeture du « bureau de vote » de BNP Paribas Securities » à 15 h le 18/10.
  3. Un autre intermédiaire LCL n’était pas en mesure de délivrer des attestations de détention de titres à certains clients, un problème récurent.
  4. De nombreux cas ont été signalés d’intermédiaires mettant plus de 10 jours pour expédier une attestation de détention de titres, c’est le cas de Fortuneo . Les actionnaires ont parfois reçu le formulaire trop tard pour voter par procuration. Certains formulaires de vote ont été mal remplis par les intermédiaires dans des banques régionales.
  5. Plusieurs intermédiaires, des banques mais aussi des courtiers en ligne qui sont censés faciliter les démarches par internet de leurs clients, ne leur ont pas  donné accès à leur client à la plate forme de vote Votaccess qui permet de voter ou de donner procuration en ligne ou alors très tard. Caisses d’épargne, Bink, Bourse direct, CIC  n’auraient pas fourni l’accès à la plate-forme.
  6. Les clients de Boursorama, les plus actifs sur ce dossier et les plus nombreux, sont ceux qui ont signalé le plus de problèmes. Il a fallu une démarche spéciale auprès de Boursorama pour faire activer Votaccess à partir du 13/10 mais certains clients ont continué à indiquer qu’ils rencontraient des difficultés peut-être parce qu’ils avaient déjà entrepris des démarches contradictoires ( vote par courrier…)  ou avaient acheté leurs actions trop tardivement, selon Boursorama.
A lire également :

Si vous avez manqué le début de l’histoire de RegroupementPPLOCAL, toutes les initiatives prises par RegroupementPPLOCAL pour défendre ses membres sont ici :

Comment s’orchestre la résistance des actionnaires de Solocal