Alstom-GE : et si Bruxelles refusait son feu vert ?

Malgré l’accord Alstom-GE, les actionnaires d’Alstom manquent de visibilité sur l’avenir du groupe. La vente des activités Energie à General Electric bute sur un point clé :le feu vert de la Commission Européenne au titre de la concurrence sur le marché des turbines à gaz n’est toujours pas acquis.

Réponse de la Commission Européenne le 11 septembre

Il faudra attendre le 11 septembre pour savoir si Bruxelles accepte les solutions proposées par General Electric en vue de « dégonfler » sa position sur un marché où il se retrouverait seul avec Siemens en Europe. En cas de refus, GE aurait  deux mois pour engager un recours c’est à dire jusqu’au 11 novembre. Et si l’accord Alstom/GE n’a pas été mis en oeuvre avant le 30 novembre, il sera caduc. Mais ce ne serait pas  pour les actionnaires d’Alstom le retour à la case départ. Les 18 mois de stand-by du pôle Energie et l’absence de contrats à long terme pendant cette période aurait des conséquences financières, industrielles et sociales.

Deux questions se posent par conséquent pour les minoritaires d’Alstom :

Primo quel plan B si le deal Alstom-GE tombe à l’eau, le 30 novembre ? Secundo, quel avenir pour Alstom Transport lorsque la branche Energie aura été cédée d’une manière ou d’une autre ?

Interrogé par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le 21 juillet dernier, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a montré que l’Etat ne se désintéressait pas du dossier. Car Alstom c’est les TGV mais aussi 18 000 salariés en France, dont 9 000 qui sont censés passer sous pavillon américain, une fois l’accord conclu. 

Si Bruxelles refuse son feu vert à GE, il existe toujours un plan B

Devant les députés, le ministre a reconnu que le marché sur lequel évoluait la branche énergie d’Alstom est mal en point et qu’Alstom a un problème taille critique sur celui-ci. Pas question, par conséquent, de revenir en arrière sur la cession de cette activité. La vente d’Alstom Energie est pour lui, la meilleure option.

Mais, si le ministre a trouvé les derniers signaux de l’enquête de la Commission européenne sur le rachat de la branche énergie d’Alstom par GE « plutôt rassurants », il a assez longuement évoqué un plan B. Les discussions avec Siemens et Mitsubishi n’ont pas cessé. En cas d’échec de l’accord Alstom-GE, l’offre à 8,3 milliards € des deux industriels, rejetée en mai dernier par le conseil d’Alstom, peut être réactivé. Dans les mêmes conditions ? Ce n’est pas certain. Emmanuel Macron a bien insisté sur le fait qu’il faudrait prendre en compte la désertion des clients d’Alstom qui s’apprêtaient en 2014 à lui confier des contrats de long terme. Ils ont été échaudés par les incertitudes capitalistiques de la branche Energie. Conséquence : selon le ministre, « on ne démonte pas une opération pour en remonter une autre plusieurs mois plus tard » sans qu’il y ait des coûts financiers, sociaux et industriels supplémentaires. Ce trou dans le carnet de commande des activités Energie nécessiterait des soutiens publics, voire une recapitalisation. On comprend donc que ce plan B ne doit pas être totalement exclu mais que ce n’est pas l’option idéale. 

La commande publique ferroviaire soutiendra le carnet de commandes

Le nouvel Alstom délesté de ses activités Energie et constitué essentiellement de sa branche transport, sera-t-il viable ?

Les déclarations du ministre qui parle de ce dossier comme un banquier d’affaires, sont instructives. Selon lui, une fois la branche Energie cédée, le nouveau groupe recapitalisé et désendetté sera solide et pourra même devenir « un consolidateur » plutôt qu’une cible. En cela, il ne diffère pas des déclarations du PDG Patrick Kron.

Macron estime aussi qu’une OPA sur Alstom, réduit à ses activités transport, est un scénario improbable. Seuls les acteurs chinois seraient suffisamment puissants, selon lui, pour s’offrir le nouvel Alstom reformaté mais ils ne le feront pas. Le fait que le ferroviaire prospère grâce aux commandes publiques constitue une pilule empoisonnée efficace.

Cependant, la suite laisse penser qu’Alstom transport a tout de même besoin d’un sérieux coup de main des pouvoirs publics. Le ministre n’a pas éludé la question, indiquant que le vrai problème de ces trois ou quatre prochaines années pour Alstom (Transport), était bien son plan de charge. L’Etat a donc promis d’essayer de clarifier ses commandes et de donner plus de visibilité au Groupe. Alstom va profiter de la manne du plan d’investissement d’avenir qui concerne le TGV du futur et de ses programmes de recherche subventionnés à 50 % pour les grandes entreprises.  Début juillet, le gouvernement a également décidé d’accélérer les décaissements pour le financement de nouveau matériel roulant (1,5 milliard €) qui vont essentiellement profiter à Alstom et à ses sous-traitants. La SNCF a lancé l’appel d’offre début juillet pour des trains intercités qui seront déployés à partir de fin 2016. En outre, l’Etat soutient Alstom pour l’obtention de contrats au Maroc et aux Etats-Unis.

Vers un soutien capitalistique de l’Etat ?

Après tous ces efforts, l’Etat entrera-t-il via l’APE ( Agence des participations de l’Etat) au capital d’Alstom ? La question n’a pas été posée et à écouter le ministre, on comprend que l’Etat a déjà la main sur l’avenir d’Alstom. Si l’accord Alstom-GE tombe à l’eau, Bercy sera alors libéré de son accord avec Bouygues, une option sur 20 % d’Alstom pendant 20 mois difficile à exercer, et qui le place, théoriquement, en situation d’attente. Il pourrait alors revenir à la charge au plan capitalistique.

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