Ce que vous devez savoir sur l’OPRA Alstom

Après l’accord de ses actionnaires en assemblée générale, Alstom, réduit à sa branche transport, va racheter une partie de ses propres actions avec l’argent issu de la vente de sa branche énergie à General Electric. Ces actions seront ensuite annulées. L’OPRA Alstom est une façon de rendre l’argent aux actionnaires en leur octroyant un petit bonus. Les actions valaient 27 € avant l’annonce et Alstom va racheter 29,47 % de celles-ci (environ 3 actions sur 10 détenue) au prix de 35 €. Voici nos réponses aux questions que se posent les actionnaires individuels. (A lire aussi OPRA Alstom : faut-il apporter ses actions ? )

Pourquoi une AG des actionnaires avant l’offre publique de rachat d’Alstom ?

Pour annuler les actions acquises dans le cadre de cette offre publique de rachat d’actions (OPRA), Alstom devra procéder à une réduction de son capital votée par les actionnaires réunis en AG Mixte le 18 décembre 2015. Le vote requiert une majorité des deux tiers. La réduction de capital porte sur un montant nominal maximum de 640 500 000 € représentant 29,47 % du capital de la société. L’AG a en parallèle autoriser le conseil à mettre en œuvre une offre publique de rachat de 91,5 millions d’actions à 35 € auprès de tous les actionnaires. Une deuxième résolution, qui n’a rien à voir avec la première, traite de l’attribution d’actions gratuites d’actions existantes ou à émettre, à concurrence de 5 millions d’actions, soit environ 140 millions € au cours actuel, dont environ 6 millions € destinés aux mandataires sociaux. Enfin, une troisième résolution proposera le transfert du siège social d’Alstom, de Levallois-Perret à Saint-Ouen et une quatrième la nomination d’un administrateur futur représentant de l’Etat qui « loue » des actions à Bouygues.

Patrick Kron avait évoqué 3,5 à 4 milliards € de rachats d’actions, pourquoi est-il question de seulement 3,2 milliards € ?

Il est vrai que le PDG partant d’Alstom avait d’abord évoqué un retour aux actionnaires de 3,5 à 4 milliards € jusqu’en décembre 2014. Puis, en juillet 2015, il se ravisait et parlait de 3,2 à 3,7 milliards €. C’est finalement la fourchette basse de 3,2 milliards € qui a été retenue.  Cette diminution reflète des conditions de vente à General Electric bien moins intéressantes que prévu pour le groupe français. Au fil des mois, l’argent frais qu’Alstom devait retirer de sa transaction avec GE, a fondu comme neige au soleil, malgré la hausse du dollar qui aurait pu compenser en partie la réduction des apports d’argent frais de General Electric.

En avril 2014,  il était question de 12,35 milliards €. En juin 2014, à la demande de l’Etat, Alstom a d’abord accepté de réinvestir 2,4 milliards €  pour rester présent dans les co-entreprises de la branche énergie, tout en  leur laissant une trésorerie disponible de 1,9 milliard €.  Puis, Alstom a accepté de racheter la branche signalisation de GE pour 700 millions €. Ensuite, à la demande du Département américain de la justice (DoJ), la société française a été contrainte de payer elle même l’amende américaine liée à ses affaires de corruption,  alors qu’il était prévu, jusqu’en décembre 2014, que GE prenne à sa charge ces 700 millions € de pénalités. Enfin, sans demander l’accord des actionnaires, Patrick Kron a consenti en juillet 2015, un nouveau rabais de 300 millions en faveur de GE.  Sous prétexte que la Commission européenne exigeait de GE des sacrifices, Patrick Kron a accepté de payer la note pour boucler l’opération. Enfin, il y a eu des ajustement de l’ordre de 100 millions d’euros à la charge d’Alstom. Par rapport au prix de cession initial, qui devait faire rentrer 12,3 milliards € d’argent frais dans les caisses d’Alstom, cette partie en cash a donc été minorée de 4,2 milliards € et le deal se solde par un apport de liquidités réduit à seulement 8,1 milliards €. Les actionnaires en font bien entendu les frais.

Après le rachat d’actions, le cours ne risque-t-il pas de s’effondrer ?

En théorie, ce type d’opération ne devrait pas pénaliser le cours. En pratique, c’est une autre histoire. En principe, l’annulation des titres acquis lors d’un rachat d’actions réduit le nombre d’actions en circulation. Par conséquent le montant des dividendes ou des bénéfices est réparti entre un plus petit nombre d’actions, ce qui augmente le dividende ou le bénéfice par action. Cependant, dans le cas d’Alstom, la vente de la branche énergie et le recentrage sur les métiers du transport ont créé une situation nouvelle, sans point de comparaison. Certes, le groupe tirera partie d’un désendettement qui lui coûtait cher. Les perspectives du plan d’affaires qui figurent dans le rapport de l’expert indépendant laissent toutefois dubitatif. On peut lire en substance que le chiffre d’affaires de 2015/16, 2016/2017 et 2017/18 est prévu en croissance de respectivement +12,4 %, +6,9 % et +3,4 %; et que la marge d’EBITDA s’établira à 7,4 %, puis 7,6 % et 7,5 %.

Le 1er actionnaire, Bouygues, qui détient 29,2 % d’Alstom va-t-il demander le rachat de ses actions ?

Le groupe Bouygues détient à ce jour environ 90,5 millions d’actions. Il a fait part de son intention d’apporter à l’OPRA Alstom un nombre d’actions lui permettant de maintenir sa participation au capital à l’issue de l’opération. Il vise un niveau comparable au niveau actuel. On peut penser en effet, que Bouygues ne souhaite pas prendre le risque de dépasser la barre des 30 %, qui l’obligerait à lancer une OPA. Le 1er actionnaire d’Alstom apportera donc ses actions au rachat, ou un peu moins pour maintenir son pourcentage du capital au niveau actuel.

Comment a été calculé le prix de 35 € par action, alors que le titre cotait 27 € avant l’offre ?

Le prix de l’OPRA Alstom représente une prime de 17,6 % sur le cours de clôture du 3 novembre 2015 (lendemain de la vente d’Alstom Energie à GE) et une prime de 21,8 % sur le cours moyen des trente derniers jours pondéré par les volumes. Depuis l’annonce de cette OPRA, le cours s’est ajusté. A noter au passage, que 35 €, c’est à peu de chose près le prix auquel l’actionnaire Bouygues avait déprécié ses actions Alstom avant l’annonce de l’opération avec GE. En outre, c’est aussi le prix auquel le gouvernement peut exercer son option de rachat de 20 % du capital d’Alstom à Bouygues. Plus que la valeur intrinsèque de l’action, ce prix apparait donc comme un prix sur lequel tout le monde est tombé d’accord.

Quoi qu’il en soit, un expert dit « indépendant », le cabinet Duff & Phelps, a dû délivrer une attestation sur le caractère équitable de ce prix de 35 €. Carine Tourneur, directrice du bureau parisien de Duff & Phelps, a piloté cette expertise payée 420 000 € à Alstom. Les 35 € ont fait l’objet d’une analyse multi critères, comme d’habitude. Il a été calculé en référence au cours de Bourse (27 € avant l’opération) et en référence au cours cible de sept analystes financiers supposés indépendants (32,4 €). Quant aux deux autres méthodes retenues par l’expert qui donnent une fourchette autour de 35 € (actualisation des cash flow et comparables boursiers), leurs résultats sont subjectifs puisqu’ils dépendent des taux d’actualisation retenus et des sociétés choisies pour établir les multiples de bénéfices qui servent à l’évaluation. En résumé, les professionnels de la finance savent bien qu’on peut faire dire ce qu’on veut à ces expertises prétendument indépendantes, et celle fixant le prix d’OPRA sur Alstom ne déroge pas à la coutume.

Quand se déroulera l’opération (OPRA) ?

Après la tenue de l’AGE du 18 décembre 2015, l’OPRA Alstom se déroulera du 23 décembre 2015 au 20 janvier 2016. Les créanciers, avisés le 21 décembre, peuvent s’opposer pendant 20 jours calendaires à l’offre (ce qui est peu probable). Les résultats de l’offre (et notamment quel % exactement des actions est remboursé sur la base de 35 €) devraient être connus au plus tard le 26 janvier. Le remboursement des actions concernées par le rachat devrait intervenir le 28 janvier 2016 et, comme d’habitude, il faut craindre que les banques mettent « un certain temps… » à verser les fonds sur le compte de leurs clients. Attention ! Pendant cette période, les titres qu’on vous a demandé d’apporter (autrement dit toute votre ligne d’actions Alstom) seront bloqués et ne ne pourront pas être cédés sur le marché,  même pour la partie non concernée par le remboursement.

Que se passera-t-il si je ne participe pas à l’offre ?

Attention, il ne s’agit pas d’une offre publique d’achat. Dans le cas d’une OPRA, celui qui ne fait pas la démarche d’apporter ses actions au rachat et de l’indiquer à sa banque, rate une occasion de réaliser plus-value. Avant l’offre, le cours d’Alstom se situe autour de 27 €, l’intérêt est d’apporter pour percevoir 35 € sur minimum 29,5 %  de ses actions, quitte à en racheter sur le marché au cours de 27-28 euros ou moins. Faire le mort, et ne pas demander le rachat de ses titres c’est passer à côté d’une occasion de vendre une partie de ses titres à un meilleur prix qu’en Bourse. La part du gâteau de ceux qui n’auront pas demandé le rachat sera partagée entre les actionnaires apportant leurs titres à l’OPRA.

Dois-je vendre mes actions Alstom sans attendre l’OPRA ?

Si on ne croit pas au projet du nouvel Alstom recentré sur le transport, il est toujours possible de vendre la totalité de ses actions avant la fin de l’offre, d’autant que le cours s’est ajusté depuis l’annonce de l’OPRA et intègre à présent le bonus lié à l’opération.  Si le groupe tire effectivement partie d’un désendettement qui lui coûtait cher, le plan d’affaires figurant dans le rapport de l’expert indépendant n’a rien d’enthousiasmant. On y lit notamment que : « le Plan d’Affaires extériorise les tendances suivantes pour les exercices 2015/16 à 2017/18 : chiffre d’affaires en croissance de respectivement +12,4 %, +6,9 % et +3,4 %…marge d’EBITDA en hausse pour s’établir à 7,4 %, puis 7,6 % et 7,5 % « .

Suis-je certain d’obtenir le remboursement de 29,5 % de mes actions Alstom à 35 € ?

Oui, c’est même un minimum, il suffira de le demander. En effet, il est courant que certains actionnaires oublient d’apporter leurs titres à l’OPRA. Et dans ce cas, leur part est partagée entre les autres actionnaires. Dans le cas d’Alstom , il n’est pas impossible qu’au moins 30 % de votre ligne Alstom soit remboursée (3 actions sur 10) au lieu de 29,5 %.

Quelle part de mes actions Alstom faut-il présenter au remboursement et comment fonctionne le mécanisme de réduction ?

On peut se référer à ce qui est indiqué sur le projet d’OPRA déposé par Alstom et ses huit banques conseils à l’AMF. Voici ce qui est écrit :  « Dans le cas où le nombre d’actions apportées par les actionnaires à l’Offre serait supérieur au nombre d’actions visées par l’Offre, il sera procédé, pour chaque actionnaire vendeur, à une réduction proportionnelle au nombre d’actions dont il justifie être propriétaire ou titulaire, conformément aux dispositions de l’article R. 225-155 du Code de commerce. Par conséquent, lors de leur demande de rachat, les actionnaires devront faire immobiliser les actions non présentées au rachat et dont ils auront déclaré être propriétaires sur le compte tenu par leur intermédiaire financier jusqu’à la date de publication du résultat de l’Offre, ces dernières étant, le cas échéant, prises en compte pour le calcul de la réduction des demandes de rachat. Les actions qui ne seront pas acceptées dans le cadre de l’Offre en raison de ce mécanisme de réduction seront restituées aux actionnaires. »

Si, comme nous, vous n’avez rien compris à ce texte lisez notre article mis en ligne le 23 décembre 2016 : OPRA Alstom : faut-il apporter ses actions ?

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8 années plus tôt

Actuellement connaît on le pourcentage d’actions apportées à l’OPRA?
Merci

PAUL
8 années plus tôt

Bonjour,

Je souhaiterais obtenir une précision car je ne comprend pas cette phrase :

 » Les investisseurs professionnels conservent leurs titres car ils veulent pouvoir vendre des actions pendant l’OPRA, par exemple, s’il y a un krach boursier. C’est une attitude prudente que vous pouvez adopter par précaution. »

Mais puisque ALSTOM s’engage à payer au moins 35€ par action pour au moins 29,5% de vos actions et de » vous laisser le reste » . Alors en cas de krach boursier l’OPRA ne serait elle pas une porte de sortie souhaitable si la valeur de l’action s’effondre ?