AG Alstom: la communication de Patrick Kron aux actionnaires contestée

Les nuages s’accumulent au dessus de la tête de Patrick Kron. Le PDG d’Alstom va bientôt quitter le groupe  mais son mandat doit encore être renouvelé ce mardi 30 juin en AG, s’il veut toucher la prime de 4 millions € qu’il s’est fait octroyer en décembre dernier. Elle lui sera versée une fois la vente de la branche Energie d’Alstom à GE bouclée, le 1er octobre 2015 si tout va bien. Or, Bruxelles n’a toujours pas donné son feu vert. La Commission attend de nouvelles propositions de GE et d’autres grains de sables peuvent encore se glisser dans le calendrier.

En France, l’AMF, saisie par Arnaud Montebourg pour délit d’initié en avril 2014, n’a pas lâché le dossier. Le juge d’instruction Guillaume Daieff enquêterait également. Et les investigations dans les comptes et la communication du groupe sont susceptibles de soulever d’autres questions. L’activiste Phitrust conteste pour sa part, la validité de l’AG du 19 décembre 2014. Les actionnaires ont voté la cession des actifs à GE mais en se basant sur des informations qui ont été modifiées en cours de route (voir notre dernière partie). Il y a donc un risque d’invalidation et de retard.

Alstom fait l’objet de plusieurs enquêtes qui obscurcissent la communication du groupe et révèlent des pratiques commerciales douteuses. Le dossier américain lié aux affaires de corruption est quasiment réglé. Il s’est soldé par un plaider coupable d’Alstom et sera clos quand l’amende de  720 millions € sera versée. Alstom a discrètement invoqué la nécessité de vendre d’abord ses actifs à GE pour obtenir un délai de paiement. Le dossier des litiges britanniques est toujours en cours. Le Serious Fraud Office a entamé des poursuites contre plusieurs cadres d’Alstom et une amende importante est de plus en plus probable pour la branche transport. Patrick Kron n’a rien provisionné et laissera la charge à son successeur.

minoritaires.com fait le point pour ses lecteurs sur ces sujets épineux :

Les poursuites du SFO au Royaume Uni

Après les américains, ce sont les britanniques qui s’attaquent à d’anciennes pratiques commerciales douteuses d’Alstom. De l’avis des spécialistes, le groupe risque une amende presque aussi importante que les 720 millions € infligés par la justice américaine. En cause, toujours la même corruption institutionnalisée dans l’entreprise qui aurait perduré jusqu’en 2011.

Patrick Kron, n’a jamais fourni d’information particulière à ses actionnaires sur ce dossier en dehors du contenu du document de référence d’Alstom  qui consacre huit lignes à ce sujet.

Or, la procédure britannique du Serious Fraud Office (SFO) pour lutter contre la corruption d’agents publics étrangers, est inspirée de celle du Department of Justice (DoJ) américain. Comme dans le cadre du « Foreign Corrupt Practises Act » aux Etats-Unis, les violations du « UK Bribery Act » britannique, pourraient conduire à de lourdes sanctions.

C’est pourquoi, la mise en examen de Jean-Daniel Lainé à Londres le 12 mai dernier comme celle de Frédéric Pierucci aux Etats-Unis en juillet 2013, est de très mauvaise augure pour les actionnaires d’Alstom.

Où en est-on  précisément des poursuites britanniques pour des faits de corruption ? Dans le cadre d’enquêtes menées par le SFO,  six cadres ou ex-cadres d’Alstom ont déjà été mis en examen sur cinq affaires de corruption (en Pologne, Tunisie, Inde, Hongrie et Lituanie). Quatre concerne la branche Transport d’Alstom et une, la branche Energie qui doit toujours être reprise par General Electric.

Fait nouveau, cette fois-ci trois responsables éthique et conformité sont épinglés. L’ex-patron de la compliance Jean Daniel Lainé, sur l’affaire du métro de Budapest mais aussi Bruno Kaelin et Graham Hill, deux compliance officers. Un article du magazine américain Compliance Week fait le point sur le dossier.

En interne, chez Alstom où l’affaire fait grand bruit, on s’interroge sur un futur « plaider coupable » de Jean-Daniel Laine, proche de Patrick Kron. Autant dire que le PDG qui n’a pas été condamné aux Etats-Unis, risque gros lui aussi,  si les faits sont avérés.

Pour l’instant aucune provision n’a été passée à ce sujet dans les comptes d’Alstom car l’amende que certains analystes financiers commencent à anticiper serait difficile à évaluer.

Les poursuites aux Etats-Unis et la communication au 30 septembre 2013

Retour en arrière. Le 6 novembre 2013, le PDG d’Alstom n’avait peut-être pas lu le livre d’Antoine Garapon  et Pierre Servan-Schreiber, « Deals de justice » sorti en octobre 2013 mais ses avocats, s’ils ont bien fait leur travail, l’avaient averti d’une amende imminente de la justice américaine. L’ouvrage des deux auteurs décrit en effet, une vision extensive, mondialisée, de la justice américaine, qui n’hésite plus à faire subir de lourdes amendes aux entreprises étrangères.

Patrick Kron ne pouvait pas non plus ignorer à l’époque, les mésaventures de Siemens. Son concurrent avait écopé en 2008 d’une amende de 800 millions d’euros et huit salariés avaient été poursuivis aux Etats-Unis pour des faits de corruption d’agents publics étrangers. Au mois de novembre 2013, le PDG d’Alstom sait donc qu’il risque gros aux Etats-Unis.

Depuis 2010, le DoJ accumule des preuves sur les méthodes du groupe et enquête sur un système de corruption institutionnalisé. Tous les moyens sont bons pour trouver des preuves : un intermédiaire qui négocie des aveux, un « infiltré » qui fournit des enregistrements… Jusqu’en juillet 2013, le groupe a refusé de coopérer aggravant ainsi une probable sanction. Plusieurs salariés se sont déjà fait épinglés aux Etats-Unis. Frédéric Pierucci, le patron de la division turbines vapeur basé à Singapour est en détention provisoire depuis le 14 avril 2013 et il acceptera de plaider coupable le 29 juillet 2013 donc trois mois avant la présentation des comptes semestriels. Le responsable de la compliance du groupe Keith Kaar a pris langue avec les autorités américaines. Elles ont rassemblé des preuves sur des faits de corruption en Indonésie notamment.

La situation d’Alstom n’est pas brillante et le cash flow libre ( les flux de trésorerie disponible) est négatif, et il n’est pas encore question de passer une provision pour une probable amende américaine, d’autant qu’Alstom n’a toujours pas décidé de coopérer avec la justice. En revanche, un plan avec la cession de quelques actifs non stratégiques et une prochaine mise d’Alstom Transport doit dégager 1 à 2 milliards € de cash ce qui va rassurer les investisseurs. Le jour même, l’action Alstom gagne près de 5 % à 28 euros.

Le curieux profit warning de janvier 2014

S’agit-il d’un vrai ou d’un faux « profit warning » ? En tout cas Patrick Kron souffle le chaud et le froid. Le 21 janvier 2014, deux mois et demi après avoir présenté ses comptes clos au 30 septembre accompagné du plan destiné à rétablir la situation, il s’adresse au marché pour annoncer des prévisions très sombres. La situation d’Alstom se serait dégradée, au point qu’il ne peut pas attendre la fin de l’exercice prévue le 31 mars 2014 pour annoncer les mauvaises nouvelles. Ce n’est pas à son habitude. Rien de vraiment nouveau toutefois dans l’environnement industriel, la demande reste atone dans les marchés matures et le ralentissement se fait sentir dans les pays émergents. Mais le PDG n’espère plus un retour dans le vert du cash flow libre (flux de trésorerie disponible).

La dégringolade semble un peu rapide. D’où vient ce soudain pessimisme ? L’absence d’informations au marché sur l’amende américaine serait-elle en train de se retourner contre Patrick Kron au point de rendre difficile de futures négociations avec GE sur sa branche énergie ?

En effet, il faudrait à ce stade un miracle pour qu’Alstom fasse l’économie d’une grosse sanction aux Etats-Unis, sans compter que le PDG peut lui-même être inquiété. Les analystes savent décrypter l’information. Ils ont commencé à faire leurs calculs et s’attendent à une provision sérieuse dans les comptes annuels. A l’annonce du profit warning, le signal est donné, le cours chute lourdement. De 28€ le 20 janvier, l’action tombe à 21€ le 27 janvier 2014. Quelques jours plus tard, Bouygues, actionnaire à 29 % d’Alstom en profitera pour déprécier sa participation.

Pourtant, il n’est toujours pas question pour Patrick Kron de communiquer auprès de ses actionnaires sur la probabilité d’une amende américaine.

Ce profit warning étonnera d’autant plus, avec du recul, que le 24 avril 2014, trois mois plus tard, lorsque le comité d’audit d’Alstom reçoit les comptes annuels 2013/2014 pour les examiner, le cash flow libre d’Alstom est redevenu positif au second semestre. Il est même en forte hausse.

La qualité de l’information financière d’Alstom commence à poser problème.

Les comptes au 30 mars 2014 et l’offre ferme de General Electric

Début avril 2014, les analystes financiers qui ne travaillent pas sur le deal avec GE, s’arrachent les cheveux pour y voir clair sur le titre Alstom. C’est le temps des spéculations. Le 15 avril une fuite de Bloomberg fait état de discussions entre Alstom et General Electric. De son coté, le 22 avril 2014, le Wall Street Journal sort un article citant une étude de Nomura qui évalue une probable amende américaine d’Alstom à 1,25 milliards $. Un chiffre qui représente pas moins de 12 % de la capitalisation financière du groupe.

On imagine facilement le malaise de la direction financière et des responsables des relations investisseurs face aux questions qui affluent. Il reste une quinzaine de jours avant la publication des comptes, c’est une période où il est difficile de communiquer certes. Pourtant rien n’empêche le PDG d’Alstom de sortir un communiqué officiel pour éclairer la situation après en avoir parlé à son conseil. Mais la gouvernance du groupe ne fonctionne pas bien. Patrick Kron et les représentants de Bouygues au conseil ont du mal à s’ entendre. Patrick Kron va donc continuer à occulter le vrai risque financier lié au litige américain au marché. Le deal avec GE servira-t-il de cache misère.

Quoiqu’il en soit, le public ne sera informé que le 30 avril de l’offre ferme de General Electric sur les actifs Energie d’Alstom et ce n’est que le 7 mai 2014 que les comptes annuels d’Alstom seront publiés.

Ces dysfonctionnements ouvrent la porte à tous les délits d’initiés possibles. Et certains n’ont pas attendu pour profiter de ces trous dans l’information du marché. Le 23 avril le cours d’Alstom s’envole de 4 % dans des volumes inhabituels et le ministre Arnaud Montebourg, en délicatesse avec le patron d’Alstom saisit l’AMF pour soulever la question d’un éventuel délit d’initié, sur lequel le juge Daieff aurait lui aussi ouvert une enquête, selon le magazine Challenge.

Entre temps, le 25 avril, l’AMF vient au secours des actionnaires qui n’ont pas eu d’informations privilégiées. Le cours est suspendu jusqu’au 30 avril. Patrick Kron indiquera avoir reçu l’offre officielle de GE, le 26 avril, une offre que le conseil contresignera le 29 avril.

La communication d’Alstom devient alors un véritable casse-tête démontrant, si nécessaire, qu’une communication incomplète, peut vite créer un imbroglio dont il est difficile de s’extirper au final.

Les comptes annuels 2013/2014 et l’absence de provision du litige américain

Les calculs des analystes sur le risque d’Alstom lié aux affaires de corruption ne serviront pas à grand chose. Alstom fera une fois de plus le choix de ne pas provisionner le litige américain au 30 mars 2014.

Que Patrick Kron prenne ses aises avec l’information financière, qu’il décide de ne pas provisionner un litige de cette ampleur, c’est une chose mais que les commissaires aux comptes acceptent ce grand écart avec l’image fidèle en est une autre.

Olivier Lotz de PWC Audit et Thierry Colin de Mazars ne relèveront pas dans leur rapport consolidé sur les comptes d’Alstom l’absence de provisionnement de l’amende pourtant estimée autour du milliard d’euros par Nomura Securities.

Que dire également de l’attitude du comité d’audit d’Alstom au sein du conseil d’administration ? Il témoigne de nouveau des dysfonctionnements de la gouvernance. Comment Georges Chodron de Courcel, le DG délégué de BNP Paribas qui siège au comité d’audit,  a-t-il pu accepter d’avaliser les comptes annuels d’Alstom sans tirer la sonnette d’alarme ? Sa banque vient de provisionner une très grosse somme deux mois plus tôt en vue d’un plaider coupable aux Etats-Unis qui finira par une sanction de 8,9 milliards $ deux mois plus tard.

Et même si l’offre de GE inclut une prise en charge ( très théorique) des passifs dans l’énergie d’Alstom, ce que la plupart des actionnaires n’ont pas tous compris  à ce stade, comment justifier que ce risque ne figure pas au bilan ? Primo, en effet, des estimations précises de l’amende sont maintenant possibles. Secundo, la probabilité que le DoJ accepte la prise en charge de l’amende par GE est très mince. Terzio, même si le DoJ acceptait ce deal, la transaction finale avec GE peut encore échouer. Dans ce cas, retour à la case départ, c’est Alstom qui paierait l’amende. L’absence de provision dans les comptes au 30 mars 2014, puis dans les comptes au 30 septembre 2014, pose donc un grave problème de sincérité des comptes.

La communication sur l’accord tripartite et l’information des actionnaires

Les écarts avec l’image fidèle se doublent de petits arrangements avec l’information délivrée sur l’accord tripartite Etat-Alstom-GE rendu public le 21 juin 2014.

Le 21 juin 2014, pour le PDG comme pour le gouvernement, une fois le projet d’accord signé, il s’agit de l’annoncer au marché comme « un partenariat équilibré » afin de faire le moins de vagues possibles. Le PDG d’Alstom n’hésitera donc pas à publier, sous la plume de son conseil,  un communiqué approximatif qui donne une image imprécise, incomplète, sinon trompeuse des accords adoptés en l’Etat cinq mois plus tard.

Le communiqué est signé du conseil d’administration d’Alstom. Les administrateurs qui l’ont forcément validé, ont-ils bien lu l’accord pour le confronter au contenu du communiqué ? On peut se poser la question.

Voici ci-dessous, le passage du communiqué qui fait état de trois JV à 50/50 avec GE dans l’énergie, ce qui s’avèrera faux :

« Selon les termes de l’offre actualisée, après la réalisation de l’opération sur les activités Énergie d’Alstom, GE et Alstom créeraient des co-entreprises dans le domaine des réseaux et celui des énergies renouvelables. Alstom et GE détiendraient l’un et l’autre une participation de 50% dans une co-entreprise Réseaux, qui regrouperait les activités globales d’Alstom Grid et de GE Digital Energy. Alstom et GE détiendraient également l’un et l’autre une participation de 50% dans la co-entreprise dédiée aux énergies renouvelables qui regrouperait les activités Eolien en mer et Hydro-électrique d’Alstom. De plus, Alstom et GE créeraient une alliance à 50/50 portant sur les activités nucléaires dans le monde et la vapeur en France, qui inclurait la production et la maintenance de la gamme d’équipements “Arabelle” pour centrales nucléaires, ainsi que les équipements de turbines à vapeur d’Alstom et leur maintenance sur le marché français…».

Lors de l’AG du 1er juillet 2014, Patrick Kron continue à présenter l’accord avec GE de la même façon. C’est ce que montre le slide ci-dessous qui est projeté devant les actionnaires.

Présentation de l'accord Alstom-GE aux actionnaires le 1er juillet 2014. Patrick Kron évoque encore trois co-entreprises à 50/50
Présentation de l’accord Alstom-GE aux actionnaires le 1er juillet 2014. Patrick Kron évoque encore trois co-entreprises à 50/50

Or, ce n’est pas du tout ce qu’on retrouve dans le rapport d’Alstom au 30 septembre 2014 publié le 5 novembre 2014 après  la signature de l’accord définitif. Ici, Alstom n’est plus du tout actionnaire à 50/50 d’un partenariat « équilibré », mais devient au contraire actionnaire minoritaire des trois co-entreprises. Dans les deux premières coentreprises (Réseau et énergies renouvelables) Alstom détient 50% moins une action. De fait, le résultat sera l’inverse de celui annoncé en juin : General Electric acquiert ainsi le pouvoir d’imposer ses vues à Alstom.

S’agissant de la troisième co-entreprise, regroupant les activités les plus stratégiques (les turbines Gaz Vapeur pour la France et le nucléaire), la supercherie est encore plus flagrante. Fini le partenariat 50/50 rassurant pour la sécurité nucléaire. Cette fois, Alstom n’aura que 20% du capital et donc des bénéfices, avec, en lot de consolation, 50% des droits de vote, moins deux voix.

Et c’est loin d’être la seule anomalie puisque le communiqué du 21 juin, ne mentionne pas clairement ce que Patrick Kron dira publiquement en décembre 2014, à savoir que GE s’était bien engagé à payer l’amende d’Alstom.

La fable racontée en AG et le risque d’invalidation du vote sur la vente à GE

Le 16 décembre, à quelques jours de l’AG d’Alstom du 19 décembre 2014 convoquée pour voter la vente d’Alstom Energie à General Electric, une fuite de Bloomberg, met en émoi les petits actionnaires et fait sensiblement chuter le cours de l’action.

Alstom a plaidé coupable des faits de corruption qui lui sont reprochés.  Le groupe a reconnu que certains de ses responsables et employés avaient versé des pots-de-vin à des officiels en Indonésie, en Egypte, en Arabie saoudite, dans les Bahamas et à Taïwan pour remporter des contrats. Toutefois, le Department of Justice (DoJ) exige, selon l’agence Bloomberg, que ce soit Alstom (et non GE) qui paie l’amende pour corruption.

Evidemment, la nouvelle change tout. Avant cette information qui sera confirmée la veille de Noël par le DoJ,  GE peut s’offrir la branche énergie d’Alstom et sa trésorerie de 1,9 milliards pour une valeur d’entreprise de 12,35 milliards € plus 720 millions € de prise en charge de l’amende US soit 13,1 milliards au total. Après la décision du DoJ, le prix est ramené  à 12,35 milliards €.

Les actionnaires d’Alstom ont donc perdu dans l’affaire, la modique somme de 720 millions €. A noter au passage que Patrick Kron communique lui sur 600 millions € d’amende, alors que dans le document de référence la somme indiquée est bien de 720 millions €. En outre, les frais d’avocat importants dans ce genre d’affaire ne sont pas mentionnés.

Le 19 décembre 2014, le jour de l’assemblée, Patrick Kron a donc un gros problème. Il fait face à une assemblée d’actionnaires agacés. Alors qu’il leur demande de lui voter une prime de 4 millions €, il lui faut annoncer qu’il viennent de perdre 720 millions d’un coup.

Le PDG ne se démonte pas. Il va leur servir une nouvelle fable. Selon lui, l’accord n’a pas changé sinon le montant mais c’est l’épaisseur du trait. Pour convaincre, il se livrera à un tour de passe-passe assez grossier laissant entendre devant l’assemblée qu’il a obtenu de GE une sorte compensation qui ne dit pas son nom. Il faudra néanmoins attendre l’audition de Patrick Kron, le 1er avril 2015 devant les députés pour y voir plus clair.

Voici l’explication du PDG :

« Tous les actifs devaient être pris en charge par GE, le projet a donc été dégradé d’environ 600 millions € ( NDLR 720 millions € en réalité) , ce qui représentait 5 % de la transaction. En même temps, nous avions d’autres discussions commerciales avec GE qui ont conduit à une augmentation de la cession liée à la vente d’un certain nombre d’actifs qui se traduisait par un élément positif de 400 millions € pour Alstom. J’ai donc constaté un élément négatif de 600 millions et un élément positif de 400 millions d’euros et c’est la raison pour laquelle, on pouvait voter ce projet  dont la variation se limitait à 1 ou 2 %».

Un vrai tour de bonneteau !

Ce qu’on retient de cette explication, c’est que le PDG mélange sciemment des choux et des carottes. Il compense d’un côté ce qui devient une charge, en l’occurrence les 600 millions € (720 millions en réalité) par un abandon d’actifs de l’autre, puisque les 400 millions € proviendront de l’allongement du contrat de licence sur la marque Alstom. Un peu comme si quelqu’un venait d’accrocher votre voiture et vous proposait en guise d’indemnité de racheter votre machine à laver pour que vous puissiez payer vos réparations !

Une fois de plus, l’information a trompé les minoritaires d’Alstom. Ceux qui ont voté par correspondance, se sont exprimés sur un accord qui n’était pas le bon. Et ceux qui ont voté en AG, ont été berné par l’information du PDG pour le moins tendancieuse.

L’activiste Phitrust relayé par Proxinvest demandent donc que le vote de l’AG du 19 décembre soit annulé. Il ne devrait pas être très compliqué de plaider cette cause. (Voir ici les questions de Phitrust en attendant la réponse de Patrick Kron).

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