Rentrée : les bonus et la “finance maléfique” au pilori

Bonus, paradis fiscaux, affaire Clearstream, blanchiment, criminalité et spéculation financière, tous ces maux ont rendez-vous cet automne pour faire monter la fièvre de la « finance maléfique ». On l’a vu cet été, après les révélations sur BNP Paribas, la question des bonus des banques est devenue un enjeu politique. Le PS de Martine Aubry a déclaré la guerre aux rémunérations des traders, aux stock-options et veut accroître le contrôle sur les banques. Se battre contre « le pouvoir de l’argent» a toujours été un thème fédérateur pour la gauche et c’est le moment d’en profiter.  A droite, on se contente de vouloir rétablir plus de justice dans l’attribution des bonus et  s’assurer que les milliards logés dans les paradis fiscaux n’échappent pas à l’imposition quitte à déclarer une pseudo-amnistie. Et sur ces sujets, l’Europe serait prête à se ranger derrière Nicolas Sarkozy. On ne sait pas très bien comment s’y prendre. Les mesures préconisées pour étaler les bonus sont inapplicables de l’avis des traders eux-mêmes, mais tout le monde feint de s’y rallier sauf peut-être les Etats-Unis.

Pourtant ces parades médiatiques pourraient bien être insuffisantes pour satisfaire ceux qui, de plus en plus nombreux, réclament un traitement en profondeur des excès du libéralisme financier. Les gouvernants feraient bien de tendre l’oreille. Ils sont attaqués non plus sur leur capacité à gérer la crise mais sur le modèle de société qu’ils prônent. Au Japon, après 54 ans d’hégémonie des conservateurs au parlement, les électeurs viennent  de faire un triomphe au parti libéral démocrate. En Allemagne, le mois de septembre sera lui aussi le mois des législatives, ce qui ne devrait pas calmer les esprits. S’il se contente de limiter les paradis fiscaux, de réformer des bonus, et de mettre quelques chèques en bois sur la table pour financer un second tour de relance, le G20 de Pittsburgh prévu les  24 et 25 septembre prochain, sera très décevant. La crise est devenue une “crise de modèle” et de “gouvernance”, et ce qu’on attend des pays du G20, c’est qu’ils se mettent d’accord pour éradiquer fermement les dérives du capitalisme financier et reprendre en main, les rênes abandonnées aux banquiers.

Quand la finance s’infiltre partout

Le comédien Laurent Deutsch, résume très bien l’exaspération ambiante. «Ce n’est pas tant aux traders que j’en veux, mais aux gouvernements qui laissent prospérer cette pratique » confie-t-il à propos des bonus. Il a bien étudié la question pour se glisser à partir du 23 septembre dans la peau de Jérôme Kerviel, le trader de la Société Générale, accusé de fraude. C’est le rôle qu’il interprétera sur la scène du  Théâtre National de Nice dans la pièce  “Le roman d’un trader” .

La cupidité, la spéculation feront irruption partout en ce mois de rentrée. Ainsi  Dargaud nous livre le troisième tome de la bande dessinée  Dantès,  « Le visage de la vengeance”, l’histoire d’un trader, accusé de malversations et de meurtre qui  entreprend de se venger contre ses patrons après un tour par la case prison, un  scénario de Pierre Boisserie et Philippe Guillaume.

La “Finance grise”, celle des paradis fiscaux et du secret bancaire sera aussi sur le devant de la scène avec le procès dérivé de l’affaire Clearstream, celle des commissions douteuses sur la vente des frégates à Taiwan en 2001.  Ce second volet judiciaire portera sur le  scandale politico-financier qui occulte aujourd’hui l’ affaire de corruption: le “tripatouillage” des listings informatiques portant le nom des bénéficiaires des commissions. On verra sur le banc des accusés Dominique de Villepin.

Parfait timing, pour ceux qui voudront dénoncer la criminalité financière et tous les abus rendus possibles grâce aux secret bancaire et aux paradis fiscaux. Avec « Le bal des ambitions » à paraître le 7 septembre aux éditions Robert Laffont, les deux journalistes du Figaro Yann Le Galès et Véronique Guillermard, reviennent d’ailleurs eux aussi sur ce scandale qui salit l’image d’EADS. Mais surtout le procès Clearstream sera une énième occasion, pour le  journaliste d’investigation Denis Robert de lever un nouveau coin du voile sur “les paradis fiscaux”.  L’auteur de nombreux ouvrage sur le sujet et en particulier de la BD  « L’affaire des affaires » parue en  2008 chez Dargaud, n’en finit pas de retracer le chemin qui mène de la corruption, à la misère, en passant par les paradis fiscaux et les chambres de compensation.  Le 3 septembre prochain, il sort son nouveau roman « Dunk » chez Julliard. « Plus le public sera informé et plus la pression se fera sur les politiques » estime-t-il dans un interview au Nouvel Observateur.

Selon lui, “on n’a jamais été aussi près d’un ralliement entre les différentes victimes des dérives du capitalisme financier”. Nombreux sont ceux en tout cas qui prennent la plume pour essayer d’imaginer la grande réforme qui serait capable de museler la finance de marché et de vacciner la planète contre les crises économiques à répétition. En octobre, on retrouvera le nouveau livre de  Paul Jorion, « L’argent,  mode d’emploi » aux éditions Fayard. Auteur de trois ouvrages sur la crise financière, il s’attelle à « une nouvelle constitution économique ». De son côté Denis Consigny, fondateur et animateur de la société Canada-Clim et bloggeur à ses heures, sort ce mois-ci un tout petit essai aux éditions Le pré du Plain, “Et s’il suffisait…”. Un cocktail de Taxe Tobin et de Taxe sur la Valeur Ajoutée appliquée aux produits dérivés permettrait, selon lui, 
 d’identifier et probablement de freiner les opérations hautement spéculatives tout en remplissant les caisses de l’Etat et le porte monnaie de la ménagère. Après tout, cette idée mérite d’être creusée. Si la finance de marché créé bien de la valeur ajoutée, elle survivra. Sinon, la TVA  aura vite fait de freiner la part des opérations de spéculation et d’arbitrage qui ne créent pas de vraies richesses pour nos économies.

Paru le 1er septembre 2009 sur http://mariejeannepasquette.blog.lemonde.fr/