« L’affaire Ghosn » du nom du patron de Renault actuellement sous les verrous, suscite beaucoup de questions. En France, « la révocation d’un haut dirigeant d’entreprise est-elle impossible » interroge un lecteur qui s’étonne que Carlos Ghosn soit encore à la tête du constructeur automobile français, alors qu’il a été révoqué chez Nissan accusé d’avoir commis des fautes inexcusables qu’il réfute pour l’instant. Qu’en est-il ?
En France, un mandataire social qui a le titre de Président ou de PDG peut être démis de son mandat, soit par le conseil d’administration de la société soit par les actionnaires réunis en assemblée générale. Cette dernière peut tout simplement le priver de son mandat d’administrateur. Dans ce cas, il ne peut plus exercer la présidence du conseil et son mandat social prend fin. En revanche s’il est seulement président du Directoire ou Directeur Général du groupe, seul le conseil de surveillance ou le conseil d’administration peuvent lui retirer son mandat.
Les actionnaires peuvent demander la convocation d’une AGO au Tribunal de commerce
Pour révoquer un Président ou un PDG, l’assemblée générale des actionnaires peut invoquer l’article L.225-105 du Code de commerce. La première difficulté consiste à obtenir la convocation d’une assemblée générale ordinaire, si celle-ci n’est pas réunie par le conseil. L’article L. 225-103 du Code de commerce stipule qu’à défaut d’être convoquée par le conseil, l’AG peut être également convoquée « Par un mandataire, désigné en justice, à la demande, soit de tout intéressé en cas d’urgence, soit d’un ou plusieurs actionnaires réunissant au moins le vingtième du capital social, soit d’une association d’actionnaires répondant aux conditions fixées à l’article L. 225-120 » du Code de commerce.
Pour la mise en oeuvre des dispositions de l’article L 225-103 du code de commerce, les actionnaires peuvent à leurs frais charger l’un d’entre eux de demander au président du tribunal de commerce statuant en référé la désignation du mandataire mentionné ci-dessus. L’ordonnance fixe alors l’ordre du jour de l’assemblée. Il faudra un avis motivé suffisant pour convaincre le président du Tribunal de commerce puis le mandataire nommé. Si c’est une association d’actionnaires qui demande la convocation, ses statuts devront avoir été déposés à l’Autorité des marchés financiers, ses membres devront pouvoir se prévaloir d’une inscription au nominatif depuis au moins deux ans, d’au moins 1 % du capital de la société concernée (dans le cas où le capital social est supérieur à 15 millions € davantage si la société est plus petite).
L’AG est souveraine et peut demander la révocation du mandat d’administrateur du P-DG
Lorsqu’une AGO est convoquée, si elle prévoit la révocation du mandataire, c’est assez simple. Si en revanche, une AGO a été convoquée pour un motif ou un autre, et qu’elle ne prévoit pas dans l’ordre du jour de priver le mandataire social de son mandat d’administrateur, la révocation pourra être soumise aux votes pendant l’AG. En effet, l’AG est souveraine, elle « peut, en toutes circonstances, révoquer un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance et procéder à leur remplacement. » (article L.225-105 du Code de commerce).
Il n’est donc pas nécessaire que la révocation soit inscrite à l’ordre du jour de l’AG ordinaire pour qu’elle soit votée. N’importe quel actionnaire, quelque soit sa participation au capital, peut demander pendant l’assemblée générale qu’une telle résolution soit inscrite au vote au cours de l’AG ordinaire. En effet, l’article L225-18 alinéa 2 du Code de commerce prévoit que les administrateurs « peuvent être révoqués à tout moment par l’assemblée générale ordinaire ». Il faudra cependant réunir lors du vote une majorité de 50 % des droits de vote attachés aux actions présentes ou représentées à l’AG, pour que le départ du Président ou du PDG privé de son mandat d’administrateur, soit effectif.
Le motif de la révocation doit être sérieux et il faut un vote majoritaire de 50 % des votants en AG
Mais attention tout de même, la révocation d’un mandataire social, ne doit pas être abusive faute d’entraîner des poursuites (article 1240 et 1241 du Code civil). Elle peut avoir lieu sur le champs et mais non sans juste motif lorsque c’est l’assemblée des actionnaires qui la décide. Sinon, l’administrateur mandataire social qui occupe également des fonctions de DG, peut invoquer « une révocation abusive » sauf si les statuts prévoient une clause contraire (voir les statuts de Renault s/nomination-révocation du DG). Sans clause contraire, la révocation d’un PDG ne doit pas porter atteinte à son honneur et à sa réputation, ni être sans cause sérieuse. Par conséquent, celui qui fait la demande de révocation du mandat d’administrateur d’un mandataire social, doit prendre la parole en AG et exposer ses motifs. Il y aura alors une suspension de séance et le conseil inscrira la nouvelle résolution à l’ordre du jour, si tout est fait dans les formes et sérieusement motivé. Le mandataire social concerné pourra lui aussi contre-argumenter en AG, avant le vote.
Dans les faits, il faut savoir qu’il est difficile de révoquer un mandataire social en AG sans avoir fait campagne auparavant et s’être assuré d’obtenir des soutiens au moment du vote.
En effet, la difficulté consiste, même si le motif est légitime, à obtenir suffisamment de vote en faveur du départ. Il faudra donc avoir préparé l’intervention plusieurs semaines à l’avance comme le font les activistes dans des sociétés où le capital n’est pas contrôlé. A défaut les actionnaires qui votent par correspondance ne seront pas mobilisés car la résolution n’aura pas été annoncée. Il y a deux parades à cela : primo inciter tous les actionnaires qui votent par correspondance à remplir correctement leur bulletin de vote. Après avoir bien lu les informations qui figurent dans le cadre rouge ci-dessous, lors de leur vote à distance, ils devront indiquer sur le bulletin qu’il délèguent leur vote à une tierce personne en cas d’amendement ou de nouvelle résolution présentée en AG. Evidemment, sur son bulletin de vote, il ne faudra pas que cette tierce personne soit le Président !
Secundo, dans le cas où c’est possible, les actionnaires qui détiennent au moins 0,5 % du capital ensemble ( dans les grandes entreprises), doivent déposer une résolution externe destinée à priver le Président de son mandat d’administrateur, ceci au moins 25 jours avant l’AG. La résolution figurera sur le formulaire de vote à distance tel qu’indiqué ci-dessus et également sur le formulaire de vote en ligne via Votaccess.