La Direction de SoLocal s’en prend au regroupement d’actionnaires

Tirer à boulet rouge sur un groupe d’actionnaires, alors qu’on est en train de lever du capital, c’est au mieux une maladresse, au pire une faute ! C’est pourtant ce qu’a fait la Direction générale de SoLocal, le 31 août dernier, jour de la présentation de son plan de restructuration financière aux investisseurs. Jean-Pierre Rémy, le DG du groupe, a menacé d’attaquer en justice l’association d’actionnaires RegroupementPPLOCAL qui représente 1200 petits porteurs en colère. Il vient de mettre en demeure, quatre de ses membres  de cesser ce qu’il considère comme de la désinformation et menace de porter l’affaire devant les tribunaux. Dans sa lettre  à l’Autorité des marchés financiers, l’association RegroupementPPLOCAL qui dénonce la communication financière de SoLocal, aurait utiliser des arguments qualifiés de « calomnies », selon la direction.

Le lien entre communication et chute de l’action relèverait de la « théorie du complot »

Si les petits porteurs de SoLocal sont coupables, c’est assurément de ne pas avoir vendu leurs actions SoLocal plus tôt. Le cours de SoLocal qui était de 350 € il y a dix ans, a chuté autour de 15 € en 2014, date à laquelle, le DG a réussi à fourguer pour 440 millions € d’actions nouvelles à ses actionnaires et à quelques fonds.  La société qui valait 500 millions € en Bourse il y a 2 ans, ne vaut plus que 100 millions € aujourd’hui. Depuis 2014, l’action a encore été divisée par 6. Elle cote 2,60 € et Jean-Pierre Rémy n’a pas de scrupule à revenir devant ses actionnaires pour leur demander de réinjecter 400 millions €, afin de rembourser les créanciers qui ont mis la société au tapis !

Dans ce qu’on peut qualifier de déconfiture financière, les créanciers qui ont accepté de prêter à l’ex-Pages Jaunes à l’époque du LBO partagent avec les ex-grands actionnaires Goldman Sachs et KKR une large part de responsabilité. Jean-Pierre Rémy arrivé en 2009 à la tête de SoLocal, ne se sent pas concerné. Il incrimine  l’endettement contracté en 2006 pour payer des superdividendes aux actionnaires et il met la chute  catastrophique du cours de l’action depuis un an, sur le compte de la fermeture des marchés financiers qui, en 2015, l’aurait empêché de rééchelonner la dette de SoLocal. « A partir de juillet 2015, le marché obligataire s’est tendu, la possibilité que nous avions de refinancer la dette obligataire et sur laquelle on travaillait a du être abandonnée, il a été impossible de refinancer et de repousser la maturité du crédit syndiqué »explique t-il.

Le directeur général ne pense pas que «la communication financière sur tel ou tel sujet ait modifié la trajectoire de moyen terme de l’action» même s’il est évident que les cours se sont régulièrement effondrés après ses prises de paroles, de février, puis de mai 2016.

Les actionnaires regroupés ne sont pas de cet avis. Ils voient un lien direct entre la communication financière jugée anxiogène et incomplète de la Direction et la baisse de l’action à partir du mois de février, et c’est pour cette raison qu’ils ont demandé à l’AMF d’enquêter. Jean-Pierre Rémy y voit une « théorie du complot ».

Un regroupement insignifiant mais qui voudrait prendre le contrôle, selon la Direction

Avec l’association RegroupementPPLOCAL, il est clair que la guerre est maintenant déclarée. Le président de l’association a beau avancer que 1200 actionnaires en font partie, Jean-Pierre Rémy ne lui reconnaît aucune représentativité. « L’AMF leur a demandé qu’ils précisent quel mandat, ils avaient et de qui. Ils ont fait un communiqué, où ils disent qu’ils ne sont mandatés par personne et ne représentent personne d’autre qu’eux même » relève le DG qui poursuit : « j’ai là une association qui est composée de quelques individus et qui rejettent globalement tout !…leur objectif est de prendre le contrôle sans payer le prix ».

Comment peut-on affirmer d’un côté que cette association ne représente rien et qu’elle veut prendre le contrôle ? Le Directeur Général a choisi l’attaque comme mode de défense. L’association dérange : « Ils disent représenter tous les actionnaires individuels qui eux-même totalisent plus de la moitié du capital et donc ils prétendent contrôler l’opération ( NDLR : le plan de restructuration)… Ils ont choisi de raconter une histoire qui leur convient. Ce n’est pas celle de la société… Ce ne sont pas des gens qui travaillent dans l’intérêt social de l’entreprise…j’attends toujours leur projet industriel. Il n’y en a pas un qui connaît l’internet parmi eux. Ils ont des avis sur tout, sur la manière dont l’entreprise devrait être refinancée… ils ne connaissent rien à notre business. Il est où leur plan industriel, leur plan de refinancement ? » interroge-t-il.

RegroupementPPLOCAL rejette en bloc le plan de restructuration qui va créer 18 fois plus d’actions et diluer massivement la part au capital, de ceux qui ne peuvent pas réinvestir. L’association, le clame depuis mars dernier, elle ne veut pas de cette augmentation de capital dilutive

Un plan qui doit permettre aux actionnaires de « se refaire »

Le directeur général, lui ne se démonte pas. Jean-Pierre Rémy est  de ceux qui savent vous vendre un lot d’une paire de chaussettes grises et de quatre paires de chaussettes rouges que vous ne mettrez jamais. Il promet un retour à meilleure fortune mais uniquement pour les actionnaires qui seront capables de souscrire un peu plus de 10 actions nouvelles SoLocal à 1 €, pour chaque action détenue ( cours actuel 2,60 €) : si les actionnaires actuel « n’achètent » pas son plan, ils ne bénéficieront pas du rebond qui doit leur permettre de se refaire et si de surcroit ils votent « contre » l’augmentation de capital en AG, le Tribunal de Commerce décidera au profit des créanciers et terminé l’effet d’aubaine.

« Si les actionnaires ne veulent pas de ce plan, il n’y a plus de plan, et il y a un choix qui relève du Tribunal de commerce et alors au lieu d’avoir in fine 6 % du capital après dilution ( NDLR : hypothèse du plan où l’actionnaire actuel ne souscrit pas), ils auront peut-être un peu mieux, 10 à 12 % mais les options de retour à meilleur fortune qui proviendront du plan de développement de l’entreprise, ça je pense qu’ils ne les verront jamais. » avance-t-il.

Certains actionnaires se sentent piégés au point qu’ils se demandent s’ils ne vont pas casser leur tirelire pour réinvestir encore une fois et « moyenner » à la baisse ? A leurs risques et périls, car il faut bien voir que SoLocal leur demande de rajouter environ 10,30 € par action (à 2,60 €) à leur investissement actuel pour pouvoir au final se mettre dans la poche un gain potentiel de 6,60 €.

La belle affaire ! La plus value potentielle serait de 50 %. Pourquoi dans ce cas les investisseurs n’ont-ils pas flairé le bon coup et pourquoi l’action SoLocal ne s’envole-t-elle pas ? Parce que le gain dépendra surtout du cours futur de l’action, lui même lié à la réussite du plan, lié à la crédibilité de Jean-Pierre Rémy .

Si c’est un échec, à défaut d’investisseurs intéressés, en échange de leur engagement de garantir l’augmentation de capital de 400 millions €, les créanciers vont récupérer 400 millions d’actions SoLocal payées 1 € dont ils chercheront sans doute à se débarrasser, ce qui pourrait peser longtemps sur le cours. Dans des cas semblables, il existe généralement un engagement  de conserver les titres pendant un certain temps, c’est ce qu’on appelle un lock-up mais pour le plan de SoLocal ce n’est pas prévu pour l’instant.

La provision de 1,64 milliard € dans les comptes sociaux, serait-elle anecdotique ?

Le DG est également revenu sur l’un des griefs de l’association :  une provision de 1,640 € milliard pour dépréciation des titres PagesJaunes qui n’a pas été expliquée ou même annoncée en même temps que la publication des résultats de février. Jean-Pierre Rémy  avance que c’est parce que cette provision  n’a eu aucun impact sur les comptes consolidés et qu’elle porte uniquement sur les comptes sociaux. « On publie les capitaux propres consolidés donc on fait un commentaire sur les capitaux propres consolidés. D’où viennent ces 1,64 milliard et quoi ils correspondent on va l’expliquer » .  Le regroupement avance que ce 1,64 milliard inexpliqué a pu entraîner la baisse de l’action… « on nous dit, vous êtes trop anxiogène mais en revanche sur le 1,64 milliard qui est une donnée qui pourrait inquiéter le marché, alors là on nous dit « vous n’en avez pas dit assez » » s’insurge le directeur général qui supporte mal la critique. Il coupe court : « On a surtout là, des personnes qui n’ont pas fait le travail nécessaire pour analyser la situation financière de l’entreprise et qui essaient d’expliquer que c’est la faute des autres».

Négociations : le DG dit qu’il a convié les petits porteurs, eux disent le contraire

Les critiques des actionnaires regroupés en association à l’encontre de la Direction, portent aussi sur le refus de faire entrer les petits porteurs dans la négociation. Jean-Pierre Rémy s’inscrit en faux à ce sujet « on leur a proposé de négocier. De signer un engagement de confidentialité pour aller négocier avec eux, ils ont refusé. On leur a proposé de négocier avec le mandataire ad hoc, ils ont refusé. On leur a proposé de participer au comité consultatif d’actionnaires (CCA) qui a une information plus détaillée sur l’ensemble de ces plans, ils n’ont pas voulu » affirme le DG. Il reconnaît toutefois, qu’en raison de la trêve estivale, le CCA n’a pu avoir plus de détails sur le plan de restructuration annoncé le 1er août que le 1er septembre 2016.

Le cours de l’action et la vraie valeur de l’entreprise 

« Le cours reflète le déséquilibre de la situation financière de l’entreprise et son incapacité à se refinancer et donc la perspective inéluctable d’avoir une restructuration financière sous une forme ou sous une autre. » estime Jean-Pierre Rémy indiquant qu’il espère un rebond de la valeur de l’entreprise. La vraie valeur d’entreprise de SoLocal ? « Elle se situe aujourd’hui entre 800 et 900 M€, ce qui me paraît nettement sous estimé par rapport à sa valeur potentielle » a avancé le DG.

« Ce qui importe poursuit-il, c’est qu’avec le plan proposé les actionnaires aient la possibilité de bénéficier de ce rebond. On comprend donc que ce plan n’est pas fait pour les petits porteurs qui n’ont plus la possibilité de souscrire, mais pour ceux qui ont suffisamment d’épargne pour continuer à miser sur SoLocal. Mais pourquoi après 10 ans de déconvenues continueraient-ils à investir dans cette valeur qui les a tant déçue ?

L’AG reportée deux fois de suite, les comptes de 2015 toujours pas approuvés.

Deux report de l’assemblée générale, n’ont toujours pas permis d’approuver les comptes de 2015 de SoLocal. La Direction générale les a demandés et obtenus du Président du TC une première fois pour reporter l’AG au mois de septembre, une seconde pour pouvoir la reporter jusqu’à fin octobre. Le DG  se lance dans une explication farfelue pour justifier ce report : l’AG ordinaire annuelle pour approuver les comptes et l’AG extraordinaire destinée à voter les augmentations de capital liées au plan de restructuration, devaient se tenir ensemble. « En effet, la manière dont on peut apprécier les comptes de 2015, dépend du fait qu’on est capable de présenter un plan de refinancement et une perspective positive. S’il n’y a pas de plan de refinancement, c’est une perspective négative pour l’entreprise. La manière dont vous pouvez apprécier et voter sur les comptes 2015, dépend du fait qu’il y ait ou non ce plan. Les commentaires des commissaires aux comptes sur les comptes 2015 dépendent aussi du fait qu’il existe ou non un plan de refinancement de l’entreprise. C’est pour cela qu’on veut depuis le début que les actionnaires se prononcent sur les comptes 2015, à la lumière du fait qu’il y a ou pas un plan de refinancement. » avance-t-il.

En réalité, le législateur a prévu d’autoriser les reports, soit pour éviter des situations de nullité d’assemblée, soit en cas d’empêchement de sa tenue. La raison avancée par SoLocal relève plutôt d’une opportunité de gestion, à moins que la Direction ait tout simplement craint de se faire débarquer. Il faut se souvenir que l’association des actionnaires avait prévu en juin, des résolutions externes pour modifier en profondeur le conseil de SoLocal. Une partie des actionnaires était très en colère.

Un nouveau recul du droit des actionnaires

L’ennui c’est que ce report d’assemblée accordé par deux fois créé un précédent. A l’avenir, toute société qui préférera, pour une raison ou pour une autre, présenter ses comptes en même temps que son plan de restructuration financière, soit 4 mois plus tard, pourra s’appuyer sur le cas SoLocal pour demander la même faveur au tribunal. Ce qui aura sans doute bien des avantages pour la gouvernance de telles sociétés. Qui a envie d’essuyer les critiques de ses actionnaires quand il a fait fondre le capital ?Avec le cas Solocal, c’est peut-être  un nouveau recul du droit des actionnaires qui s’opère discrètement.

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7 années plus tôt

Bonjour. J’ai acheté 269 actions à la Banque postale à 16 € et maintenant elles valent 5,392 €. Capital engagé : 4304,11 € perte 2853 €. Cordialement.

7 années plus tôt

Simple petit actionnaire , notamment sur SOLOCAL, j’ai quand même compris la manip qui consistait à faire croire aux PP anciens, que les PV allaient revenir sur une durée calculée mathématiquement et confortées par de beaux slides à l’écran. Après avoir secoué la brume des yeux devant tant de gains potentiels si rapides, euréka, les PV ne concernent en fait que ceux qui sont récemment rentrés sur la valeur à moins de 3.00€, les opportunistes du genre et du style… Les autres ? Circulez, y’ a rien à voir !