L’engagement voir l’activisme des actionnaires se développe dans les sociétés cotées. Assister ou simplement voter aux assemblées générales est un moyen privilégié de faire entendre sa voix. Mais comment ça marche ?
Car avec Internet, échanger sur les forums boursiers pour se regrouper et faire valoir ses droits en assemblée générale devient plus facile. Minoritaires.com a décidé de soutenir ce mouvement favorable à la protection de l’épargne en actions. Voici notre vade-mecum des AG, car pour devenir un actionnaire engagé, mieux vaut comprendre comment fonctionnent les assemblées générales.
AGE-AGO-AG MIXTE-QUORUM
Pour qu’une AG puisse se tenir valablement et voter, l’émetteur (entreprise qui émet les actions) doit réunir un quorum c’est à dire des actionnaires représentatifs d’une certaine proportion du capital. Dans une société anonyme, les actionnaires présents, représentés ou qui ont envoyé leur bulletin de vote par internet ou par correspondance doivent représenter au moins 20/25 % du capital (quotité appelée Quorum) à la date l’AG. À défaut l’entreprise convoquera une nouvelle AG qui interviendra après un délai minimum de 15 jours. Les actionnaires sont souvent convoqués à des AG Mixte composée de deux AG en fait. Une AG ordinaire et une AG extraordinaire. En première convocation, si c’est ce qu’on appelle une AG Ordinaire, le quorum minimum est de 20%. Si 20 % des actions ne sont pas réunies, elle sera reportée. Et en seconde convocation, aucun quorum ne sera exigé. Une AG ordinaire peut donc toujours se tenir et les décisions qui sont de son ressort, peuvent toujours se tenir. En première convocation, s’agissant de AG extraordinaire, le quorum requis pour voter valablement est de 25 % et en deuxième convocation, il est encore de 20 % des actions ayant le droit de vote. On voit bien qu’il est important de voter sinon, des actionnaires représentant quelques % du capital peuvent décider pour tous, mais il existe des exceptions.
En effet, il est aussi parfois préférable de s’abstenir volontairement, pour que le quorum ne soit pas atteint en première convocation. S’abstenir de voter ou de se faire représenter, ce qui implique de ne pas assister à l’AG ni de loin, ni de près, permet à des actionnaires qui se regroupent de gagner du temps pour élaborer une stratégie, s’informer, voire négocier, et au final de mieux défendre leurs intérêts.
Sans aller jusqu’à bloquer la vie de la société, jouer la politique de la chaise vide, en seconde convocation, alors que des résolutions contestées peuvent être présentées au vote, est donc une façon efficace de contrer les résolutions. Pas de quorum en AGE, c’est pas de vote et donc pas de décision possible. Avec seulement quelque % du capital, les actionnaires regroupés qui sont opposés peuvent ainsi avoir gain de cause en AGE où s’impose un quorum minimum de 20 % en deuxième convocation.
Dans le cas où les actionnaires s’opposent à une convention réglementée en AGO qui concerne des majoritaires par exemple, des minoritaires peuvent aussi tirer partie de ce type de stratégie.
Ici le document de l’AMF qui explique ce qu’est une AG ordinaire, ce qu’est une AG extraordinaire et de laquelle des deux relèvent les résolutions proposées
AVIS DE RÉUNION OU PRÉALABLE – AVIS DE CONVOCATION – ORDRE DU JOUR – DÉPOT DE RÉSOLUTIONS EXTERNES
L’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire ou mixte (AGO + AGE dans ce cas) va statuer sur l’ordre du jour. Un premier « avis de réunion » ou « avis préalable » est publié 35 jours avant la date de l’AG et comporte la date, l’heure et l’adresse ainsi que les résolutions présentées par le conseil, puis tout à la fin, les formalités à accomplir pour voter, envoyer des questions écrites, ainsi que la date limite fixée pour que les votes soient pris en compte. Il doit également être mentionné si le vote par Votaccess (vote en ligne ) est possible. Les résolutions mentionnées sont parfois très nombreuses surtout quand il faut voter des opérations financières sur le capital, principalement en cas d’offres publiques, d’augmentation de capital, de restructuration financières, lesquelles relèvent d’une AGE.
Mais attention, l’avis de réunion ou préalable peut être incomplet. Les résolutions n’y figurent pas forcément toutes et c’est parfois le piège. Celles qui ont été proposées par le Conseil d’administration y sont. Celles qui sont déposées par des actionnaires minoritaires n’y sont pas en général, car elles sont déposées plus tard.
En effet, dans le cas des grandes entreprises au capital social supérieur à 15 millions €, des actionnaires minoritaires qui possèdent 0,5 % du capital ou une association d’actionnaires qui aurait réuni plus d’1 % du capital (et jusqu’à 5 % quand la société est plus petite) peuvent déposer des résolutions à l’AG ou demander l’inscription d’un sujet à l’ordre du jour. Mais les formalités doivent être faites au plus tard 25 jours avant la tenue de l’AG.
Par conséquent, l’ordre du jour de l’AG n’est complet à coup sûr que dans l’avis de convocation (et non plus de réunion ou préalable) qui paraît 15 jours avant l’AG au Balo ou est publié sur le site de la société. Ce qui signifie qu’il ne faut pas s’en tenir à l’avis de réunion ou préalable pour remplir son bulletin de vote à distance, mais bien consulter l’avis de convocation disponible sur le site de la société ou sinon, la plupart du temps au Balo ( bulletin d’annonces légales) car lui seul mentionnera les numéros des « résolutions externes » sur lesquelles l’actionnaire doit aussi se prononcer.
Les « résolutions externes » sont les résolutions déposées par des actionnaires dit externes au conseil, elles ne font pas partie de celles proposées par le conseil. Elles sont le plus souvent « non agrées » par le conseil. Cela ne veut pas dire que le conseil a refusé de les inscrire à l’ordre du jour, mais qu’il n’est pas d’accord pour les voter. Il votera donc « contre » à l’AG notamment avec les pouvoirs en blanc qui sont adressés au Président.
Tout dépôt de résolution externe doit être accompagné d’une attestation d’inscription des actions détenues, en compte justifiant, à la date de la demande, de la possession ou de la représentation de la fraction du capital exigée par l’article R.225-71 précité, soit dans les comptes de titres nominatifs, soit dans les comptes de titres au porteur tenus par un intermédiaire habilité.
La demande d’inscription d’une résolution à l’ordre dujour doit être motivée, accompagnée du texte des projets de résolution, assortis d’un bref exposé des motifs. Lorsque le projet de résolution porte sur la présentation d’un candidat au Conseil d’administration, il est accompagné des renseignements prévus au 5° de l’article R.225-83 du Code de commerce. Conformément à l’article R.225-73-1 du Code de commerce. La société publiera, sans délai et au plus tard le 21ème jour précédant l’Assemblée Générale, sur son site Internet et au balo le texte définitif des projets de résolution présentés par les actionnaires et la liste des points ajoutés à l’ordre du jour à leur demande.
L’examen du point ou du projet de résolution par l’Assemblée Générale est toutefois subordonné à la transmission, par le ou les auteur(s) de la demande, d’une nouvelle attestation justifiant de l’inscription des titres dans les mêmes comptes au deuxième (2ème) jour ouvré précédant l’Assemblée Générale à 0h00.
Tout actionnaire qui souhaitera soutenir les résolutions dites externes des actionnaires engagés, devra voter en faveur de ces résolutions. Tout vote neutre, sera rangé du côté des votes contre, sauf dans les sociétés de droit européen ( voir plus bas).
Il est toujours préférable de s’abstenir d’envoyer des pouvoirs en blanc qui seront probablement rangés comme des votes contre par le Président du conseil, si celui-ci est opposé aux résolutions externes. Il est généralement possible, en cas de contestation de s’adresser à une association d’actionnaires individuels qui pourra le cas échéant, représenter l’actionnaire en AG, sur place. Encore faut-il s’assurer qu’elle vote en faveur des résolutions externes.
Mais ce n’est pas tout. L’ordre du jour de l’AG pourra encore être modifié en cours de séance si le conseil d’administration accepte de nouvelles résolutions, par exemple. Sous certaines conditions, celles-ci peuvent être présentées par un groupe d’actionnaires en AG ou selon, par un actionnaire quelconque.
Dans ce cas, un problème se pose : les votes par internet ou par correspondance envoyés préalablement ne peuvent participer au vote de ces nouvelles résolutions, sauf si cela a été mentionné dans le bulletin de participation par correspondance. C’est pourquoi lors d’assemblées conflictuelles, il est préférable de donner procuration à des personnes ou des associations qui voteront pour une cause déterminée. C’est aussi ce qui explique que les associations activistes préfèrent obtenir des procurations.
MAJORITÉ-MINORITÉ DE BLOCAGE
Contrairement à ce que l’on croit, quand le capital est très dispersé, il n’est pas impossible, en se regroupant, de s’opposer à des résolutions c’est ce qu’a montré l’AG historique de SoLocal Group du 19 octobre 2016 où des actionnaires regroupés ont réussi à s’opposer au plan de restructuration financière avec un peu plus de 10 % du capital.
Les résolutions de l’AGO requièrent une majorité de 50 % des voix des actionnaires présents ou représentés, pour être adoptées, celles relevant de l’AGE requièrent une majorité plus large, de plus des deux tiers des droits de vote ( ce qui prend en compte le fait que certains ont des droits de vote double, soit + de 66,66 %. Cette majorité se calcule sur le quorum c’est-à-dire par rapport au total des voix exprimées en AG. Il arrive ainsi qu’avec à peine plus de 10 % du capital, des actionnaires qui sont opposés à une résolution de l’AGE peuvent y faire obstacle si le quorum (votes représentés en AG) est de 30 %. C’est encore plus facile lorsque les grands actionnaires sont exclus du vote, parce que le vote concerne, par exemple, une convention réglementée.
Voilà aussi pourquoi on dit que dans une société, où un ou plusieurs actionnaires qui possèdent plus de 33,33 % du capital et votent ensemble, ils détiennent une minorité de blocage. Ils peuvent bloquer les résolutions qui relèvent de l’AGE et donc faire entendre leurs voix.
Une précision concernant les votes abstentionnistes. La loi a changé ces dernières années s’agissant des sociétés anonymes ou des sociétés en commandite de droit français. Celui qui s’abstient lors du vote d’une résolution ou qui en AG oublie de voter avec son boîtier, vote dans les faits contre la résolution en question.
Dans les sociétés anonymes ou les commandites, toute abstention s’apparente donc à un vote contre. Mais attention, ce n’est pas le cas dans les sociétés qui ont adopté le statut très en vogue de société européenne (SE). Cette modification des statuts proposée aux actionnaires qui votent souvent sans réfléchir, introduit des différences significatives. Dans une SE, le vote blanc est un vote vraiment neutre, il n’est pas pris en compte dans la base de calcul du score des résolutions, seuls les votes pour et contre, comptent. C’est comme si l’actionnaire ne votait pas du tout.
QUESTIONS ORALES- QUESTIONS ÉCRITES
DOCUMENTATION EN VUE DE L’ASSEMBLÉE
Que faut-il lire en priorité ? Faute de temps, on se contentera de la « brochure de convocation » que publient la plupart des grandes entreprises cotées. Dans les plus petites, il faudra épluchés un à un des documents qui sont souvent éparses. Les informations contenues dans la brochure de convocation quand elle existe, présentent les résolutions, la situation financière, l’exposé des motifs portant sur les résolutions, les rapports des commissaires aux comptes, la rémunération des dirigeants de l’exercice en cours ou encore la présentation des nouveaux administrateurs pour lesquels il faudra voter, les opérations sur le capital etc. On note cependant, que même dans les grandes entreprises, la brochure de convocation des AG 2018 ne contient pas forcément d’informations précises sur le Say on Pay ex ante (article L. 225-37-2 du Code de commerce) c’est à dire, la politique de rémunération des dirigeants. Elle renvoie souvent au document de référence qui est un passage de lecture obligé.
DONNER PROCURATION – VOTER PAR INTERNET OU PAR COURRIER – PARTICIPER A L’AG ET VOTER SUR PLACE
PAR VOTACCESS : Une vraie révolution s’est opérée ces dernières années en matière de participation au vote grâce à Internet, ce qui explique aussi que la population des actionnaires rajeunit. Grâce au système Votaccess que la plupart des intermédiaires proposent ( bien se renseigner auparavant), il faut quelques minutes pour les démarches, là où auparavant, il fallait des échanges de courriers interminables. Généralement un petit icône sur lequel est inscrit « votaccess » apparait au niveau de la ligne d’actions concernée dans la rubrique « détail de votre portefeuille » sur le compte titre ou le PEA en ligne. Il suffit de cliquer et de suivre les instructions.
VOTE, PROCURATION OU CARTE D’ADMISSION PAR CORRESPONDANCE – Si la procédure via Votaccess est très simple, il ne faut pas sous estimer les difficultés et les délais des démarches lorsqu’elles s’effectuent par courrier. Les documents ( bulletin de vote en AG) pour faire ces démarches ne sont envoyés en général que 15 jours avant l’AG et ils doivent être retournés minimum 3 ou 4 jours ouvrés avant l’AG pour être traités à temps. Cela nécessite donc de procéder rapidement et sans se tromper donc de remplir attentivement les cases. Pour que ce soit valable, l’actionnaire devra toujours détenir les actions deux jours avant la date de l’AG.
Pour voter par correspondance, recevoir une carte d’admission à l’AG si on veut y participer ou donner procuration à un tiers, il faut demander par mail ou courrier un bulletin de vote à la société ( service actionnaires) ou bien le télécharger sur le site Internet de celle-ci ( parfois il est inclut dans la brochure de convocation). Il sert à toutes les démarches à la fois.
Une fois rempli ce bulletin sera à adresser très vite à l’intermédiaire financier qui se chargera de joindre l’attestation de détention des actions qu’il a en compte, puis de renvoyer le tout à l’établissement spécialisé qui gère la présence aux AG. Le nom et l’adresse de ce dernier figurent sur l’avis de convocation ainsi que sur le bulletin de vote. Il est aussi conseillé de bien se référer à l’avis de réunion publié au Balo qui donne les instructions précises concernant les délais notamment.
Dans le cas où il s’agit de donner procuration. On peut, à titre d’exemple, lire l’article publié par l’association RegroupementPPLOCAL qui explique comment remplir un bulletin de vote pour donner procuration par correspondance. C’est simplement un exemple et il est évident que le bulletin est différent pour chaque AG et qu’on indiquera le nom du tiers que l’on souhaite désigner.
Attention ! Une procédure en annule une autre. Si vous avez utilisé Votaccess, ne doublez pas vos démarches par courrier ou par mail, et vice-versa. Si vous avez voté par internet ou par correspondance, vous ne pouvez plus voter en AG. Si vous avez décidé de participer à l’AG et que vous n’êtes pas présent, les votes sont perdus.
Notez bien que dans tous les cas, le vote par Votaccess, lorsque l’émetteur y a souscrit, est préférable et plus rapide. On ne peut donc que conseiller de loger son compte titre et son PEA chez une banque ou un courtier en ligne qui propose aussi systématiquement que possible le système Votaccess. Malheureusement jusqu’à présent, on constate que Fortuneo et Binck sont les intermédiaires qui ne s’y astreignent pas. Dommage car s’il était généralisé, le système Votaccess (qui coûte cher pour les petites entreprises cotées) pourrait donner un sacré coup d’accélérateur à l’engagement actionnarial. Reste à espérer qu’un jour ou l’autre, l’Autorité des marchés financiers (AMF) y veillera.