Moonstone : une proposition fumeuse aux actionnaires d’Hybrigenics

Qui veut encore jouer à la biotech avec Hybrigenics ? Nous avons raconté l’histoire de la  déconfiture de cette société en phase terminale dans nos précédents articles « Hybrigenics : première dissolution en Bourse d’une biotech in bonis » et « AG Hybrigenics : des questions en suspens autour de la dissolution ».  Mais avec ce type d’entreprises porteuses de tous les espoirs de santé et de guérison, les actionnaires qui, bien souvent, se retrouvent piégés au capital², n’en ont jamais fini.

Alors que la dissolution à l’amiable d’Hybrigenics doit être votée en AG le 20 décembre prochain, un soit-disant fonds d’investissement est sorti du bois avec un projet abracadabrant. Il propose à Hybrigenics de lui greffer une activité de service et un paquet de dettes. Ce vague espoir de survie a ressuscité la pauvre « penny stock ». Elle cotait 5,4 centimes € le 1er décembre 2018. Une semaine plus tard, son cours avait doublé.

Pourtant à y regarder de près, l’opération annoncée par le fonds qui se fait appeler Moonstone Investments est pour le moins fumeuse. Pour commencer, il n’existe pas de « Moonstone Investments » sous le numéro de registre du commerce néerlandais mentionné sur le communiqué évoquant la proposition et diffusé le 3 décembre dans le soirée. Les coordonnées suivantes y figuraient : Moonstone Investments  – B.V. Herengracht 282, 1016BX Amsterdam – Trade register 70367035. Après vérification, ce sont celles de la société Royal Hammersmith BV.

« Moonstone Investments est une société de droit néerlandais contrôlée et détenue à 99%, directement et indirectement par M. Frédéric Amar. M. Frédéric Amar est titulaire d’un diplôme en cristallographie et en pharmacie. M. Frédéric Amar, entrepreneur à succès dans le domaine des télécommunications et des biotechnologies, a rejoint la société Esperite N.V., cotée à Amsterdam et Paris, dont il est l’actuel Chief Executive Officer, et qui est spécialisée dans la médecine régénérative et de précision. » indique pourtant le communiqué diffusé sur Internet via Zonebourse.com

Accéder rapidement à une cotation en Bourse

Joint à Zurich, l’initiateur de la proposition qui avait mentionné son numéro de téléphone par mail, était peu enclin à justifier de l’existence de sa société. Il expliquera néanmoins que les activités de services apportées à Hybrigenics seraient proches de celles de la biotech française à ses débuts. Il s’agirait de stockage de cellules souches du cordon ombilical, de tests prénatals d’ADN et de la recherche « exozone et microvésicule » (!), affirme l’intéressé. « Ces activités seront bénéficiaires car l’activité évoluera dans un domaine de technologie récente avec une grande demande qui va permettre d’automatiser la production » assure encore cet interlocuteur qui reste extrèmement vague.

Quelle motivation dans la reprise d’Hybrigenics, pour celui qui dit diriger également la biotech belge Esperite ?  Il serait tombé par hasard sur le communiqué de presse  concernant l’étude de futilité et y aurait vu une opportunité. « Notre projet est en démarrage, l’idée est d’accéder à des pertes reportables fiscalement et à une cotation en Bourse dans un espace de temps assez court  » dit-il tout en assurant qu’il n’est pas certain d’obtenir le « bénéfice fiscal » des pertes reportables. Il aurait rencontrer le PDG Rémi Delansorne et un administrateur belge d’Hybrigenics en novembre pour leur proposer le deal puis aurait rédigé une offre sans avoir d’informations particulières et sans signer d’accord de confidentialité avec la biotech. Les conditions suspensives s’il y avait un accord ? « Fairness opinion, approbation de l’AMF et vote en AG « . Il précise qu’Hybrigenics aurait à sa tête un patron jeune, dynamique qui offrirait la transparence qui n’existe pas, et un financement.

Vendre à Hybrigenics une activité qui n’a pas encore démarré

Telle que présentée, la proposition de Moonstone Investments ne justifie en rien les promesses de crédibilité et de création de valeur qui figurent en tête du communiqué. Mais le marché Euronext Growth reste peu surveillé. C’est un peu le Far West. Les actionnaires qui s’y aventurent doivent être bien armés. Ceux qui ont déjà tout perdu, restent à la merci des marchands de santé et de jeunesse éternelle.

A son bilan de liquidation clôturé au 30 juin dernier, Hybrigenics comptait zéro dette et 0,4 millions € de capitaux propres¹. La proposition du fonds fantôme Moonstone obligerait la biotech à lever 8,8 millions € de dettes et/ou de capital dont 2,8 millions € que Moonstone se ferait fort d’apporter contre des obligations convertibles. Le fonds pourrait ainsi vendre à Hybrigenics une activité qu’il va bientôt démarrer, valorisée à 5,2 millions € sur un tableur Excel. L’équivalent de 2,4 M € seraient payés  en actions et le reste en cash (financé par les OC souscrites !). Les actionnaires d’Hybrigenics déjà ruinés abandonneraient pour commencer entre 50 % et 70 % de leur part au capital sur la base d’un cours de 5,2 centimes par action.

Le patron d’Hybrigenics accorde une certaine crédibilité à cette proposition puisque le  5 décembre, il publiait un communiqué pour demander des précisions sur le deal proposé par Moonstone. Rémi Delansorne y indiquait d’ailleurs qu’il comptait discuter du projet en AG le 20 décembre prochain avec ses actionnaires.

La proposition a pourtant tout d’un leurre, en attendant peut-être une autre offre plus sérieuse. Elle présente, entre autres, l’intérêt de détourner l’attention des critiques que rencontre le PDG d’Hybrigenics. Il doit faire face à des actionnaires furieux qui n’excluent pas une action en justice et ont entrepris de se regrouper³. Douchés, lorsqu’ils ont réalisé, le 23 octobre dernier que les essais cliniques sur l’inécalcitol, ne donnaient rien et qu’un an plus tôt, la société avait été vidée de ses activités de service par la porte de derrière, ils contestent la vente (à crédit) de ces activités au management, pour une bouchée de pain, dans des conditions discutables et avec au final un impayé de 0,3 million € et un complément de prix non réglé de 0,2 millions €.

¹ Hybrigenics indique dans son communiqué que certains leviers supplémentaires pourraient se matérialiser dans les deux prochaines années mais restent soumis à des aléas qu’Hybrigenics ne maîtrise pas : versement d’une subvention de recherche par l’Agence Nationale de la Recherche pour un montant de 148 K€ en 2019, obtention du prochain paiement d’étape dans le développement d’un inhibiteur d’USP par Servier pour une valeur de 2 M€ à partir de 2020, vente ou octroi de licence de brevets d’inhibiteurs d’USP, vente ou octroi de licence des brevets protégeant l’inécalcitol. La position de trésorerie d’Hybrigenics s’élevait à 3,1 millions d’euros au 31 octobre 2018.

² Nombreux sont ceux qui ont investi à la faveur des économies d’impôt et d’ISF qu’on leur faisait miroiter, lesquels nécessitent de garder les actions sur une longue période. 

³ Pour participer au regroupement, il est possible de leur adresser un mail à recourshybrigenics@orange.fr