Gouvernance et rémunérations : Proxinvest affine sa politique de vote

Proxinvest qui a fait campagne pour calmer le jeu face à l’envolée des rémunérations des mandataires sociaux, va affiner sa politique de vote aux assemblées générales 2018. Si ses recommandations sont suivies par les actionnaires, elles encourageront les bonnes pratiques de gouvernance des grandes sociétés cotées, capables d’éviter autant que possible, les mauvaises surprises en Bourse.

En 2017, d’une façon générale, les taux d’approbation des actionnaires sur rémunérations des dirigeants pour l’année en cours ( vote contraignant ex ante mis en place par la Loi Sapin II) sont restés globalement staliniens à l’instar des votes consultatifs ( dit ex post) des années précédentes,  « ces taux ne reflètent pas toujours la contestation des minoritaires » relève pourtant Jehanne Leroy, auteure du rapport sur les principes de gouvernement d’entreprise que publie régulièrement Proxinvest.

Pour les sociétés du SBF120, l’analyste de la société de conseil en vote a relevé seulement 4 % de votes négatifs pour ce qu’on peut qualifier de Say on Pay ex ante¹ des présidents (du conseil d’administration ou du conseil de surveillance) et un peu plus de 13  % de votes non favorables pour le Say on Pay ex ante des CEO ( Chief Executive Officer en anglais,  DG , PDG ou Président du directoire en français). S’il n’y a pas eu de rejet de la part des actionnaires pour le vote ex ante ¹, ce qui peut conforter les directions, Proxinvest a mis en exergue certains scores qui méritent que les membres des comités de rémunération des entreprises citées se réveillent et corrigent le tir.

Say on Pay : des votes en AG moins consensuels qu’il n’y parait

Dans les grandes entreprises où le capital est peu ou pas verrouillé, les scores les moins élevés reflètent l’existence d’une contestation. Concernant les présidents, chez  Teleperformance, le vote du Say on Pay de Daniel Julien qui n’est pas près de quitter son poste, est passé de justesse (47 % de contestation ou d’abstentions), celui de Ross McInness chez Safran où est intervenu l’activiste TCI a obtenu  34 % de votes négatif ou neutre. La contestation a été également franche chez SQLI (Roland Fitoussi,  29%), chez Selectirente où intervenait Colette Neuville de l’Adam (Christian Flammarion, 26 % ) et chez la biotech du SBF120 Innate Pharma qui vient de s’effondrer en Bourse (Hervé Brailly, 20 % ).

Même opposition d’un volant important d’ actionnaires au Say on Pay ex ante ¹ du PDG  d’Atos, Thierry Breton ( 47 % de contestation ou d’abstention), du PDG de Renault Georges Ghosn ( 46 %), du PDG de Thales, Patrice Caine dont le fixe s’est envolé ( 43 %), du DG de  Safran Philippe Petitcolin ( 35 %), du DG de Teleperformance (30 % pour Paulo César Salles Vasques qui a quitté l’entreprise en octobre), ou du DG de SoLocal  ( 30 % pour Jean-Pierre Rémy qui a, lui aussi, quitté son poste).

Les rémunérations contestées pour montants excessifs mais pas que…

La contestation n’apparait peut-être pas au premier coup d’oeil dans les grandes sociétés familiales cotées, mais elle est bien présente du côté des minoritaires.  Chaque année, Proxinvest fait un calcul instructif des scores, en ne tenant pas compte des voix exprimées par les actionnaires majoritaires. A titre d’exemple ( non exhaustif) Proxinvest relève que les dirigeants d’au moins 8 sociétés familiales auraient vu leur rémunération ex ante refusées en 2017, si les majoritaires qui contrôlent le conseil et donc les rémunérations n’avaient pas été autorisés à voter. Les Say on Pay ex ante des équipes dirigeantes de JC Decaux, de SFR/Altice, de Bic, de Dassault Aviation, d’Illiad, de Plastic Omnium ou encore Bernard Charles,  DG de Dassault Systèmes ou David Meek, nouveau DG d’Ipsen, auraient été rejetés.

La contestation est due souvent à des montants de rémunération excessives soulignées par Proxinvest, mais liée aussi assez souvent, semble-t-il, à des problèmes de fonds de gouvernance comme par exemple un rejet par les investisseurs du principe des droits de vote doubles. Ils sont en effet très fréquents dans les sociétés familiales ou les sociétés présidées par un fondateur.

Le flou sur les montants promis en 2018 ne passe pas

D’une façon générale Proxinvest relève aussi que la contestation a été forte également dans 8 sociétés du SBF 120 qui ont tracé des grandes lignes de rémunération pour 2017 sans en indiquer le montant. Un flou que les minoritaires n’acceptent pas. La structure de rémunération est également un facteur qui compte et qui explique parfois les votes contestataires.  Proxinvest regrette que  60 % des politiques de rémunération accordent trop peu de place au long terme. Enfin, le manque de réaction du conseil à un vote du Say on Pay ex post négatif comme ce fut le cas chez Atos en 2016, est très mal vu des investisseurs et expliquerait le mauvais score de Thierry Breton en 2017.

Empreinte carbone et risque systémique apparaissent dans les critères de performance recommandés

D’une façon générale Proxinvest a affiné sa politique de vote 2018 qui sera validée par son conseil de surveillance et bientôt mise en ligne. Il tiendra un peu plus compte des performances des dirigeants pour suggérer aux investisseurs, un vote en faveur de leur renouvellement. Il s’agit de considérer les performances financières relatives de la société en question mais, fait nouveau, également certaines performances ESG.

Ces performances en matière de réduction de l’empreinte carbone ou de réduction du risque systémique pour les banques, font également leur apparition dans la politique de vote du conseil aux investisseurs, qui souhaiterait à présent qu’elles soient également incluses dans les critères de performance des rémunérations patronales.

Proxinvest propose de simplifier et de faire évoluer la structure de rémunération

La politique de vote de Proxinvest sur les rémunérations ( Loi Sapin II) des dirigeants devrait d’ailleurs être progressivement infléchie afin de favoriser davantage les rémunérations de long terme et en vue de mettre fin aux bonus annuels qui encouragent les politiques court-termistes. Proxinvest introduit également un changement dans sa politique de vote en ce qui concerne le plafond des retraites chapeau. La société de conseil recommandera un vote positif  si le plafond annuel de la retraite versée représente moins de 450 000 € annuels et non plus 30 % du salaire de référence, un seuil paradoxal qui pénalisait les dirigeants les moins payés au départ.

Vote pour ou contre les administrateurs : Proxinvest introduit beaucoup plus de nuances 

Des changements  concernant les mandats d’administrateurs sont également mis en place. Fort de l’expérience Ubisoft qui a refusé d’accueillir Vivendi à son conseil, Proxinvest prévoit des recommandations de vote négatifs lorsqu’il s’agit de faire rentrer un concurrent au conseil s’il n’existe pas de partenariat entre les deux sociétés. Les recommandations du proxy seront positives pour le renouvellement d’administrateurs  qui s’engagent publiquement à modifier des pratiques contestées. En revanche, s’agissant du mandat des présidents de comités de rémunération au sein du conseil, Proxinvest conseillera de s’opposer à leur renouvellement en AG si le comité des rémunérations a fait la sourde oreille et n’a pas tenu compte de la contestation des actionnaires ( 20 % de voix exprimées contre un Say on Pay) . Une mesure qui peut s’avérer efficace à la longue.

En ce qui concerne le renouvellement des fondateurs à des postes de Président ou de DG, ou encore en ce qui concerne l’indépendance des administrateurs, de nouvelles règles sont également fixées. Le conseil en vote se montrera favorable au renouvellement des mandataires sociaux  fondateurs si le conseil est composé en majorité d’administrateurs indépendants,  s’ils ont opté pour le droit de vote simple et refusé le droit de vote double dans leurs statuts,  ou s’ils ne s’accordent pas d’avantages indus. Quant aux administrateurs, s’ils ont 10 % du capital dans une société contrôlée par des actionnaires auxquels ils ne sont pas liés, ils pourront être considérés comme indépendants par Proxinvest qui en tiendra compte dans ses recommandations de vote au regard de leur indépendance et de la diversité, ce qui risque de changer la donne.

¹ Les Say on Pay ex-ante concernent les votes sur les rémunérations des mandataires sociaux à venir ( Ex ante, Loi Sapin II appliquée en 2017). Les conseil d’administration sont obligés d’en tenir compte et de réviser leur copie si plus de 50 % des actionnaires votent contre. Il ne s’assagit pas des votes sur les rémunérations passées de 2016 qui eux n’étaient cette année encore que consultatifs . Dans le cas d’ un rejet des actionnaires en AG , ce vote était non contraignant ce qui signifie que la loi n’obligeait pas le conseil à revoir sa copie. Ceci  explique qu’on ne retrouve pas dans la liste,  la contestation sur le Say on Pay non contraignant de 2016 du PDG  Benoît Potier (AirLiquide voté avec 42 % de contestation), ni le rejet du Say on Pay non contraignant sur la rémunération de 2016 de Philippe Salle ( EliorGroup avec 63 % de rejets).

Retrouvez ici :

Les nouveautés dans la politique de vote 2018 de Proxinvest

Le rappel de la politique de vote 2017 de Proxinvest

Le point sur les résolutions rejetées dans les AG 2017- source Proxinvest