Bienvenue dans un monde où les dirigeants empruntent à volonté, où les financiers prêtent à tir larigot, où les actionnaires sont là pour recapitaliser et où l’Etat finance des délocalisations massives !
La très forte dilution
Alors que les actionnaires de Vallourec avaient des raisons d’être très en colère, le 6 avril dernier, en assemblée générale, Philippe Crouzet a réussi à retourner la situation à son avantage. Malgré la baisse de plus de 70 % du cours de l’action en l’espace d’un an, le président du directoire qui expliquait encore en novembre dernier que Vallourec n’avait pas besoin d’augmenter son capital, à fait voter à la quasi unanimité deux émissions d’obligations remboursables en actions et une augmentation de capital, soit un total de 1 milliard €. Le tout entrainera une dilution collossale pour les actionnaires. L’actif net par action va passer de 22,73 € à 9,03 €, et si Vallourec renoue avec les bénéfices, la part des actions entre les mains des actionnaires étant divisée par 3, ils toucheront trois fois moins de dividendes.
En revanche ces opérations vont donner à Vallourec et à son équipe dirigeante – qui a déjà réussi à perdre en deux ans la bagatelle de 1,8 milliard € -, les moyens d’absorber de nouvelles pertes à venir tout en continuant à financer un plan stratégique, qui pourrait ressembler fort à une fuite en avant !
La fascination du rebond salvateur
Il ne fait aucun doute que Philippe Crouzet a un talent incontestable de magicien. Celui qui a réussi à faire renouveler son mandat à l’insu du ministre Emmanuel Macron, à soutirer à l’Etat français 260 millions € et à endormir les craintes de ses actionnaires, est aussi l’époux de Sylvie Hubac, l’ancienne directrice de cabinet de François Hollande. Selon les mauvaises langues, sa proximité avec le président de la République lui aurait permis, de sortir de plusieurs lapins de son chapeau.
Ce grand illusionniste qui n’a pas vu venir le retournement de cycle de l’acier et du pétrole, mais n’a pas cessé d’évoquer en AG « le rebond qui va finir par se produire » ou « la perspective dès 2017 d’un rééquilibrage de l’offre et de la demande », est en train de faire les poches des actionnaires. Les opérations en cours vont remplir les caisses de Vallourec et fin mai, si tout se passe bien, le président du directoire disposera de 3,2 milliards € supplémentaires pour attendre la fin du cycle et achever ses projets de délocalisation en Chine et au Brésil. Et le tour sera joué.
3,2 milliards pour éponger les pertes et délocaliser
Le 6 avril dernier, lorsqu’un actionnaire prend la parole pour signaler des surcapacités de production de 80 % chez Vallourec aux Etats-Unis, sur lesquelles Philippe Crouzet se garde bien de braquer les projecteurs, lorsqu’il suggère que dépenser 175 millions $ pour une usine en Chine est peut-être excessif ou qu’il faut craindre la nationalisation du client Petrobras (100 milliards $ de dettes), Philippe Crouzet ne se laisse pas démonter.
L’ augmentation de capital en cours ( 480 millions €), les deux émissions d’obligations remboursables en actions souscrites par Nippon Steel et la Banque publique d’investissement ( 389 millions pour la tranche A et 125 millions pour la tranche B) ne serviront pas à rembourser une partie des 1,8 milliard de dettes de Vallourec classées dans la catégorie junk bonds par Standard & Poors. Au besoin, les banquiers seront même là pour accorder une rallonge : ils s’apprêtent à débloquer un nouvel emprunt bancaire ( 530 millions €) et Vallourec pourra tirer sur ses lignes de crédit ( 1,8 milliard €). Si dans deux ans les clignotants passent de nouveau au rouge ( le ratio dettes/fonds propres doit rester inférieur à 75 %), les actionnaires n’auront qu’à remettre au pot.
Une bonne tournée d’actions gratuites et un parachute doré
En attendant, l’équipe dirigeante affiche une grande sérénité. Le directoire a poussé le bouchon jusqu’à se faire voter en AG une bonne tournée d’actions gratuites (1,5 % du capital) qu’il partagera avec le personnel. Philippe Crouzet a conquis son auditoire en annonçant qu’il renonçait à ses rémunérations variables, toutefois, le président du Directoire s’est fait voter un joli parachute doré au cas où les affaires se gâtent… A moins d’un mouvement de mauvaise humeur du conseil de surveillance, le mandat de Président du Directoire de Philippe Crouzet ne se terminera qu’en 2020.
Pour ceux qui auraient encore envie de souscrire à l’augmentation de capital de Vallourec ou qui préfèreraient vendre leurs droits de souscription, nous publions ci-dessous les détails de l’opération.
Les modalités et le calendrier de l’augmentation de capital de Vallourec (avril 2016)
6 avril 2016 : Assemblée générale des actionnaires
7 avril 2016 : Visa de l’AMF sur le prospectus (retrouvez les informations sur le site de Vallourec)
8 avril 2016 : Diffusion d’un communiqué de presse de la Société décrivant les principales caractéristiques de l’augmentation de capital avec maintien du DPS et les modalités de mise à disposition du Prospectus. Diffusion par Euronext Paris de l’avis d’émission relatif à l’augmentation de capital avec maintien du DPS.
Seuls les actionnaires qui détiennent des actions Vallourec à la date du 8 avril 2016 peuvent se voir attribuer des droits préférentiels de souscription et souscrire à l’augmentation de capital.
11 avril 2016 : Ouverture de la période de souscription. Début de la cotation des droits préférentiels de souscription.
Avant l’augmentation de capital, le nombre d’actions Vallourec est de 135,7 millions d’actions de 2 € de nominal. Les obligations remboursables en actions vont conduire à la création de 171 millions actions nouvelles ( tranche A) plus 56,5 millions ( tranche B). L’augmentation de capital conduira à la création de 217,1 millions actions supplémentaires, elle rapportera 480 millions € dont 34 millions serviront à payer les dépenses liées à l’opération.
Les conditions de l’augmentation de capital sont les suivantes : les actionnaires ont droit à 1 droit de souscription pour chaque action détenue le 8 avril. Ils peuvent soit les vendre, soit s’en servir pour souscrire à l’augmentation de capital. Dans ce cas, chaque paquet de 5 droits de souscription donnera le droit de souscrire à 8 actions nouvelles à 2,21 € l’unité. Le minimum de souscription est de 8 actions. Pour souscrire, il faut en faire la demande auprès de son intermédiaire financier. En cas de détention d’un nombre d’actions qui ne serait pas un multiple de 5, aucun traitement spécifique n’est prévu pour ce qu’on appelle les rompus. Les droits préférentiels de souscription formant rompus pourront être cédés sur Euronext Paris pendant la période de souscription, ce qui compte tenu des frais, semble peu intéressant.
Pour celui qui ne souhaite pas souscrire à l’augmentation de capital, il est impératif de vendre ses droits de souscription ( sous réserve que les frais de Bourse ne soient pas supérieurs à la valeur des droits). Le DPS est coté sur Euronext Paris sous le code FR0013144326. La valeur théorique du droit préférentiel de souscription était, à titre indicatif, dans le prospectus de 2,28 € (sur la base du cours de clôture de l’action Vallourec le 6 avril 2016, soit 5,92 €). La valeur du droit varie en permanence, elle est liée en principe à la valeur de l’action Vallourec qui reste cotée ( hors droit). Elle peut se calculer à l’aide de la formule suivante : DPS = 1,6 (VK-2,21).
22 avril 2016 à l’issue de la séance de bourse : clôture de la période de souscription – les droits de souscription ne valent plus rien.
25 avril 2016 : radiation des droits de souscription
26 avril 2016 : règlement / livraison des droits préférentiels de souscription
29/04/2016 : Diffusion d’un communiqué de presse de la société annonçant le résultat des souscriptions de l’augmentation de capital
Les résultats sont les suivants : Le montant final brut de l’opération s’élève à 479 794 288,48 euros et se traduit par la création de 217 101 488 actions nouvelles. La demande totale s’est élevée à environ 766 millions d’euros, correspondant à un taux de souscription d’environ 160%. 209 977 360 actions nouvelles ont été souscrites à titre irréductible représentant environ 96,7% des actions nouvelles à émettre. La demande à titre réductible a porté sur 136 451 465 actions nouvelles. La demande à titre réductible ne sera donc que partiellement allouée à hauteur de 7 124 128 actions nouvelles (représentant 3,3% des actions nouvelles à émettre) qui seront réparties entre les souscripteurs à titre réductible selon le coefficient de 0,14316291595 calculé sur le nombre de droits appuyant la souscription faite à titre irréductible sans tenir compte des fractions et sans que l’attribution puisse être supérieure à la quantité d’actions demandées à titre réductible.
3 mai 2016 : Emission des actions nouvelles provenant de l’augmentation de capital – Règlement livraison des actions nouvelles- Admission des actions nouvelles provenant de l’augmentation de capital aux négociations sur Euronext Paris.
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