Fiscalité des actions : la France change de modèle et mise sur le capital

Le projet de loi de finances 2018 prévoit une fiscalité des actions plus incitative pour les détenteurs de gros portefeuilles. Le gouvernement crée des conditions favorables à un nouveau programme de cessions/privatisations pour financer les investissements. 

On ne pourra pas reprocher à Emmanuel Macron son incohérence en matière de fiscalité. L’ex-banquier d’affaires devenu président de la République s’attache à alléger les revenus de l’épargne investie en actions par les hauts revenus et les français les plus fortunés. Il faut pouvoir à l’avenir lever du capital en cédant des actifs de l’Etat qui détient environ 100 milliards € dans les entreprises.  Le ministre de l’Economie et des Finances a confirmé en présentant le PLF 2018, que l’idée de conduire un programme de privatisations grand public, était « intéressante » et qu’elle était « à l’étude ». Selon Bruno Le Maire, cette idée rejoint le choix politique du gouvernement qui consiste à transformer l’économie française et à faire en sorte que cette transformation, « y compris les cessions d’actifs » a-t-il précisé, profite à tous les français.

Encore faut-il s’assurer que les capitaux capables de financer les cessions d’actifs par l’Etat, seront bien au RDV. Avec le PLF 2018, le gouvernement veut donc faire revenir en France, l’argent des riches évadés fiscaux ou exilés à l’étranger. Il veut également amener la sphère financière à se relocaliser à Paris avec ses wagons de traders capables de prendre tous les risques pourvu que les bonus ne soient pas banis.  Le PLF 2018 promet donc une fiscalité des actions peu agressive pour les gros portefeuilles, allègera la taxe sur les salaires payés par les banques et laissera tomber le projet de taxer les transactions financières intraday ( acheté/vendu dans la journée). Le candidat président qui a été « draguer » à Londres, ou à Bruxelles les sympathisants « marcheurs » pour mener sa campagne des présidentielles, reste donc parfaitement cohérent.

Et on ne le prendra pas en défaut non plus, sur la question du développement de fonds de pension en France. Le gouvernement a décidé de ne pas toucher à la fiscalité de l’épargne salariale. Cette épargne d’entreprise qui bénéficie aux salariés comme aux mandataires sociaux, et reste une poche intéressante pour les cessions d’actifs de l’Etat, restera par conséquent la moins fiscalisée en France (17,2 % seulement à la sortie sur les plus-values) avec une durée de détention maintenue à 5 ans.

La fameuse « théorie du ruissellement » qui laisse espérer que l’argent ainsi redistribué aux plus fortunés servira à irriguer l’économie au profit des plus pauvres, sert quant à elle d’alibi politique. La réalité est bien plus prosaïque : le pays est surendetté,  sur le fil du rasoir et le budget de la France ne permet pas à l’heure actuelle, de financer les investissements : il faut donc faire revenir en France, la Finance et le capital, pour poursuivre autant que possible les mutations technologiques et préparer l’avenir.

Le PLF 2018 entrera en discussion à l’Assemblée nationale à la mi-octobre et pourra donc comporter des amendements. Voici pour l’instant, la liste des mesures fiscales proposées pour alléger la fiscalité des actions et distribuer des « incentives » à la sphère financière.

Impôt sur la fortune : la fin de l’ISF en actions

Cet impôt très critiqué sur les patrimoines de plus de 1,3 million € ne s’appliquera plus aux actions, les portefeuilles ne devront plus être déclarés, ils sortiront de la base imposable. Un effort non négligeable pour le budget de l’Etat puisqu’il se chiffre en milliards €. Il a une autre conséquence : les sociétés financières comme Truffle Capital, qui faisaient leurs choux gras grâce au dispositif de l’ISF-PME vont devoir se reconvertir. L’ISF-PME qui permettait à des contribuables soumis à l’ISF de déduire 50 % du montant de leurs investissements dans des PME dans la limite de 45.000 euros, sera enterré le 1er janvier 2018.

PEA : à la sortie les revenus du capital un peu plus taxés

Pour les  revenus du capital des titres détenus sur un PEA, toujours pas d’imposition sur les plus-values réalisées ou les dividendes versés dans un PEA tant que les fonds restent investis (au-delà de 8 ans). En revanche, lors du retrait, pour les revenus encaissés à compter de 2018, la CSG s’appliquera, au taux de 17,2 % contre 15,5 % précédemment.

Plus-values sur actions : retour à une taxation modérée pour les gros portefeuilles

Pour les résidents français fortunés, la taxation des plus-values sur actions hors PEA, atteignait 45 % de celle-ci plus la taxe exceptionnelle sur le revenu de 1 à 4 % selon le revenu fiscal dès lors qu’il était supérieur à 250 000 €  soit pour les hauts revenus 49 % auxquels s’ajoutaient les 15,5 % de CSG.  Au total, il fallait payer près de 65 % ! Insupportable évidemment et dissuasif. L’imposition sera remplacée par un prélèvement forfaitaire unique de 30 %. Les contribuables  très faiblement ou non imposés pourront toujours opter pour l’imposition au titre l’impôt sur le revenu, ils paieront cependant en plus les prélèvements sociaux portés à 17,2%.

Dividendes : la suppression de l’abattement de 40 %compensé par la flat tax

Hors PEA, les dividendes sur actions détenues sur les comptes titres  seront imposés comme les plus values et supporteront la flat tax de 30 % à défaut d’opter pour l’impôt sur le revenu et la CSG à 17,2 %, mais  l’abattement de 40% serait supprimé. Ce qui ne devrait pas avoir un impact très significatif car soit on est un petit rentier et le PEA permet une imposition modeste. Soit on est très fortuné et donc imposable sur les tranches élevées de l’impôt sur le revenu et dans ce cas, la flat tax présentera alors un avantage supérieur à la suppression de l’abattement.

Actions gratuites : taxation modérée pour les hauts revenus

S’agissant de l’imposition de la plus-value d’acquisition des actions de performance par les salariés ou les dirigeants, mode de rémunération qui a connu, grâce à loi Macron un succès considérable. La fiscalité de la plus-value de cession (différence entre le prix au jour de la décision d’attribution des actions gratuites et le prix à la date d’attribution) resterait soumise à l’impôt sur le revenu comme toute autre rémunération. Mais à la revente, la plus value serait éligible (sur option) à la flat tax de 30 % ce qui est particulièrement intéressant pour les contribuables surimposés. Cerise sur le gâteau, le taux de 30 % s’appliquerait qu’elles soient ou non revendues avant un an (précédemment, l’imposition bénéficiait d’un abattement de 50 % au bout d’un an). Quant au dispositif permettant d’appliquer l’ancien régime des plus-values seulement à raison de 300 000 euros d’acquisition par an, il serait caduc. A noter toutefois que le régime des plus-values à très long terme ( détention au bout de huit ans), plus favorable, disparaîtrait.

Taxe sur les salaires : un clin d’œil aux banques et aux traders

Cela fait des dizaines d’années que les banques réclament la suppression de la taxe sur les salaires, mais en 2012, c’est au contraire une nouvelle tranche plus élevée, destinée à encourager la modération salariale et à endiguer l’hémorragie des bonus, qui a été instaurée. Pour les rémunérations qui dépassaient 152 279 €  brut annuel, la taxe atteignait 20 %. Cette taxe sur les salaires était payée principalement par le secteur financier. Elle était pour le Trésor une sorte de « compensation » sachant qu’une bonne partie des facturations des banques, à savoir les revenus provenant des taux d’intérêt, sont exonérées de TVA.  Sous prétexte d’attirer les financiers londoniens, la taxe sur les salaires pourrait être allégée avec la suppression de sa quatrième et dernière tranche. Au delà de 152 279 €, si ce seuil est maintenu, on reviendrait donc à une taxation des salaires à hauteur de 13,6 %.

Taxe sur les transactions financières : pas de frein à la spéculation intraday

Le projet de loi de finance 2017 avait fait une concession aux frondeurs avec le projet d’étendre à compter de 2017,  la taxe sur les transactions financières (0,3 % de la transaction) aux allers-retours en Bourse dans la journée. Cette extension devrait être abandonnée dans le PLF 2018.

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