Nokia gâte le PDG d’Alcatel, Philippe Camus

Fin de carrière piteuse ou jackpot ? Tout dépend du regard que l’on porte sur le parcours de Philippe Camus à la tête d’Alcatel-Lucent. L’ancien directeur général d’Airbus, devenu Président de l’équipementier français n’a pas réussi à préserver l’indépendance de son groupe malgré les dizaines de milliers d’emplois supprimés. Philippe Camus a lui même négocié la vente d’Alcatel sur la base de 0,55 action Nokia pour 1 action Alcatel-Lucent. L’avenir dira si le prix payé est suffisant mais en attendant pour l’industrie française des télécoms, c’est la Bérézina.

A titre personnel, c’est une autre histoire. Philippe Camus qui touche déjà une plantureuse retraite après 30 ans passés dans le groupe Lagardère, n’a pas fait une mauvaise affaire au plan financier. Alcatel Lucent, repris en main par le finlandais ces jours-ci, va lui verser plus de 3 millions € en 2016.

Nokia se félicite d’avoir eu dans la place, un dirigeant aussi bien intentionné à son égard. Le finlandais a donc accepté de maintenir Philippe Camus en poste, ce qui va lui permettre de toucher ses primes de 2012 et 2014, plus un bonus exceptionnel qui viendra s’ajouter à une rémunération fixe dont le montant annuel est multiplié par 4,5. De telles largesses posent une fois de plus la question des conflits d’intérêts. Ceux qui peuvent surgir dans les grandes entreprises cotées lorsque les mandataires sociaux négocient une OPA/OPE amicale au profit d’un groupe concurrent, sont légions. Philippe Camus est gratifié d’un pactole qui témoigne de la reconnaissance de l’acquéreur d’Alcatel-Lucent. Comment être vraiment certain, comme pour Michel Combes ( ex-PDG) qu’il a négocié la bonne parité pour cette OPE ?

Philippe Camus reste PDG au moins jusqu’en mars

Le 30 décembre 2016, à la fin de la première phase de son OPE, le groupe finlandais a récolté plus de 76,31 % des actions d’Alcatel-Lucent en circulation. Il s’est dépêché de remanier le conseil de l’équipementier télécoms français avant même d’achever l’OPE réouverte le 14 janvier. Jusque là rien d’anormal, Nokia tient à marquer son territoire. Car, si le finlandais ne réussit pas à récolter plus de 95 % du capital de sa cible pour finaliser la fusion juridique entre les deux entités après la réouverture de l’OPE prévue le 14 janvier, il devra gérer une transition délicate. Il faudra mettre en oeuvre les synergies liées au rapprochement sans négliger l’intérêt des actionnaires minoritaires d’Alcatel-Lucent.

Nokia lui octroie 100 % de sa prime et de ses actions gratuites 

Philippe Camus, ex-président devenu PDG en juillet dernier, lors du départ de Michel Combes, n’a pas à  se plaindre de son traitement. A peine, le groupe finlandais a-t-il pris le pouvoir avec cinq administrateurs sur les neuf que compte le conseil d’administration d’Alcatel, que ses bons et loyaux services de Philippe Camus sont récompensés. Il est maintenu au poste de PDG au moins jusqu’au 19 mars prochain, ce qui va lui permettre de remplir une des conditions nécessaires pour toucher ses primes : l’une accordée en 2012, de l’ordre de 800 000 € sous forme d’actions de performance, l’autre datant de 2014, proche de 1,5 million € sous forme d’unités de performance.

Or, les fonctions de président que Philippe Camus occupait à l’époque ne justifiaient pas qu’il se voit octroyer des rémunérations liées en principe à la réalisation de performances opérationnelles. Il suffit de lire la description qui en est faite pour constater que les conditions d’attribution n’ont rien à voir avec la performance d’Alcatel Lucent.

Dans son dernier rapport sur la gouvernance et les rémunérations des dirigeants, l’AMF a d’ailleurs soulevé le problème de la rémunération variable du président :

« L’AMF considère que, dans la mesure où il ne dispose pas de pouvoirs de gestion, le président du conseil ne devrait pas percevoir de rémunération variable en espèces ou en titres, sauf justification particulièrement circonstanciée au regard de missions spécifiques, excédant celles dévolues par la loi. Elle estime en tout état de cause que la qualification d’indépendant ( NDLR : ainsi se qualifiait Philippe Camus en 2012 et 2014)  implique l’absence de telle rémunération.

Dans le même sens, le HCGE, dans son rapport publié le 2 octobre 2015, ne recommande pas le recours au versement de rémunérations variables et de rémunérations en titres pour le président du conseil d’administration. Il indique ainsi que «les rémunérations variables portent atteinte à la qualification d’indépendance, et présentent l’inconvénient de donner au président une forme d’incitation court-termiste, ce qui est contraire à la mission du conseil « 

Qu’à cela ne tienne, satisfait du comportement de Philippe Camus qui lui a ouvert les portes d’Alcatel Lucent, Nokia ne s’est pas fait prier pour lui accorder 100 % de ces deux bonus ( 211 352 actions gratuites et 400 000 unités de performance), le tout représentant environ 2,3 millions €.

Une indemnité exceptionnelle de 350 000 € pour bons et loyaux services

Mais ce n’est pas tout. Les dirigeants de Nokia savent décidemment se montrer reconnaissants envers celui qui ne leur met pas des bâtons dans les roues. Le « say on pay » de Philippe Camus voté par les actionnaires en AG, le 26 mai dernier, ne prévoyait aucune indemnité exceptionnelle. Mais le nouveau conseil d’Alcatel Lucent emmené par Nokia, en a décidé autrement. Philippe Camus touchera une prime exceptionnelle de 350 000 €.

Une rémunération fixe annuelle portée de 200 000 à 900 000 €

Enfin, pour l’année 2016, sa rémunération fixe annuelle sera multipliée par 4,5.  Elle passera de 200 000 à 900 000 €. Philippe Camus est certes devenu PDG depuis juillet 2015,  mais parions qu’aura-t-il à gérer au plan opérationnel ? A présent, c’est le concurrent finlandais qui occupe le siège du conducteur. Il n’empêche qu’il sera payé sur cette base en fonction de son temps de présence et assuré par conséquent de toucher au moins 300 000 € s’il doit quitter le groupe fin avril 2016, dans l’hypothèse d’une fusion juridique sur les rails, entre Nokia et Alcatel.

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