Holcim est pressé de retirer Lafarge de la cote. C’est en tout cas ce qui se lit dans le projet d’offre déposé à l’AMF. Le groupe suisse a réussi son OPE sur le cimentier Lafarge puisqu’il a ramassé 87,5 % du capital. Une deuxième phase de l’OPE débute. Elle prévoit la réouverture de l’offre pendant 10 jours ouvrés dans les mêmes conditions et dans la foulée un retrait obligatoire (OPRO) des actions Lafarge en circulation, à condition qu’Holcim ait ramassé plus de 95 % des actions. Les actionnaires individuels de Lafarge qui n’ont pas vendu leurs titres lesquels totalisent plus de 2 milliards € en Bourse, auront donc une deuxième chance, puis probablement une troisième chance de sortir avec l’OPRO. L’ambition d’Holcim est en effet de fusionner pour réaliser 1,4 milliard € de synergies. Les premières actions Holcim (devenues LafargeHolcim) récupérées lors de l’échange seront livrées ce lundi et le titre suisse est maintenant coté sur Euronext Paris .
Une indemnisation en actions et en cash
La procédure suit donc son cours, et les minoritaires qui n’auront pas apporté à l’OPE fin juillet doivent s’attendre maintenant à se faire exproprier. Hors, Holcim n’est pas très généreux. Le groupe a forcé la direction de Lafarge à revenir sur la première offre à 50/50 d’une fusion entre égaux, pour imposer une parité moins favorable : 10 actions Lafarge contre 9 Holcim.
Ce qu’on sait seulement aujourd’hui, c’est qu’en cas d’expropriation à la suite de l’OPE, Holcim devenu LafargeHolcim indemnisera les actionnaires soit en actions LafargeHolcim, soit en cash. Le paiement en espèce sera automatique par défaut.
D’ordinaire, dans le cadre de l’OPRO qui suit de près l’OPE, la parité retenue pour l’indemnisation en actions est la même que celle de l’OPE. Il n’y aura en principe pas grand intérêt à demander l’échange dans le cadre de l’OPRO. Pour l’option d’échange, mieux vaut le faire pendant la période de ré-ouverture de l’offre car dans ce cas, il donnera droit aux actions gratuites distribuées à l’issue du règlement-livraison.
Il s’agit donc de savoir quel prix proposera Holcim à ceux qui veulent 100 % en cash et qui n’ont pas vendu leurs actions Lafarge ?
L’autorité des marchés a seulement confirmé que l’indemnisation (le retrait obligatoire) fera le jour venu, l’objet d’une expertise indépendante et bien sûr d’une note d’opération que le gendarme visera. Mais cette réponse de l’AMF ne résout pas tous les problèmes.
Même cas de figure que l’OPRO de France Telecom sur Orange en 2003-2004
Dans le cas de Lafarge, il n’y a pas eu comme dans les cas d’OPA-OPE, une alternative à l’OPE en cash. Par conséquent, il n’y a pas de prix de référence en cash pour le retrait obligatoire. Le cas n’est pas nouveau mais précisément il est conflictuel. En effet, il ne suffit pas de faire une règle de trois : l’action Lafarge = 9/10ème de l’action Holcim. Encore faudra-t-il savoir quelle date de référence retenir pour le cours d’Holcim ? C’est précisément là où peuvent apparaître des désaccords.
C’est ce qui s’est passé, début 2004, lorsque France Telecom a retiré sa filiale de téléphonie mobile Orange de la cote après avoir proposé l’échange contre des titres France Telecom. L’expert indépendant s’est basé pour l’indemnisation en cash, sur le cours de la maison mère à la date du réglement-livraison. Le prix est ressorti à 9,50€ par action et il a été vivement contesté. Si le cours retenu avait été celui de la veille du lancement de l’OPE comme le préconisaient les activistes, l’indemnisation en cash aurait atteint 9,94 €, soit presque 5 % de plus (voir notre article).
Une base d’indemnisation qui peut vite être défavorable
L’histoire risque de se répéter. En effet, si l’expert indépendant se base sur le cours de l’action Holcim le 28 mai soit 74,15 FS (cotation précédant le lancement de l’OPE), l’indemnisation par action Lafarge ressortira à 64,54 €. En revanche, si le calcul se fait sur la base du cours d’Holcim à la date de règlement livraison, il peut très bien être inférieur puisque ce jeudi 9 juillet à 11h42 * Holcim cotait 70,45 FS soit 67,12 €, sur cette base, l’indemnisation serait ressortie à 60,40 € soit environ 7 % de moins.
Dans les deux cas, un autre problème peut se poser. Il serait malvenu au nom de l’égalité de traitement, qu’un actionnaire qui demande le paiement en titres reçoive un montant différent le jour j, de celui qui veut du cash. Pour l’avocat parisien spécialiste du droit boursier, Dominique Schmidt, le plus simple serait donc de considérer que dans l’hypothèse où le prix de l’indemnisation est calculé en référence au cours de Bourse, ce soit celui du jour du retrait obligatoire qui serve de référence. Il est peut-être temps de fixer une règle simple en la matière !
* Pour nous placer dans la situation de l’actionnaire qui conserve des actions Lafarge dans son PEA jusqu’à l’indemnisation et être informé au même titre, nous avons acquis 30 actions Lafarge ce jour à 11h42 sur Euronext Paris à un cours de 60,87 €.
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Un lecteur nous avertit que si le cours de référence pour le retrait obligatoire est celui du jour où se déroule le retrait, des manipulations de la part de l’initiateur d’une OPE seront toujours possibles. Par conséquent ce n’est peut-être pas une référence à retenir pour toutes les opérations.
Il nous fait aussi remarquer concernant Lafarge que la distribution d’actions gratuites aux actionnaires de Lafarge qui auront apporté à l’OPE va créer un grand nombre d’actions et que par conséquent, il existe un risque de dilution qui peut faire baisser l’action LafargeHolcim et modifier la parité. C’est un calcul intéressant qui mérite d’être pris en compte par ceux qui préfèrent attendre l’expropriation.