Bruno Lafont a quitté sur la pointe des pieds son poste de PDG de Lafarge le 10 juillet dernier, avec parachute doré de 5,9 millions € comme l’atteste ce document publié sur le site internet du cimentier. La nouvelle de son départ a été très discrètement annoncée dans un communiqué diffusé pendant le pont du 14 juillet. Comme nous l’avions indiqué dans notre article intitulé » LafargeHolcim : un pactole de plus de 30 millions € pour Lafont« , pour le PDG, la vente de Lafarge est une affaire en or.
Si, au plan juridique, Bruno Lafont quitte bien la société Lafarge cédée au concurrent Holcim, dans les faits, il ne quitte pas le groupe puisqu’il rejoint aussitôt LafargeHolcim. Juridiquement l’affaire est bien bordée mais dans la réalité le PDG de Lafarge n’aurait jamais du percevoir cette prime de départ, puisqu’il ne quitte pas le groupe.
Ce nouvel épisode scandaleux, montre bien à quel point, la tentative d’autodiscipline des grands patrons par l’Afep-Medef est vaine. Comme Robert Peugeot qui, en restant avec un contrat de travail-dormant chez PSA a réussi à se faire payer une belle retraite chapeau, Bruno Lafont, s’est arrangé pour contourner le fameux code Afep-Medef qui montre donc une fois de plus ses limites!
Cette prime de départ était liée au contrat de travail du PDG chez Lafarge qu’il avait refusé d’abandonner lorsqu’il avait été nommé à ce poste en 2006. Le non cumul est pourtant l’une des recommandations du code Afep-Medef. Or, ce contrat de travail n’a pris fin que le 10 juillet. Les 5,9 millions € viennent donc s’ajouter à la prime exceptionnelle de 2,5 millions € qui lui avait été accordée en mai dernier « pour le rôle clé joué dans le cadre du projet de fusion avec Holcim ».
Mais de quel rôle parle-t-on ? Bruno Lafont avait accepté de revoir à la baisse les conditions de la fusion entre Lafarge et Holcim, une opération présentée au départ comme une fusion entre égaux, vite devenue un rachat du français par son principal concurrent Suisse. Bruno Lafont avait accepté une parité de 10 actions Lafarge pour 9 actions Holcim au lieu de 1 action Lafarge pour 1 action Holcim, nettement moins avantageuse pour les minoritaires ! Comment les administrateurs de Lafarge ont-ils pu gratifier le PDG de tels émoluments, alors qu’il n’a pas réussi à tenir ses positions ? Mystère !
Les actionnaires d’Holcim étant nettement moins généreux que les grands actionnaires de Lafarge qui ont trouvé un intérêt fiscal évident dans le rapprochement avec Holcim, ils ont souhaité que Lafont renonce à sa rémunération en tant que co-président de LafargeHolcim. D’autant qu’il s’agit d’un poste plutôt symbolique et sans aucune dimension opérationnelle. Bruno Lafont a donc décidé d’abandonner sa rémunération de 1,75 million FS annuels qui ne passait pas à Zurich. Il ne recevra donc « que 200 000 FS » de jetons de présence comme un simple administrateur.
Les minoritaires de Lafarge n’auront jamais à voter de Say on Pay sur les sommes qui sont attribuées au PDG si l’action est retirée de la cote avant une prochaine assemblée. Et dans le cas contraire, si la cotation est maintenue, LafargeHolcim ayant déjà ramassé plus de 87 % du capital, leur vote n’aura de toute façon aucun poids. Joli tour de passe passe !
Mais ce n’est pas tout. Comme nous l’expliquions dans notre article précédent, ces 5,9 millions € sont loin d’être la seule rémunération sur laquelle peut compter Bruno Lafont. Entre autres, il garde également le bénéfice de sa retraite chapeau qui lui permettra de toucher le jour venu une rente à vie de 640 000 € par an.
Néanmoins, nous remettons à jour notre calcul. Le PDG quitte le groupe avant même la fin de l’OPE, sans doute pour s’installer en Suisse avec son pécule. Il part avec un pactole de l’ordre de 28 millions € (et non 30 millions € comme calculé précédemment).
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